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Etats-Unis / Recherche

Cancer et portable: une nouvelle étude renforce les soupçons

Alors que s’ouvre à Chicago la réunion annuelle de l’Association américaine d’oncologie, une nouvelle étude vient remettre sur le tapis la question d’un lien entre téléphone portable et cancer. Mené sur des animaux de laboratoire, ce travail a été conduit aux Etats-Unis par le Programme national toxicologique américain (NTP), une agence du ministère américain de la Santé.

La Cour de cassation italienne, en 2012, a reconnu comme maladie professionnelle une tumeur du cerveau qui serait liée à l'usage intensif de mobiles.
La Cour de cassation italienne, en 2012, a reconnu comme maladie professionnelle une tumeur du cerveau qui serait liée à l'usage intensif de mobiles. Getty images/Leanne Temme
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Plusieurs études ont été consacrées dans le passé à d’éventuels effets nocifs des ondes émises par les téléphones portables sur la santé. Celle qui vient d’être conduite par le Programme national toxicologique américain est d'autant plus intéressante qu'elle porte sur des animaux, un objet d'étude assez rare dans ce domaine, et qu'elle met en évidence un risque de tumeurs cancéreuses.

Exposés à hautes doses durant trente mois

Les chercheurs n’ont dévoilé que des résultats partiels de leur travail, le reste devant être publié au cours de l’an prochain. Mais déjà leurs observations suggèrent un lien entre deux cancers peu répandus affectant le cerveau et le cœur chez certains sujets mâles exposés à des radiofréquences de 900 MHz.   

Leur étude a été conduite en laboratoire sur 90 rats exposés à des ondes, comme celles émises par les téléphones portables, dès avant leur naissance et durant environ deux ans et demi. Un autre groupe de rats (90), qui était à l’abri des rayonnements, a servi de groupe témoin. 

Les animaux étaient placés dans des chambres spéciales et recevaient, sur tout le corps, différents niveaux de rayonnement, entre 1,5 Watt/kilo et 6 Watt/kilo, alternativement durant dix-huit heures par jour par période de dix minutes avec et dix minutes sans ondes émises.

Les niveaux utilisés pour l’expérience étaient très largement supérieurs à ceux reçus par les humains lors de l’usage d’un portable (< 1W/kg), une différence importante que retiennent ceux qui contestent l’étude du NTP.

Deux types de cancers rares chez le rat
 

Des rats de ce type ont été exposés à des ondes, comme celles émises par les téléphones portables, dès avant leur naissance et durant environ deux ans et demi.
Des rats de ce type ont été exposés à des ondes, comme celles émises par les téléphones portables, dès avant leur naissance et durant environ deux ans et demi. Wikipédia CC/Janet Stephens

Après environ trente mois d’exposition, les chercheurs ont constaté la présence chez certains rats de deux types de cancer, le gliome cérébral (tumeur) et le schwannome cardiaque (rare tumeur des cellules cardiaques). L’incidence suit le niveau de rayonnement reçu par les animaux, d’une façon plus claire cependant pour les atteintes cardiaques que pour les gliomes.

Selon les doses de rayonnement émises, les rats ont donc développé des tumeurs cancéreuses dans la proportion de 1,1% (1 animal sur 90) et jusqu’à 6,6% (6 sur 90). Mais d’une façon surprenante, aucun des rats femelles n’a présenté de tumeur cancéreuse, bien qu’ils aient reçu les mêmes niveaux de rayonnement, selon un protocole identique.  

Pour le moment, les scientifiques n’ont pas d’explication à cette différence. Ils la trouveront peut-être dans les prochains mois, car des résultats complémentaires, en cours de révision, sont encore attendus en 2017.

Mais cela dit, ils ne savent pas davantage par quel mécanisme les rayonnements émis par les téléphones portables peuvent déclencher des cancers. Au contraire des rayonnements ionisants qui altèrent l’ADN des cellules et peuvent ainsi amener certaines d’entre elles à devenir cancéreuses, les radiofréquences des téléphones portables n’interviennent pas sur l’ADN.  

Risque de « faux positifs »
 

L'utilisation d’oreillettes avec un portable constitue une précaution minimale, estiment les spécialistes des radiofréquences.
L'utilisation d’oreillettes avec un portable constitue une précaution minimale, estiment les spécialistes des radiofréquences. Bill Hinton/Getty Images

Les premiers résultats de cette étude, qui a coûté 20 millions de dollars, sont déjà contestés. Ainsi le Dr Michael Lauer de l’Institut national américain de la Santé, estime que les tumeurs observées chez les rats pourraient résulter de « faux positifs ». Autrement dit, les tumeurs dépistées n'en seraient pas. 

Quoi qu’il en soit, répond le Dr David O. Carpenter (Institut de Santé environnementale, université Albany, Etats-Unis), ce travail sur les animaux vient confirmer d’autres études sur les humains où des tumeurs cérébrales étaient déjà évoquées. Cela suffit à justifier, pense-t-il, l’utilisation d’oreillettes avec un portable. 

Même si on ne peut pas transposer les résultats partiels obtenus sur des animaux à l’homme, il n’en reste pas moins que l’étude du Programme national toxicologique américain, parce qu’elle met en lumière un risque de cancer lié à des ondes émises par les portables, devrait être suivie par d’autres recherches. 

7 milliards d’utilisateurs dans le monde

D’ores et déjà, pour Christopher Portier, l’ancien directeur adjoint du NTP interrogé par Le Monde, compte tenu de ce que montrent ces résultats, « les pouvoirs publics devraient investir plus, sans attendre, dans la recherche scientifique sur les impacts sanitaires de ces technologies ».

Car même si le risque semble ténu à petite échelle, soulignent les auteurs de l’étude du NTP, transposé au nombre d’utilisateurs dans le monde qui frôle les 7 milliards, il devient forcément préoccupant.

Jusque-là, de nombreux scientifiques et responsables de santé publique mettaient en doute les études alarmistes sur les téléphones portables. Un des arguments le plus souvent retenu consiste à dire que l’incidence du nombre de cancers du cerveau est restée quasiment stable depuis ces trente dernières années malgré l’explosion du nombre de téléphones portables.  

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui dépend de l’OMS, n’a classé en 2011 les ondes électromagnétiques que comme « cancérogènes possibles » au même titre que le… café et les légumes marinés. Mais suite à l’étude préliminaire du NTP et dans l’attente de sa version définitive, le CIRC prévoit « si cela s’avère nécessaire, de réévaluer sa classification des ondes électromagnétiques des radiofréquences ».

  

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