Accéder au contenu principal
Italie

«Non-parti», «anti-système»: qu’est-ce que le Mouvement 5 étoiles?

Avec 32,7% des suffrages, le parti fondé par Beppe Grillo est sorti grand vainqueur des élections législatives, le 4 mars. En moins de dix ans, le « Mouvement 5 étoiles » est devenu la première formation politique d’Italie. Quel est ce « non-parti » campant sur une ligne « ni droite ni gauche » qui le rend quasiment inclassable selon les canons de la science politique ?

Luigi Di Maio, le dirigeant du Mouvement 5 étoiles lors d'un discours à Caserta le 23 février 2018.
Luigi Di Maio, le dirigeant du Mouvement 5 étoiles lors d'un discours à Caserta le 23 février 2018. REUTERS/Ciro De Luca
Publicité

D’où vient le Mouvement 5 étoiles ?

Le Mouvement 5 étoiles, ou M5S pour Movimento Cinque Stelle, est lancé à Gênes le 4 octobre 2009, jour de la saint François d’Assise – un symbole très fort en Italie. Il naît de l’alliance entre Beppe Grillo et Gianroberto Casaleggio, un informaticien décédé en 2006 considéré comme le cerveau politique du M5S. La formation se définit comme un « non-parti », et se construit dans la lignée des manifestations anti-élite et anti-corruption que le comédien Beppe Grillo organise à partir de 2007, en fédérant grâce à son blog très populaire. Les réseaux sociaux ont d’ailleurs un rôle central dans le fonctionnement du M5S, qui utilise internet pour faire adopter son programme ou choisir ses candidats aux élections.

L’un des événements fondateurs du mouvement est le « Vaffa-Day », pour « vaffanculo », la journée du « va te faire foutre », les 8 et 9 septembre 2007. À cette occasion Beppe Grillo, comédien célèbre tonitruant dans ses déclarations, rassemble 350 000 signatures autour de l’initiative « Parlamento pulito » (« Parlement propre »), qui voulait interdire l’entrée au Parlement italien des personnes condamnées par la justice et limiter à deux législatures le mandat des parlementaires. Qualifié de populiste 2.0, le Génois a été comparé à Coluche, comme à Pierre Poujade. « Beppe Grillo a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, même quand il était uniquement acteur comique, à travers des sketchs qui critiquaient le pouvoir », explique Ludmila Acone, historienne et chercheuse associée à l’Université Paris I. L’ancien chef de file du mouvement est désormais en retrait, et a laissé la place au jeune Luigi Di Maio, 31 ans, considéré comme plus modéré que son prédécesseur.

Que signifie le nom du Mouvement 5 étoiles ?

Logo officiel du Mouvement 5 étoiles
Logo officiel du Mouvement 5 étoiles Movimento 5 Stelle

Les cinq étoiles font référence aux cinq priorités qui constituent le socle du projet politique du mouvement : retour au public de la gestion de l’eau, zéro déchet (recyclage), transports publics, énergies renouvelables et wifi gratuit. Le V majuscule en rouge représente le chiffre romain V (cinq) et renvoie également au terme fondateur « vaffanculo ».

Par ailleurs, le père spirituel du Mouvement, Beppe Grillo, dans les premières réunions de la formation fait valoir que s'il n'y avait pas de partis, composés de politiciens « voleurs et corrompus », « nous pourrions tous mener une vie cinq étoiles ».

Quel est l’identité politique du mouvement ?

« Cinq étoiles n’est pas un parti politique traditionnel, c’est un mouvement qui a une ligne politique très fluctuante », explique Ludmila Acone. En effet, le programme du M5S a beaucoup évolué au cours de ces derniers mois, au fur et à mesure que les législatives se rapprochaient.

Si son inspiration initiale se trouve plutôt à gauche, dans la lutte contre les politiques d’austérité appliquées dans le pays à la suite de la crise de la dette dans la zone euro, en 2014 le mouvement s’est allié au Parlement européen avec le parti d’extrême droite britannique UKIP et les « Patriotes » de Florian Philippot, ex-cadre du Front national. Avant un revirement : en janvier 2017, Beppe Grillo propose de rejoindre l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), un groupe parlementaire centriste, libéral et fédéraliste. Cette proposition, approuvée par une grande majorité des votants en ligne mais rejetée par l’ADLE, marque la fin du positionnement eurosceptique historique du mouvement. Lors de la campagne pour les législatives, le M5S a abandonné l’idée d’un référendum sur la sortie de l’euro.

Certains points de son programme situent le mouvement à droite de l’échiquier politique. Il propose par exemple de réduire la progressivité de l’impôt sur le revenu. Sur la question de l’immigration, le mouvement laisse planer le flou. Le chef du mouvement Luigi Di Maio explique vouloir faire passer « les Italiens d’abord ». Pourtant, pour Ludmila Acone, ce discours ne doit pas forcément être compris comme un discours xénophobe. « Dans cette phrase, il y a l’idée qu’il faut s’occuper d’abord des Italiens car ils sont délaissés, laissés-pour-compte », analyse-t-elle.

Reste une ADN « mouvementiste ». « Les membres du M5S sont opposés au système des partis, qui, disent-ils, a montré sa corruption, ses limites, son incapacité à gouverner et à donner la voix aux citoyens », explique l'historienne. Très virulent à l’origine dans la contestation et le rejet de la « caste » politique, Luigi Di Maio et même Beppe Grillo ont largement modéré leurs propos. Dans la dernière vidéo en date, postée le 1er mars sur YouTube et sur son site, le comédien s’interroge : « Peut-être que l’époque du "Vaffa" est terminée ». Un adieu au Vaffa qui « marque un tournant personnel et politique pour Grillo », observe le journal Corriere della Sera.

Beppe Grillo en meeting le 17 avril 2013 à Pordenone, Italie.
Beppe Grillo en meeting le 17 avril 2013 à Pordenone, Italie. AFP PHOTO / GIUSEPPE CACACE

Quel est le poids électoral du M5S ?

Le mouvement remporte ses cinq premières mairies en 2012, soit trois ans seulement après son lancement, et entre en force au Parlement en 2013. Avec 25% des voix, il envoie 109 militants totalement inexpérimentés à la Chambre des députés, et 54 au Sénat. À la sortie, en 2018, ils ne sont plus que 88 députés et 35 sénateurs, les élus manquant ayant quitté le parti par choix ou parce qu'ils ont été expulsés. En 2014, le parti arrive en deuxième position aux élections européennes. Les villes de Rome et Turin sont dirigées par des représentants du Mouvement 5 étoiles depuis fin juin 2016.

Le mouvement n'avait cependant jamais réussi à remporter une région ou à dominer au Parlement. Avec 32,7% des voix obtenus le 4 mars, le M5S devrait obtenir environ 221 députés et 112 sénateurs dans la prochaine mandature. Le parti est en position de force pour la formation du gouvernement. Longtemps hostile à toute alliance avec les partis traditionnels, le M5S s’est montré moins catégorique ces dernières semaines. « Depuis les élections, le discours de Luigi De Maio s’est ouvert à l’idée de négociation, même s’il souhaite garder le leadership », détaille l’historienne Ludmila Acone. « Di Maio fait quelques clins d’œil à gauche, et en même aussi un petit peu à droite. S’il y aura des alliances ou non, nous le saurons dans les jours qui viennent », explique-t-elle. Le chef de la Ligue Matteo Salvini (extrême droite), de son côté, s'est dit opposé à tout accord avec le M5S.

Qui sont les électeurs du Mouvement 5 étoiles ?

Le M5S est particulièrement populaire au sud de l’Italie. Au lendemain des législatives, le pays semble d’ailleurs coupé en deux, entre un nord dominé par la Ligue de Matteo Salvini et un sud où le M5S a fait carton plein. Selon Ludmila Acone, ce sont les disparités économiques qui expliquent cette rupture géographique. « Dans le Sud, la population est dans une situation de pauvreté, de chômage et de désarroi. Elle se sent abandonnée, en colère », détaille-t-elle. « C’est un territoire où il y a eu de forts mouvements sociaux, suite à un démantèlement industriel très important. C’est le parent pauvre du pays depuis plusieurs décennies déjà », ajoute-t-elle. Statistiquement, le M5S est populaire dans les zones les plus défavorisées et à la périphérie délaissée des grandes villes.

Parmi les électeurs, beaucoup de jeunes et de déçus de la gauche traditionnelle. « Le M5S séduit les jeunes, car il leur propose de faire de la politique via les réseaux sociaux, et pas via les structures traditionnelles (réunions, assemblées, congrès…) », analyse Ludmila Acone. « Les électeurs du mouvement ont été séduits par ce refus d’entrer dans un système qui est jugé comme corrompu », explique-t-elle.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.