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Accidents/Transport

Pourquoi les accidents de la route tuent-ils de plus en plus en Afrique?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec seulement 2 % du parc automobile mondial, l’Afrique enregistre 24,1 % des victimes de la route en 2016. 1,25 million de personnes ont perdu la vie sur la route dans le monde en 2016, dont 300 000 victimes sur le continent africain. L'hécatombe est disproportionnée, par rapport au réseau routier comme au nombre de voitures en circulation. Règlementations défaillantes, vétusté des véhicules ou des routes, comportements à risques au volant, croissance du niveau de revenus, alcoolisme, corruption… Bien des facteurs entrent en ligne de compte.

Malgré un faible nombre de véhicule en circulation, l'Afrique est l'un des continents du monde où les routes sont les plus meurtrières pour les automobilistes.
Malgré un faible nombre de véhicule en circulation, l'Afrique est l'un des continents du monde où les routes sont les plus meurtrières pour les automobilistes. SIA KAMBOU / AFP
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Pas une semaine ne passe sans que de graves accidents n'emportent des vies sur les routes d'Afrique. Six humoristes ont péri le 23 juillet dernier dans une collision entre leur véhicule et un camion au Togo, endeuillant la scène culturelle du pays.

Parmi les 15 pays du monde où l'on meurt le plus sur la route figurent 12 pays d'Afrique, selon la dernière étude de l'OMS. A ce triste palmarès, la Libye occupe la première place, avant le Venezuela et la Thaïlande, suivie par le Malawi, le Liberia, la République démocratique du Congo (RDC), la Tanzanie, la République de Centrafrique, le Rwanda, l'Iran, le Mozambique, le Burundi, le Togo, Sao Tomé e Principe et le Burkina Faso. Plusieurs facteurs sont avancés par l'agence onusienne pour expliquer cette situation : des lois trop faibles ou mal respectées, la qualité des routes et des véhicules, une plus forte proportion d'usagers « vulnérables » (piétons) sur les routes et un nombre croissant d’automobiles en circulation.

Selon l'expert éthiopien Girma Berhanu Bezabeh, auteur en 2013 d'un rapport de la Banque africaine de développement sur la sécurité routière, « les pertes causées en Afrique sont disproportionnées par rapport au niveau de motorisation et à la densité du réseau routier par rapport à d'autres régions du monde ». Dans les 17 pays qui ont répondu à l'enquête de la BAD, sur les 38 sollicités, il note que la sécurité routière n'est pas une priorité partout, avec des règlementations défaillantes.

Dans la moitié de ces pays, parmi lesquels le Nigeria, l'Egypte, l'Ethiopie, la Tanzanie, le Cameroun, le Maroc et la Tunisie, l'obligation de la ceinture de sécurité dans les équipements des véhicules ne fait pas l'objet de mention légale. Les administrations manquent de ressources pour faire appliquer les mesures prises. Une donnée économique de base fait par ailleurs que « tous les pays africains sont tributaires de l’importation de voitures d’occasion, avec seulement 60 % des pays étudiés prévoyant des normes d’importation et la plupart ne fixant pas de limites d’ancienneté pour les véhicules ». Enfin, l’élé́vation du niveau de revenu par habitant, avec une motorisation rapide en Afrique, explique aussi l'augmentation des accidents.

Des mesures pour stopper l'hécatombe au Sénégal

Au Sénégal, qui n'a pas répondu au questionnaire de la BAD, 500 personnes périssent chaque année sur des routes qui sont pourtant en bon état, depuis qu'elles ont été rénovées sous la présidence d'Abdoulaye Wade (2000-12). C'est l'indiscipline notoire des conducteurs et la vétusté des véhicules qui sont en cause. Après l'éclatement de l'un de ses pneus, un bus a percuté un camion-citerne, tuant 18 passagers le 5 mars dernier sur la route nationale, entre Saint-Louis et Dakar.

Le gouvernement, qui envisage d'introduire le permis à points, a pris dix mesures en mars pour stopper l'hécatombe, due à 92 % au facteur humain. Entre autres, il est prévu l'immobilisation et la mise en fourrière de tous les véhicules circulant après le délai imposé pour leur contrôle technique. Un âge minimum de 25 ans a été fixé pour les chauffeurs de transports urbains (taxis et bus) et de 30 ans dans les transports interurbains, outre le port du casque obligatoire pour les deux roues. Aussitôt, un tollé est venu de Touba, dont les responsables des transports ont protesté. Nombreux à être établis dans cette ville religieuse, ils gèrent un vaste réseau de taxis collectifs urbains et interurbains sur tout le territoire national.

Déjà, sous Abdoulaye Wade, les transporteurs du secteur informel avaient dû se plier aux mesures de rénovation de leur parc, pour mettre hors service leurs antiques « cars rapides », des minibus jaunes et bleus auxquels ils manquaient parfois jusqu'au plancher, et les remplacer par des véhicules neufs. Le gouvernement veut désormais remplacer toutes ces fourgonettes par des autobus de la marque indienne Tata, dédiés au transport de passagers. Ce projet créé lui aussi une vaste fronde, les transporteurs faisant vivre des centaines de personnes avec les métiers de chauffeur et d'apprentis dans les « cars rapides ».

Alcoolisme, corruption et prévention

Pour que de telles mesures fonctionnent, encore faudrait-il éradiquer la corruption des agents de police, qui peuvent fermer les yeux sur les infractions en échange de quelques billets. Mais l'alcoolisme tue aussi, tout comme d'autres facteurs qui restent à identifier. Ainsi, le Rwanda a réussi à endiguer le fléau de la petite corruption des policiers, devenue proscrite. Malgré la discipline qui fait la réputation de ce pays, les routes restent mortelles (le Rwanda occupe la 9ème place mondiale des plus forts taux de mortalité sur les routes pour 100 000 habitants).

En Afrique du Sud, au contraire, la police n'hésite plus depuis le début des années 2000 - à la fin de la présidence de Nelson Mandela et au début de celle de Thabo Mbeki - à solliciter des billets des automobilistes surpris en excès de vitesse. Le taux de mortalité routière y est le 42e au monde, avec le plus fort lien entre état d'ébriété et accidents selon l'OMS.

En Afrique du Sud, où l'alcoolisme fait autant de ravages que dans les Grands lacs, une campagne nationale a été lancée dès 1994, intitulée Arrive alive, don't drink and drive (« Arrivez vivants, ne buvez pas en conduisant »). Les efforts des autorités se font sans relâche, ce qui vaut aux spots des campagnes sud-africaines d'être remarqués hors des frontières du pays.

Faut-il en conclure que le train ou l'avion sont plus sûrs ? Sans doute, malgré l'accident ferroviaire survenu le 21 octobre 2016 à Eleka, au Cameroun, qui a fait 79 morts et plus de 600 blessés. Le fait que les Camerounais soient tentés de se rabattre sur la route depuis cette catastrophe n'est pas rassurant, dans un pays où le circuit Douala-Yaoundé-Bafoussam est surnommé « le triangle de la mort ». Les compagnies aériennes africaines, de leur côté, s'avèrent de plus en plus fiables, et font mieux que celles de nombreux pays d'Asie. Au moins une bonne nouvelle dans les transports africains : parmi les 100 compagnies jugées les plus sûres du monde figurent huit sociétés du continent : South African Airways (SAA), Air Seychelles, Air Mauritius, Ethiopian Airlines, Kenya Airways, TAAG Angola Airlines, et les deux compagnies sud-africaines low-cost Kulula et Mango.

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