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Afghanistan / Livres

«Jonquille», la guerre en Afghanistan racontée par un soldat français

« Jonquille », tel était l’indicatif de l’une des dernières compagnies de l’armée de terre française à avoir « fait » l’Afghanistan en 2012. Cinq ans après, leur commandant publie le récit de leur guerre, pour que tout un chacun puisse garder les épreuves de ces hommes et de ces femmes en mémoire.

Un soldat du contingent français en Afghanistan, à Kaboul, en septembre 2012.
Un soldat du contingent français en Afghanistan, à Kaboul, en septembre 2012. AFP PHOTO / JEFF PACHOUD
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« Il n’est pas très beau, mon soldat, mais il redresse la tête, tire imperceptiblement ses épaules vers l’arrière pour bomber son torse maigre, puis reprend son chemin en roulant des mécaniques. A cet instant précis, il marche comme si la base tout entière lui appartenait. Il marche avec la fierté d’un César vainqueur. Il marche, seul, superbe, immense pour un instant. Peut-être que je l’ai imaginé, mais il y a du respect dans le regard des officiers, un soupçon d’envie même. Il est 18 heures, la fin d’une journée ordinaire, la routine terrifiante d’un été en Afghanistan, et pendant une seconde, mon petit soldat avec sa mitrailleuse sur l’épaule est devenu le centre du monde. J’ai écrit cette histoire pour ne pas l’oublier ».

C’est ainsi que débute Jonquille. En poète autant qu’en guerrier, le commandant français Jean Michelin a décidé de raconter l’histoire de sa compagnie, dont la fleur éponyme servait d’indicatif radio au « Royaume de l’insolence ».Ses hommes et lui ont été parmi les derniers à être déployés pour des missions de combat en Afghanistan. Il les dépeint avec la plume d’un officier et d’un chef d’aujourd’hui : avec dureté et sensibilité, avec humilité et amour.

La guerre qu’il raconte ne ressemble en rien à un blockbuster américain, malgré quelques pages marquées par les déflagrations et la mort. La guerre de « ses » hommes, des gamins et des « vieux soldats » partis vivre l’aventure de leur vie, est aussi modeste que ceux qui la font : des blindés qui roulent au pas sous la menace d’une embuscade imprévisible, des rires autour d’une bière partagée entre survivants d’une énième mission sur les périlleuses routes afghanes, les larmes après la mort de camarades tombés dans une attaque-suicide aussi lâche que cruellement efficace… L’Afghanistan des armées françaises comme si on y était.

Travail de mémoire

« Je voulais qu’on puisse se souvenir de mes gars, explique Jean Michelin à RFI. Cela peut paraître un peu naïf, mais nous avons vécu des trucs forts. C’est un travail de mémoire ». D’un chapitre à l’autre, les anecdotes et les drames sont incarnés par ceux avec qui il a partagé ces moments.

Pendant sa mission, il ne prend pas de notes même si l’idée d’écrire est déjà présente. Les dialogues sont directement puisés dans ses souvenirs. « Plutôt que de chercher à être exact, j’ai essayé de restituer le ton », explique-t-il.

Jean Michelin, auteur de Jonquille, lorsqu'il était encore soldat en Afghanistan.
Jean Michelin, auteur de Jonquille, lorsqu'il était encore soldat en Afghanistan. Archives personnelles de Jean Michelin

Le récit de Jonquille offre un exutoire pour évacuer la violence vécue pendant six mois dans ce conflit lointain. Nombreux sont les militaires l’ayant traversé à témoigner de leur difficulté à raconter ce qu’ils ont vu, entendu et ressenti. Jean Michelin confirme avoir affronté le même défi : « Il m’a bien fallu un an pour retrouver une vie normale. Ecrire, c’était aussi un moyen d’arriver à raconter à mes proches ».

Soldats-écrivains

Contrairement à ce que l’on imagine souvent, les militaires sont relativement nombreux à prendre la plume pour témoigner, évacuer et transmettre leur guerre. Au détour des pages de Jonquille, on croise d’ailleurs le commandant Brice Erbland. Les deux hommes ont été camarades de promotion à Saint-Cyr, longtemps avant de se retrouver en Afghanistan. Ils partageaient déjà une passion commune pour la musique, ils sont désormais aussi des écrivains.

Ce pilote d’hélicoptère d’attaque a précédé son camarade de quelques années dans les librairies et raconte à quel point son livre a pu élargir ses horizons : « Cela m’a ouvert plein de portes que je n’aurais jamais imaginées, littéraires notamment. Un témoignage en invite un autre et je me suis ainsi retrouvé à raconter mon expérience jusqu’à l’ONU ».

L’écriture est-elle un projet difficile à faire accepter à la hiérarchie et à l’institution ? « A l’époque, c’était encore relativement rare et je ne savais pas trop quoi faire, se souvient le commandant Brice Erbland. Avant de chercher un éditeur, j’ai envoyé mon manuscrit à la communication de l’état-major des armées, notamment parce que je parlais d’opérations récentes. Ils n’ont pas changé une seule ligne ». Le commandant Jean Michelin, lui, n’a pas ressenti le besoin de demander une autorisation. Il a simplement transmis une copie à ses chefs par « courtoisie militaire ».

Les réactions au sein de l’institution restent variées. Dans le cas du commandant Brice Erbland, certains collègues pilotes l’ont remercié de ces pages qui leur ont permis de raconter à leurs proches ce qu’était leur quotidien. D’autres ont exprimé mesquineries et jalousies. Ainsi sont les affres de l’exposition littéraire.

Pour le commandant Jean Michelin, c’est d’abord la réception du grand public qui importe : « C’est important pour un militaire d’écrire. On nous encourage à le faire. La culture aide une société à s’approprier son histoire. Et l’Afghanistan, cela fait partie de l’histoire de France ».

→Jonquille par Jean Michelin, édition Gallimard, novembre 2017, 368 pages, 21 euros

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