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Union africaine

Commission de l'UA: recherche président désespérément

Qui succèdera à la Sud-africaine Nkosazana Dlamini-Zuma à la tête de la Commission de l’Union africaine ? L’élection du nouveau chef de l’exécutif de l'institution panafricaine est programmée pour la mi-juillet, dans le cadre du Sommet de Kigali. A la veille du scrutin, faute de personnalités marquantes parmi les candidats déclarés, se poursuit la recherche d’un candidat qui soit à la hauteur des enjeux sécuritaires, économiques et politiques auxquels l’Afrique est confrontée. Aux dernières nouvelles, on s'acheminerait vers le renvoi de l’élection au prochain sommet.

Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, lors de la cérémonie d'ouverture du 24e sommet à Addis-Abeba, le 30 janvier 2015.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union africaine, lors de la cérémonie d'ouverture du 24e sommet à Addis-Abeba, le 30 janvier 2015. Union africaine
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La guerre de succession bat son plein à l’Union africaine (l’UA) qui doit élire un nouveau président à la tête de sa puissante Commission, en remplacement de sa présidente sortante la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma. Elue en 2012, celle-ci ne brigue pas un second mandat « pour des raisons de convenance personnelle », selon son porte-parole Jacob Enoh Eben. La question de la succession de la présidente tout comme celle du choix de son adjoint et des huit commissiaires chargés des différents secteurs que supervise la Commission, devront être normalement réglées lors du prochain sommet de l’UA qui se tiendra à Kigali, au Rwanda, du 10 au 18 juillet prochain.

Traditionnellement, les élections au sein de l’UA sont des événements confidentiels, rarement commentés en dehors des cercles d’initiés. Mais cette donne est en train de changer au fur et à mesure que l’organisation multilatérale africaine, longtemps perçue comme une entité bureaucratique avec peu d’influence sur les Etats membres, se réinvente et tente de s’installer au centre de la vie politique et diplomatique du continent. On s’attend à ce que la refonte de la Commission à Kigali donne une nouvelle impulsion à ses engagements en matière de paix et de sécurité dans un continent africain confronté à la montée du terrorisme islamiste. L’UA devra aussi relever les défis du changement climatique, de l’immigration et de la démocratie constitutionnelle, qui tarde à s’installer dans toutes les régions du continent.

Inspirée de la Commission européenne, la Commission africaine est une institution récente. Elle est le fruit des travaux de transformation de l’Organisation de l’unité africaine qui devient en 2002 l’UA. Elu par bulletins secrets pour une période de quatre ans par les chefs d’Etat des 54 nations qui forment l’organisation multilatérale africaine, le président de la Commission a pour mission principale de mettre en œuvre les décisions actées par l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement. La Commission assure aussi le fonctionnement de l’institution au quotidien.

Les années Dlamini-Zuma

Nkosazana Dlamini-Zuma, à Addis Abeba, après son élection à la tête de la Commission en 2012.
Nkosazana Dlamini-Zuma, à Addis Abeba, après son élection à la tête de la Commission en 2012. REUTERS/Tiksa Negeri

Au cours de la première décennie de son existence, la Commission africaine a été dirigée successivement par Amara Essy (2002-2003), l’ancien ministre des Affaires étrangères de la Côte d’Ivoire, l’ex-chef d’Etat malien Alpha Oumar Konaré (2003-2008) et par celui qui fut pendant longtemps l’inamovible ministre des Affaires étrangères du Gabon, Jean Ping (2008-2012). Ces dirigeants ont en commun leur appartenance à de petites nations francophones. La règle non-écrite selon laquelle la présidence de la Commission reviendrait à des petits pays a volé en éclats avec l’arrivée à la tête de la Commission il y a quatre ans de la docteur Dlamini-Zuma. A l’époque, le pays qu'elle représentait était la première puissance économique africaine. Sa nomination suscita également d’autres polémiques, révélant des lignes de fractures entre notamment anglophones et francophones. La compétition entre le Gabonais Jean Ping et la Sud-Africaine Dlamini-Zuma pour la présidence de la Commission fut féroce, les francophones estimant que ce poste était leur chasse gardée.

C’est sans doute parce que l’UA reste encore enfermée dans des logiques des blocs – régionaux, linguistiques – que les années Dlamini-Zuma ont été caractérisées par une certaine paralysie. L’UA a tardé à répondre aux crises politiques et sécuritaires que le continent a connues au cours des dernières années, notamment au Darfour, au Mali, en Libye et plus récemment au Burundi. La présidente a également été accusée d’avoir trop ménagé les autocrates tels que le Soudanais Omar el-Béchir ou le Zimbabwéen Robert Mugabe, alors que ceux-là faisaient subir des exactions graves à leurs propres populations.

Le porte-parole de la présidence de la Commission attire l’attention pour sa part sur le projet de transformation de l’Afrique baptisé « Agenda 2063 », lancé à l’initiative de la présidente sortante. « A l’actif de Madame Zuma, doivent être également citées, affirme la journaliste et politologue sud-africaine Liesl Louw-Voudran, les actions menées pour améliorer la condition féminine et promouvoir les candidatures de femmes dans des postes à responsabilité ». Dlamini-Zuma est elle-même la première femme à accéder à la tête de l’UA, après avoir été ministre sans interruption depuis 1994, dans l'Afrique du Sud post-apartheid. Sa réputation de « femme à poigne » lui a permis de traiter d’égal à égal avec les chefs d’Etat et de gouvernement, « rehaussant ainsi l’image de l’institution ».

Candidats de « troisième classe »

« Les diplomates francophones pestent contre Mme Dlamini-Zuma, mais la paralysie dont on accuse l'UA n’est pas entièrement de son fait », analyse Antoine Glaser, un

Les trois candidats officiels: l'Equato-guinéen Agapito Mba Mokuy, la Botswanaise Pelonomi Venson Moitoi et Speciosa Wandira-Kazibwe de l'Ouganda.
Les trois candidats officiels: l'Equato-guinéen Agapito Mba Mokuy, la Botswanaise Pelonomi Venson Moitoi et Speciosa Wandira-Kazibwe de l'Ouganda. Wikimedia, Facebook, Min. of Foreign Affairs du Botswana

observateur assidu des institutions africaines. « On a tendance à surestimer la marge de manœuvre de la Commission, ajoute-t-il, alors que ce sont les chefs d’Etat qui détiennent le vrai pouvoir décisionnel au sein de l’UA. » Et Glaser d'ajouter : « Si l'on veut que le successeur de la présidente sortante réussisse mieux, il faudrait faire plus que trouver un bon candidat ».

Pour organiser la succession de la présidente Dlamini-Zuma, la date butoir avait été fixée au 31 mars pour la présentation des candidatures. La shortlist comportant trois candidats a été dévoilée en mai. Ces candidats sont la ministre des Affaires étrangères du Botswana, Pelonomi Venson-Moitoi ; l’ancienne vice-président ougandaise, Speciosa Wandira Kazibwe ; et le ministre des Affaires étrangères de la Guinée équatoriale, Agapito Mba Mokuy. Tous les trois se targuent d’avoir occupé des positions de responsabilité importantes dans leur pays ou à l’international.

Titulaire d’une maîtrise en administration obtenue à l’université centrale du Michigan aux Etats-Unis, la candidate du Botswana Venson-Moitoi, 65 ans, a travaillé dans les agences africaines de l’Organisation des Nations unies, avant de faire partie des équipes gouvernementales qui se sont succédé à Gaborone depuis 15 ans. Quant à la candidate ougandaise Specioza Wandira-Kazibwe, elle a été la première femme à occuper le poste de vice-président en Afrique. Médecin-chirugien de profession, elle a été l'envoyée spéciale des Nations unies pour la lutte contre le sida en Afrique. Agée de 61 ans, elle fait également partie du Groupe des Sages de l’UA. Enfin, à 51 ans, l’Equato-Guinéen Agapito Mba est le plus jeune des trois candidats déclarés. Il est aussi un diplomate chevronné qui a fait l’essentiel de sa carrière professionnelle dans les agences de Nations unies, au Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), puis à l’Unesco.

En dépit de leurs profils non dénués d’intérêt, ces candidats inconnus du grand public inspirent peu d’enthousiasme. Leurs candidatures posent par ailleurs des problèmes politiques. L'analyste Liesl Louw-Vaudran cite volontiers l’exemple de la candidate botswanaise. « La candidature de Venson-Moitoi a certes été adoubée, explique-t-elle, par les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui estiment que, selon la logique de la rotation régionale qui régit les nominations aux postes sensibles, la présidence de la Commission de l'UA revient cette fois encore à un pays de la région australe, étant donné que la Sud-Africaine Dlamini-Zuma n’a fait qu’un seul mandat. Mais comme Gaborone fait souvent bande à part dans l'UA, notamment en soutenant les actions menées par la Cour pénale internationale, il y a des chances que les chefs d’Etat qui vivent comme une humiliation la convocation de leurs pairs au tribunal de La Haye, ne soient pas très nombreux à voter pour sa candidate. » Le dossier du postulant équato-guinéen est aussi une source d’embarras politique pour les décideurs africains, compte tenu de la nature autocratique du régime de Malabo qui fait peu de cas des droits de l’homme et des principes démocratiques en matière de gouvernance. Quant à la candidature de l’ancienne vice-présidente ougandaise, elle est entachée de suspicions de corruption et de détournement de fonds publics.

C’est donc l’impasse. Qualifiées de « candidats de troisième classe », aucune de ces trois personnalités qui ont pourtant postulé dans les délais impartis n'est susceptible de recueillir des votes favorables pour atteindre les deux tiers des Etats membres pour être élue. « On s’achemine, estime Liesl Louw-Vaudran, vers un renvoi de l’élection au sommet de janvier 2017, avec la présidente sortante Dlamini-Zuma ou son vice-président le Kényan Erastus Mwencha assurant la transition pendant six mois. Cela permettra aux chefs d’Etat africains réunis en sommet à Kigali en juillet de rouvrir la procédure de présentation de candidatures. »

Le Sénégalais Abdoulaye Bathily, médiateur de l'ONU, à Bujumbura le 23 juin 2015.
Le Sénégalais Abdoulaye Bathily, médiateur de l'ONU, à Bujumbura le 23 juin 2015. AFP PHOTO / MARCO LONGARI

D’autant que les « candidats d’envergure » ne manquent pas. Les couloirs de l’UA à Addis-Abeba bruissent de rumeurs sur les possibles candidatures de l’ex-président tanzanien Jakaya Kikwete et de l’actuel ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra. Ce dernier, en tant qu’ancien commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité, n’est guère un nouveau venu à l’institution panafricaine. Le nom le plus cité est toutefois celui du Sénégalais Abdoulaye Bathily, actuel représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique centrale et chef du bureau régional des Nations unies pour cette région. Universitaire et ancien ministre au Sénégal, l’homme bénéficierait du soutien de l’ensemble des pays francophones. Apparemment, déjà en campagne, l’intéressé miserait sur sa réputation de diplomate international et sa connaissance intime de l’Afrique anglophone et francophone pour séduire au-delà des divisions linguistiques et régionales qui paralysent l’action de l’UA.

A 15 jours du scrutin, le jeu reste manifestement très ouvert, même si l’entrée du candidat sénégalais et sa recherche d’un large consensus autour de sa candidature semble sonner la fin de la récréation.

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