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Colombie

En Colombie, dîner dans le restaurant d'une prison, c'est possible

C’est un nouveau restaurant un peu particulier qui a ouvert ses portes le 15 décembre dernier dans la ville mythique de Carthagène des Indes, au nord de la Colombie. Il propose à ses clients une expérience unique : un repas en prison servi par des femmes détenues. Dans une ambiance cosy, le restaurant de la fondation Teatro Interno dans la prison San Diego permet à ces femmes un peu de liberté en détention et les amène doucement vers la réinsertion à la vie civile.

Le restaurant Interno de la prison pour femmes San Diego, à Carthagène des Indes, en Colombie.
Le restaurant Interno de la prison pour femmes San Diego, à Carthagène des Indes, en Colombie. Sarah Nabli/RFI
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De nos correspondantes,

Au cœur du centre historique colonial de Cathagène, un mur rose indiqué par des flèches « Segundas oportunidades » (« Secondes opportunités ») se distingue d'un bâtiment délabré. Nous sommes face à la prison pour femmes de San Diego. Il est 14h30, une dizaine de détenues s'activent dans le restaurant : préparation de la salle, mise en place en cuisine, nettoyage. Installé dans une aile ouverte de la prison, le restaurant est cosy, habillé de rose, symbole féminin. Il y a des plantes vertes dans chaque coin, même les murs sont peints de végétation. Le visiteur en oublie qu'il vient d'entrer dans une prison.

Seules les personnes ayant une réservation peuvent y entrer. Le tout est géré par la coordinatrice du restaurant, Luz Adriana Díaz. A 42 ans, elle a quitté Bogota et sa vie d'enseignante pour ce projet de « re-sociabilisation et de réinsertion des détenues ». « Le but est de les préparer à leur sortie. Mais, déjà ici, elles reçoivent par exemple une prime mensuelle d'environ 200 euros qui est versée directement à leurs familles. Pour le reste, l'argent du restaurant sert à apporter plus de confort dans la prison. Nous avons pu acheter de nouveaux lits superposés et matelas pour l'ensemble des prisonnières. A cela s'ajoute la règle : un jour de remise de peine par jour travaillé », explique-t-elle. De quoi donner un but aux 180 détenues de la prison.

Une raison de tenir le coup

Travailler en cuisine ou en salle, peu importe. Pour les détenues, ce lieu est une bouffée d'air frais. Alma Esuarez est aux fourneaux. Cette Cartagenoise de 44 ans attend son jugement depuis deux ans pour une affaire d'extorsion. Malgré une chaleur étouffante, cette mère à la peau ébène enchaîne les entrées et la cuisson des viandes et poissons. « J'adore la cuisine depuis toujours. Du coup, c'est une opportunité pour moi d'apprendre plus. Je suis là depuis l'ouverture. Même les jours de repos, j'ai envie de travailler. Ça m'apporte beaucoup : un apprentissage, de l'expérience et de nouvelles amies. Et le plus important, ça me permet d'aider ma mère », raconte-t-elle.

Une des détenues fait le service dans la salle du restaurant.
Une des détenues fait le service dans la salle du restaurant. Sarah Nabli/RFI

Le menu comprend une entrée, un plat, un dessert et une boisson pour environ 25 euros. Pour assurer un rendu gastronomique et de qualité, la dizaine de femmes est supervisée par un chef cuisinier professionnel. Yackeline Granados s’occupe des boissons : jus de fruits frappés ou cocktails, elle apprend petit à petit de nouvelles recettes. Plus réservée et masculine, elle est concentrée sur sa tâche mais rit aux éclats à chaque fois qu’elle voit sa camarade aux fourneaux lui faire des grimaces. Après deux ans d’incarcération, la femme de 32 ans devrait sortir en juin 2017. « J’ai appris beaucoup de métiers. Nous avons été formées quatre mois avant l’ouverture avec des chefs mais aussi le SENA (service national d’apprentissage colombien). Nous tournons sur les différents postes en cuisine : parfois je fais les ceviches, une autre fois les desserts. Ce que je préfère, c’est faire les boissons », explique-t-elle.

L’année dernière, la jeune femme est tombée malade, sa détresse a beaucoup affecté son fils de 11 ans. En guérissant, elle a décidé de se battre pour lui. « Je participe à la moindre formation car, plus on est formé, plus on a de chance de trouver un emploi par la suite. En sortant, j’aimerais voir les opportunités qui s’offrent à moi avec les chefs qui sont venus ici. Sinon, j’ai mon propre projet. Grâce à ce que j’ai mis de côté, j’aimerais avoir un stand ambulant et vendre des jus de fruits dehors », dit-elle.

De nouveaux projets en cours

En salle, les serveuses commencent à s’activer, les premiers clients arrivent. Parmi eux, un couple de Colombiens de passage en ville. « Nous avons découvert le restaurant sur les réseaux sociaux, car nous suivons Johana Bahamón (sic : actrice colombienne et créatrice de la fondation Teatro Interno à l'origine du restaurant). C’est un projet extraordinaire », s’exclame Denisse Sarmiento. « C’est symbolique de venir manger ici, mais pour ces femmes c’est très important, car plus les gens viennent ici, plus leur qualité de vie s’améliore, et ça vaut vraiment la peine », conclut Javier Grandas.

Prochain projet : créer un restaurant externe qui accueillera les détenus en fin de peine. La directrice de la fondation Teatro Interno, Johana Bahamón, assure qu'il ouvrira ses portes dans deux mois à Carthagène des Indes dans le quartier de Getsemani. Un autre restaurant de prisonniers est en construction à Rioahacha dans la région de la Guajira.

Ce type de projet a pour but de diminuer la surpopulation carcérale. Selon un rapport 2016 du Comité international de la Croix-Rouge, dans toutes les prisons en Colombie, elle a atteint 54% en 2015. D'après les rapports des médias locaux, dans la même année en prison à San Diego, elle a atteint 150%.

Des détenues faisant le service dans le restaurant de la prison.
Des détenues faisant le service dans le restaurant de la prison. Najet Benrabaa/RFI

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