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Nigeria

[Chronique] Nigeria: la douce revanche de Lagos

Abuja a le plus grand mal à être digne de son statut de capitale du Nigeria. Du coup, Lagos reste plus que jamais animée par le sentiment d'être la « vraie capitale » de la Fédération.

A Lagos, les habitants considèrent la ville comme la « vrai capitale » du Nigeria.
A Lagos, les habitants considèrent la ville comme la « vrai capitale » du Nigeria. ©Reuters/Greg Ewing
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A Lagos, la population connaît des joies simples. La visite de l'aéroport de Lagos en février 2017 par Yemi Osinbajo (qui a assuré l'intérim du président Muhammadu Buhari pendant son séjour médical à Londres) a suffi à provoquer un enthousiasme débordant dans les médias de la ville. Il est vrai que la mégapole s'était sentie négligée ces derniers temps : depuis son élection en avril 2015, le chef de l'Etat n'est jamais venu dans la capitale économique du Nigeria. Il se méfie de cette ville de 22 millions d'habitants que son entourage considère comme une Babylone des temps modernes. Une cité qu'ils ont pris coutume de surnommer « Sin City », la capitale du péché.

Depuis son élection, Buhari a d'ailleurs snobé le sud en général : Port-Harcout, la capitale pétrolière, n'a pas davantage eu droit à une visite du chef de l'Etat. La visite d'Osinbajo à Lagos est tout sauf désintéressée. Outre le fait qu'il est lui-même Lagotien et Yorouba (ethnie qui domine le sud-ouest du Nigeria), il doit s'assurer que l'aéroport international de Lagos reste en bon état. En effet, Abuja, la capitale fédérale, se retrouve sans aéroport pour au moins six semaines depuis la mi-mars. Une situation d'autant plus embarrassante qu'Abuja et ses deux millions d'habitants sont complètement enclavés. La capitale fédérale a été construite, il y a vingt-cinq ans, au centre du Nigeria. Elle se trouve à plus de 700 kilomètres de Lagos. Se rendre dans cette ville par la voie terrestre est fortement déconseillé pour des raisons de sécurité. Les habitants d'Abuja ressentent un fort sentiment d'enfermement. Le week-end, ils fuient la ville et vont à Lagos ou dans leurs régions d'origine. « Sans aéroport, nous ne disposons plus d'aucun moyen d'évasion, c'est angoissant et inquiétant », note Akin, un haut fonctionnaire originaire du sud, qui rentre dès que possible à Lagos.

La sécurité en question

Pendant les travaux de rénovation de l'aéroport d'Abuja, les habitants de la ville sont invités à se rendre à Kaduna, grande ville du nord située à trois heures de route d'Abuja. Là aussi, l'état de l'aéroport pose question. La plupart des compagnies se refusent à programmer des vols internationaux depuis cette ville. Autre question majeure, l'axe routier menant d'Abuja à Kaduna est-il sécurisé ? Rien n'est moins sûr. Deux Allemands ont été enlevés dans l'Etat de Kaduna à la fin février. Deux Nigérians ayant tenté de s'opposer à cet enlèvement ont été exécutés par les ravisseurs.

Après commence un nouveau casse-tête. Comment se rendre à l'étranger ? Il existe des vols intérieurs entre Kaduna et Lagos, mais ils sont de moins en moins fréquents et fiables. La plupart des grandes compagnies aériennes nigérianes sont au bord de la faillite. Longtemps leader sur ce marché, la compagnie Arik est en grande difficulté. Nombre d'expatriés ne sont pas autorisés à circuler hors d'Abuja (centre) pour des raisons de sécurité. Dès lors, comment pourront-ils se rendre par voie terrestre à Kaduna ? Combien de temps va durer la fermeture de l'aéroport ? Que faire en cas d'évacuation sanitaire ?

Cette fermeture de l'aéroport d'Abuja constitue une très mauvaise nouvelle pour les autorités nigérianes. Elle donne l'image d'un pays qui connaît, malgré son immense potentiel, les plus grandes difficultés pour se moderniser.

Abuja, une capitale peu attrayante

Deux ans après l'entrée en fonction de Muhammadu Buhari, comment l'administration du président peut-elle justifier de devoir ainsi fermer l'aéroport de la capitale fédérale ? N'était-il pas possible de rénover progressivement les pistes afin de maintenir une qualité conforme aux standards internationaux ? Le président doit déjà répondre à des questions ayant trait à son « tourisme médical ». Avant son élection, Buhari avait promis de tout faire pour combattre la pratique consistant à se faire soigner à l'étranger. Mais même pour lui-même, il a été dans l'impossibilité de respecter ses engagements. Pour une raison simple : le Nigeria ne s'est pas doté de bonnes structures médicales. Malgré son statut de première économie du continent (avec l'Afrique du Sud), le Nigeria ne possède toujours pas d'hôpitaux de qualité. Lorsque le Prix Nobel de littérature Wolé Soyinka a été atteint d'un cancer, il a été obligé de se faire soigner aux Etats-Unis. Et il n'a pas manqué de souligner le fait que son pays, peuplé de 192 millions d'habitants, ne possède aucun centre de traitement des cancers.

Sans aéroport, sans hôpitaux de qualité, Abuja est une capitale peu attrayante. Bien moins riche, le Sénégal possède une capitale qui l'est bien davantage. L'aéroport de Dakar fonctionne très bien et les services hospitaliers sont réputés. Le Nigeria a encore de grands efforts à faire pour réaliser pleinement son potentiel et se hisser à la hauteur de ses prétentions. En attendant, Lagos s'amuse des déboires de sa rivale. Les Lagotiens ont coutume d'appeler Abuja, « la capitale du Nord » et Buhari, le « président du Nord ». La plus grande ville d'Afrique reste plus que jamais habitée par le sentiment d'être la « vraie capitale » du Nigeria.

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