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Nigeria

[Chronique] Faux et usage de faux: le règne de la contrefaçon au Nigeria

La contrefaçon est plus que jamais un fléau dans le pays le plus peuplé d'Afrique : elle touche tous les secteurs d'activités. Bien difficile de lui échapper.

Un homme vend des chaussettes à Lekki, un quartier de Lagos, le 12 septembre 2017.
Un homme vend des chaussettes à Lekki, un quartier de Lagos, le 12 septembre 2017. REUTERS/Akintunde Akinleye
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Le film 30 jours à Atlanta, le roman L'autre moitié du soleil, un scrabble, des poches d'eau glacée, un chapeau de père Noël ou de la mort au rat... Dans les rues nigérianes, on trouve de tout en vente libre. Les blockbusters de Nollywood, les jeux de société ou des produits qui font passer les rongeurs de vie à trépas, rien n'est inaccessible à celui qui arpente les rues ou les sillonne en voiture et qui possède une poignée de billets.

On ne peut s'empêcher d'éprouver du respect pour ces petits vendeurs à la sauvette qui courent comme des dératés après des 4x4 afin de vendre qui des noix de cajou, des pommes sud-africaines ou des mouchoirs en papier. Ils risquent leur vie chaque jour et avalent sans compter les dioxydes de carbone répandus par l'essence frelatée. Les plus courageux sont sans doute les nains spécialisés dans la vente de cassettes de films nollywoodiens. Plus que tous les autres, ils risquent de passer sous une voiture et d'y laisser leur vie. Ils forcent le respect et presque tout le monde se sent un jour ou l'autre le devoir de leur acheter une de leurs « productions ».

La majorité de ces produits en vente libre sont des contrefaçons. Les cassettes pirates du film L'autre moitié du soleil étaient en vente dans les rues de toutes les grandes villes du Nigeria bien avant la sortie du film en salle. Du coup, ce film au budget de dix millions de dollars est devenu un désastre financier. Ces cassettes pirates constituent un grand manque à gagner pour l'industrie du cinéma et de la musique qui font vivre près d'un million de personnes au Nigeria.

De la difficulté d'acheter un film légalement

Celui qui achète le film ou l'album musical dans la rue n'est jamais sûr de la qualité de la copie. Bien souvent, il va rater les dix dernières minutes où le film sera complètement invisible. Mais il existe très peu d'alternative, le marché de la contrebande est tellement installé au cœur des habitudes de consommation que les lieux où il est possible d'acheter le film légalement sont rares. Les pirates sont tellement puissants que les producteurs des films hésitent à réaliser leurs propres cassettes, ils craignent de ne pas trouver leur place sur le marché.

Même l'industrie du livre est massivement victime de piraterie. Les romans de Chimamanda Ngozi Adiche ou de Chinua Achebe, notamment, sont vendus en version pirate un peu partout dans le pays. L'acheteur peut avoir des mauvaises surprises, mais même dans les librairies ayant pignon sur rue, il peut aussi tomber sur des faux. Des livres à la couverture de bonne facture. Mais une fois ouverts, ils contiennent des passages n'ayant qu'un lointain rapport avec le texte d'origine.

Faux champagne et vrais arnaques

Même les produits de luxe, tels que le champagne, ne sont pas à l'abri des contrefaçons. Dans les boîtes de nuit ou les bars branchés, il est fréquent que du faux champagne soit vendu à prix d'or. Rien de plus facile. Les bouteilles sont vraies, des étiquettes d'origine, mais à l'intérieur, au lieu du champagne, il y aura du vin pétillant acheté à moindre coût : du cava de Catalogne par exemple. Peu de clients se rendent compte de la supercherie, surtout lorsqu'ils n'en sont pas à leur première bouteille de la soirée.

Même dans les stations-service appartenant à de grandes entreprises pétrolières, il est fréquent de tomber sur de « l'essence trafiquée », mal raffinée ou coupée avec de l'eau qui va endommager les moteurs. Les pièces détachées des véhicules sont fréquemment fausses. Les boutiques des grandes marques de téléphonie vendent aussi à l'occasion des contrefaçons. De même que les enseignes de ventes en ligne. Personne n'échappe à ce fléau.

Plus grave, les faux médicaments et drogues de mauvaise facture circulent un peu partout. Le « faux viagra » tue régulièrement, de même que les faux antipaludéens ou la fausse cocaïne. « Même dans les hôpitaux les plus chers et les plus réputés, les faux médicaments ne sont pas rares », souligne un médecin réputé de la place. Lui et sa famille se font soigner en Europe. Là, au moins, ils sont sûrs de la qualité des médicaments fournis.

La plupart de ces faux médicaments ou médicaments mal dosés sont fabriqués en Asie. Ils sont fréquemment conditionnés dans l'est du Nigeria. Il est rare que la douane les saisisse. Les trafiquants possèdent des moyens financiers considérables, grâce auxquels ils se font des amis haut placés.

Faux policiers et vrais bandits

L'industrie de la contrefaçon touche même l'alimentation, la « fausse nourriture » entre régulièrement au Nigeria. Même si, juste avant Noël, du « faux riz » venu de Chine a été intercepté par les douaniers.

Lorsqu'un Nigérian se rend compte qu'il a été victime d'une arnaque à la consommation, il a tout loisir d'avertir la police. Mais là encore se pose la question capitale : s'agit-il d'un vrai ou d'un faux policier ?

Vrai ou faux, le pandore a toutes les chances de demander de l'argent pour commencer son travail. Il explique au plaignant qu'une enquête coûte cher. Il faut d'abord payer le papier et l'encre pour taper sur la machine à écrire qui va servir à rédiger la déposition. Afin d'avoir l'énergie suffisante pour taper sur la machine, le policier a aussi besoin de se faire offrir la « boisson sucrée » qui va lui permette d'éviter la crise d'hypoglycémie si fréquente dans les commissariats.

Même si le policier trouve les coupables va-t-il les arrêter ? Ces trafiquants sont puissants, très déterminés et possèdent d'importants moyens financiers et peu de scrupules.

Au final, le policier risque de se retourner contre le plaignant. Reste alors la question de fond : qui est le plus dangereux pour la santé, le vrai ou le faux policier ? Le faux policier et vrai bandit qui a loué l'uniforme d'un vrai policier. Ou le vrai policier qui loue ses services à de vrais bandits. Difficile de démêler le vrai du faux, surtout en matière de police où il existe plus de zones grises que de zones blanches ou noires.

Tout comme en matière de médicaments, avec les pandores, bien difficile d'avoir des certitudes. Du coup, policiers ou médicaments, les Nigérians préfèrent en user à dose homéopathique.

(Re)lire les autres Histoires nigérianes

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