Accéder au contenu principal
Cinéma

Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec: les femmes à l'honneur

Outre les interrogations sur l’identité ou l’intégration, l’autre angle fort du Festival du film franco-arabe qui se tient jusqu’au 17 novembre à Noisy-le-Sec, en banlieue parisienne, est sans conteste la place des femmes issues du monde arabo-musulman, en France comme en Tunisie, au Maroc, en Algérie, en Jordanie, pays partenaire, au Liban ou en Iran... Une dizaine de films les montrent confrontées à la violence – sociale, sociétale. Mais on les voit aussi se battre, souvent, à chaque instant, que ce soit pour chanter, aimer ou pour vivre tout simplement.

«Fatima», de Philippe Faucon, un film touchant à l'image du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec.
«Fatima», de Philippe Faucon, un film touchant à l'image du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec. DR
Publicité

La programmation concoctée par Annie Thomas, la directrice du cinéma Le Trianon de Romainville, où se déroulent les séances dans une ambiance conviviale propice aux belles rencontres, met notamment l’accent dans cette 4e édition du Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec sur la violence faite aux femmes issues du monde arabe, mais aussi sur leur force de vie, leur sens du sacrifice, du devoir, et leur capacité à résister à l’enfermement ou à la soumission. Des films qui donnent prétexte à quelques beaux portraits. 

Much Loved, de Nabil Ayouch, donne le ton. Ce film, qui met en scène la prostitution dans les milieux saoudiens de Marrakech, a été censuré au Maroc, et son actrice principale, Loubna Abidar, aurait été agressée le 5 novembre à Casablanca. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, puis projeté en salle en France et en Italie, il plonge le spectateur dans un univers de paillettes qui masque mal l’intimité brisée de quatre femmes marocaines que la société exploite tout autant qu’elle les condamne.

Ce sujet qui fait scandale a pourtant des accents universels que les cinéphiles plébiscitent. Projeté cette semaine au Festival de Lisbonne Estoril, il sort en salle au Portugal ces jours-ci. Et la Tunisie sera le premier pays arabe à le diffuser dans le cadre des 26e Journées Cinématographiques de Carthage (JCC), du 21 au 28 novembre à Tunis, et où il fait partie des 17 longs métrages en lice pour le Tanit d’Or.

Musique interdite
 
A peine j’ouvre les yeux, de Leyla Bouzid, dont la sortie en France est prévue le 23 décembre, était le film « coup de cœur » de la sélection de Romainville. Il sera lui aussi projeté en compétition officielle aux JCC, a annoncé la jeune réalisatrice tunisienne présente à cette séance et qui signe ici son premier long métrage. Fraîchement sortie de la fameuse école de cinéma Fémis, elle met en scène une lycéenne brillante et intrépide dans la Tunisie de l’été 2010, avant la chute de Ben Ali, qui vient d’obtenir son bac mais qui ne vit que pour chanter avec son groupe de rock, une passion très mal acceptée par sa famille qui la verrait plutôt médecin. Portée par la musique originale du compositeur irakien Khyam Allani, et par la fraîcheur du jeu et de la voix de la jeune Baya Meddhaffar, cette quête de liberté se nourrit aussi de coups de gueules mêlés de tendresse de la part de parents inquiets, et eux aussi pris dans le mouvement inéluctable d’une société qui les dépasse.

Autre film musical, autre quête de liberté avec ce documentaire de l’Iranienne Ayat Najafi, No Land’s song, un road-movie dont le tournage n'a pas été une sinécure. Il se déroule à Téhéran avant la révolution de 1979, où les femmes n'ont plus le droit de chanter en public, a fortiori en solo et devant des hommes. Safia Najafi, compositrice, veut braver l'interdit en organisant un concert avec ses amies chanteuses, iraniennes mais aussi françaises et tunisiennes. Où l'on suit le long et courageux travail de résistance de la réalisatrice qui réclame des explications au refus des autorités, notamment religieuses. Pressions, menaces d'annulation, intimidations, mais l'obstination finira par payer... Un bel exemple de lutte pour l'émancipation actuellement à l'œuvre. 

Fatima, de Philippe Faucon, était aussi dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. En salle en France depuis le 7 octobre, ce film a été projeté le 10 novembre devant une salle comble – un public de scolaires et de mamans des cités qui ont offert à la sortie le thé à la menthe gratuit. Le film est un peu l’emblème de ce festival, ancré en banlieue nord-est de Paris, destiné à un public large tout autant qu’aux locaux, venus applaudir cette « héroïne du quotidien », cette battante qu’est Fatima, femme immigrée qui ne sait pas écrire en français – ce qui lui occasionne bien des désagréments y compris avec ses deux filles de 15 et 18 ans qu’elle élève seule en faisant des ménages. L’aînée, qu’elle soutient avec fierté, entre en médecine justement, tandis que la seconde, qui la jalouse, a le langage des jeunes désabusés en échec scolaire – aussi limité que percutant. Trois beaux portraits portés par des actrices non professionnelles qui crèvent l’écran.


Autre regard masculin sur les femmes, le désopilant Haramiste, un moyen métrage de fiction d’Antoine Desrosières (40 min) sorti en salle en France le 10 juillet, qui nous fait partager avec beaucoup d’humour l’univers de Rim et Yasmina, respectivement 18 et 17 ans, deux gamines voilées d’une cité française, fascinées comme toutes les adolescentes par la sexualité. Elles en parlent avec un langage truculent, d’une vulgarité désarmante, sans l’avoir pour autant jamais expérimentée. Jusqu’à ce qu’elles parviennent à échapper aux interdits parentaux pour goûter au fruit défendu par le biais d’internet – au risque de tomber dans des mains malveillantes. Où les discours manichéens sur l’autre communauté laissent la porte ouverte à toutes les dérives de la pensée.

Humour au vitriol cette fois avec cette comédie très réussie signée Mahmoud Zemmouri. Certifiée halal, sorti en salle l’an dernier, complète à merveille ce tableau déjà chargé de la vie des femmes, ici franco-algériennes. Sur fond de musique western-spaghetti, la jeune Kenza, militante de l’association Ni poule ni soumise, explique à la télé son refus d’être traitée comme de la marchandise et plaide pour la « laïcité, mixité et égalité ». Elle est enlevée sur le champ par les siens qui lui concoctent un mariage TGV via Air Algérie. Droguée au GHB, la drogue des violeurs, elle est expédiée à Sidi Boukhlil… Mais les choses se compliquent quand le thermos contenant la « potion magique » est convoité par ceux qui croient qu’il s’agit d’eau de zem-zem… Drôle de la première à la dernière minute.


10949 Femmes, de Nassima Guessoum, un documentaire franco-algérien (1h15) dont la sortie en salle est prévue courant 2016, met en scène une figure féminine oubliée de la guerre d’Indépendance, Nassima Hablal, qui n’est pas sur la liste officielle des moujahidettes et qui vit donc chichement sur les hauteurs d’Alger. La réalisatrice qui signe ici son premier film, a pris l’habitude de lui rendre visite chaque année pour filmer cette femme qui pourrait être sa grand-mère et de nous faire partager le récit de son combat ainsi que celui de ses amies qu’elle nous fait découvrir. Un film pour mémoire.

Pour mémoire aussi, Les Jours d’avant, le moyen métrage de fiction de Karim Messaoui (47 min) consacré à la violence des années de plomb. Au milieu des années 1990, alors que pointe la guerre civile en Algérie, Djaber et Yamina se rencontrent de manière furtive malgré les interdits familiaux, dans une atmosphère lourde où le silence est roi. Tous deux lycéens vivant dans la même cité du sud d’Alger, ils sont confrontés aux premiers assassinats politiques. Un film coup de poing. Mais la jeune fille et le jeune homme, amoureux sans le savoir, ne portent pas le même le regard sur cet événement qui entrave leur relation. Une fracture à l’image de celle qui a divisé à l’époque la société algérienne. Un regret quand même. L’absence du jeune réalisateur avec qui le public aurait dû dialoguer sur Skype en direct d’Alger. Une prochaine fois, peut-être ?

En attendant, les spectateurs apprécieront Peur de rien, de la Libanaise Danielle Arbid (2 h), projeté en avant-première le dimanche 15 novembre à 17 heures. Rendez-vous à Romainville.

DR

 

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.