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Droits de l'homme

L'ONG HRW salue la «résistance» face aux populismes, mais la bataille «continue»

Human Rights Watch a présenté ce jeudi 18 janvier son rapport 2018, qui passe au crible des droits humains plus d'une centaine de pays dans un contexte de montée des populismes en Europe mais aussi sur d'autres continents. Cette année, l’ONG a décidé de présenter ce rapport à Paris, afin de souligner la « résistance » politique ou citoyenne à travers le monde. Mais sans pour autant baisser la garde face aux crises qui perdurent en Birmanie, en Syrie, au Yémen, et face à la situation dans certains pays, comme en Russie ou en Egypte, entre autres.

Vladimir Poutine et Abdel Fattah al-Sissi font toujours partie des leaders pointés du doigts par l'ONG.
Vladimir Poutine et Abdel Fattah al-Sissi font toujours partie des leaders pointés du doigts par l'ONG. REUTERS/Alexei Druzhinin/RIA Novosti/Kremlin
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C’est la première fois depuis sa création que l’organisation Human Rights Watch présente ce rapport annuel à Paris. Le directeur exécutif de l’ONG, Kenneth Roth, explique que ce choix de la France n’est pas anodin, dans un contexte de montée des populismes dans le monde.

« Il y a un an, on était désespérés avec l’arrivée de Trump à la Maison Blanche, se souvient-il. On croyait que l’ascension des autocrates ne pourrait pas être stoppée. Mais on a vu se développer une véritable résistance au cours de l’année, qui a pu freiner l’avancée des populismes. »

Alors que son document de référence, qui passe en revue la situation dans plus de 90 pays, dresse habituellement le sombre inventaire des violations des droits de l'homme à travers la planète, l'ONG a choisi cette année de souligner un aspect plus positif.

Et selon HRW, la France illustre en partie cette résistance face aux populismes, avec l’échec du Front national à l’élection présidentielle. « La campagne du président Macron a sous bien des aspects incarné cette résistance, estime Kenneth Roth. Sa campagne contre le Front national a montré qu’il était possible de rester ferme sur les valeurs démocratiques et de gagner, et de convaincre la majorité des Français de rejeter les politiques de haine et d’intolérance que représentent la plupart des populistes. »

Une bataille à mener

Mais Kenneth Roth alerte : « Le grand défi de Macron sera de gouverner comme il a fait campagne. » Or, le bilan de ses premiers mois est jugé « mitigé » par les auteurs du rapport, qui épinglent des « pouvoirs antiterroristes abusifs » et « sa visite en Chine, où il a été très discret sur les droits humains ».

Si Human Rights Watch souligne une certaine forme de résistance face à la montée des populismes, en rappelant au cours de l’année passée l'action de « dirigeants politiques disposés à défendre les principes des droits humains », « une mobilisation populaire » et « des acteurs multilatéraux efficaces », l’ONG rappelle aussi que c’est un combat de tous les instants.

« Ce que je constate sur l’année écoulée, c’est que oui, la montée des populistes reste très dangereuse, nuance le directeur exécutif de HRW. Mais lorsqu’il y a eu résistance, cette montée a pu être freinée. Quand la résistance a été étouffée ou que l’indifférence l’a emporté, les populistes ont gagné. Il faut s’engager dans cette bataille, on peut contrer l’avancée des populismes, mais ça demande des efforts, ça ne se fera pas tout seul. »

D’autant que si la France a échappé aux populistes, ce n’est pas le cas ailleurs dans le monde. Le rapport ne contient pas que des bonnes nouvelles et revient notamment sur le vide laissé par les Etats-Unis sur la question des droits de l’homme, ou celui du Royaume-Uni, « trop préoccupé par le Brexit ». Et la situation dans certains pays préoccupe particulièrement l’ONG.

Poutine neutralise toute opposition

C’est notamment le cas de la Russie, où le président Vladimir Poutine continue de verrouiller le pouvoir au prix d’une répression féroce contre toute forme de contestation, selon Human Rights Watch.

Et cela alors que des élections sans surprise sont prévues en mars prochain. « C'est vrai que le résultat de l'élection ne sera pas une surprise, car Poutine a tout fait pour qu'il n'y ait pas de concurrence, rappelle Kenneth Roth. L'opposant Navalny, qui pouvait représenter un danger pour lui, a été neutralisé par une condamnation pénale. Poutine semble très sûr de lui, mais en fait il a très peur, c'est pour ça qu'il essaye d'écraser l'opposition. »

Selon le directeur exécutif de HRW, le président craint que de véritables élections démocratiques lui coûtent sa place, en raison de la situation économique du pays. « Pendant toutes ces années, il a mal géré l'économie qui est toujours très dépendante du pétrole. Dans ce contexte et avec les sanctions imposées à la Russie après son incursion en Ukraine, l'économie russe est en berne, les Russes voient leur pouvoir d'achat baisser, et Poutine est inquiet des résultats d'une élection équitable, il fait en sorte qu'elle ne soit pas trop injuste, mais toute l'opposition a été écartée. »

Mais Human Rights Watch pointe aussi la politique de Poutine sur la scène internationale, et en particulier en Syrie. « Non seulement il met en œuvre la plus grande répression dans son pays en une génération, contre des mécontentements pour la plupart dus à des problèmes économiques, mais en plus, il agit de manière désastreuse à l'étranger, en particulier en Syrie. »

L’ONG reproche au président russe d’être le principal allié du gouvernement de Bachar el-Assad. Un régime régulièrement accusé de s’en prendre à sa propre population, « tuant délibérément des civils, en les affamant pour qu'ils se rendent ».

Sissi et l’obsession sécuritaire

Le cas de l’Egypte préoccupe aussi beaucoup Human Rights Watch. Sept ans après la révolution, président al-Sissi a renforcé sa mainmise sur le pouvoir au nom de la lutte contre le terrorisme. Et pour Kenneth Roth, l'absence de réaction de la communauté internationale est problématique.

« La réaction du monde aux agissements du président al-Sissi a été une grande déception, insiste-t-il. Il a écrasé toute forme d'opposition, même l'opposition pacifique. Il est particulièrement préoccupé par l'opposition islamiste. Si vous étiez l'organisation Etat islamique, vous voudriez qu'al-Sissi fasse exactement ce qu'il est en train de faire ! C'est-à-dire écarter aussi l'opposition islamiste pacifique pour que le seul choix soit une opposition violente. »

Selon Kenneth Roth, les leaders occidentaux sont en train « d’acheter », la « soi-disant stratégie de la stabilité d’al-Sissi ». « Trump le soutient car Sissi est un de ces hommes à poigne et que c'est un allié d'Israël, analyse Kenneth Roth. Macron aussi a été décevant, il a dit à al-Sissi : "Je ne vais pas vous donner de leçons de droits de l'homme"... Mais invoquer les droits de l'homme, ça signifie justement qu'il faut en parler lors de ces rencontres internationales. C'est bien pour ça qu'on a établi des normes internationales sur les droits de l'homme. »

Selon le directeur exécutif de HRW, le président français a préféré miser sur « la capacité d'al-Sissi à offrir une certaine stabilité à la région, à aider à combattre le terrorisme et à repousser les migrants ». Or, pour Kenneth Roth, « les pronostics à long terme sont plutôt négatifs sur tous ces points », et il « espère que le président Macron reviendra sur sa stratégie du silence face à la répression en Egypte. »

► Le rapport 2017 de Human Rights Watch

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