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France / Football

Le FF Issy, étendard du football au féminin

S’il est porté par le contexte favorable de deux Coupes du monde successives dans l’Hexagone, l’engouement pour le football féminin suit en réalité une tendance amorcée depuis plusieurs années. Selon la Fédération française, elles seront plus de 200 000 licenciées à la rentrée prochaine. Au sud de Paris, le FF Issy est l’un des rares clubs exclusivement réservé aux filles. Rencontres.

Quelques jeunes Chouettes d'Issy de l'école de foot du FF Issy, mercredi 19 juin 2019.
Quelques jeunes Chouettes d'Issy de l'école de foot du FF Issy, mercredi 19 juin 2019. Géraud Bosman/RFI
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« Devenir footballeuse professionnelle et jouer au PSG.  » Cette ambition, Emma Fournié, 11 ans, n’y pense pas que devant sa glace. Même en cours d’anglais, elle a écrit le portrait de sa joueuse préférée, Amel Majri. Elle montre du doigt le poster de l'équipe de France féminine, affiché dans la buvette. Pourquoi Majri ? «  Elle va au contact, elle distribue bien le jeu et elle occupe le même poste que moi.  » La réponse fuse, limpide, parfaitement calibrée pour une conférence de presse.

En cet après-midi orageux, la pelouse synthétique du FF Issy, nichée entre les locaux du groupe Marie-Claire et le Palais des sports d’Issy-les-Moulineaux, fourmille de chasubles multicolores ou, comme pour Emma, de maillots parisiens. C’est l’école de foot qui s’entraîne. Ici, les garçons ne sont qu’ombres furtives. «  Le club a été créé en 1997 par des femmes d’origines latines et s’appelait EuroPérou, duquel est né le FF Issy, trois ans plus tard. Il a été pensé comme un club de femmes et l’est resté  », raconte son emblématique présidente Christine Aubère, également membre du Club des 100 femmes dirigeantes, institué récemment par la Fédération française (FFF).

Quelques jeunes Chouettes d'Issy de l'école de foot du FF Issy, mercredi 19 juin 2019.
Quelques jeunes Chouettes d'Issy de l'école de foot du FF Issy, mercredi 19 juin 2019. Géraud Bosman/RFI

Ruissellement

Jamais loin de ses petits électrons libres gravitant autour d'elle, l'ancienne joueuse du PSG, une énergique aux yeux verts clairs et au sourire franc et fugace, ne chôme pas. Aujourd’hui, l'association sportive qu'elle porte à bout de bras compte 225 licenciées - l’un des deux plus gros clubs 100 % féminin d’Île-de-France - réparties entre 110 équipes, allant des élites de la D2 aux « diversifiées » (santé, futsal…), en passant par les arbitres et l’encadrement.

Pour le foot féminin, la conjoncture 2019 est idéale. Un an après le titre mondial des hommes de Deschamps, les Bleues tentent à leur tour de broder une étoile sur leur maillot, la première en ce qui les concerne  ; les chiffres d'audience ont dépassé les pronostics ; les chaînes ont revu le prix de leur seconde de pub  ; les matches se jouent à guichets fermés (même si les stades ne sont pas forcément remplis)...

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Conséquence : ça ruisselle dans les clubs amateurs, les filles sont toujours plus nombreuses à vouloir jouer au foot. «  L’engouement est réel. Nous constatons une hausse des demandes d’inscriptions par rapport aux autres années, à la même époque. D’habitude, c’est plutôt en septembre, lors du forum des associations  », remarque Christine Aubère.

L’année dernière déjà, le club avait connu une augmentation de 15% du nombre de licenciées. Un chiffre identique à la moyenne nationale annoncée par Brigitte Henriques, vice-présidente de la FFF, fin septembre 2018, alors que l’évolution constatée les années précédentes était de « +10 % ». En 2011, il y avait 51 000 licenciées dans les clubs français ; « à l’heure actuelle, elles sont 185 000. Donc nous dépasserons bien sûr la barre des 200 000 à la rentrée », se réjouit Frédérique Jossinet, directrice du football féminin à la Fédération.

Sur les pelouses, les femmes prennent racine

Pour autant, cette lame de fond ne s’explique pas par le seul contexte footballistique de ces deux années. S’il semble soudain et imprévu, il suit une courbe ascendante observée depuis plusieurs années. « Le vrai tournant date de 2011, pointe Syanie Dalmat, qui suit le football féminin pour le journal L’Équipe. Les gens déjà avaient suivi le bon parcours des Bleues en Allemagne jusqu’en demi-finale. Elles ont apporté de la fraîcheur dans leur manière de jouer comme dans leur état d’esprit, un an après la grève des footballeurs à Knysna [Mondial en Afrique du Sud en 2010]. Le public s’est attaché à cet état d’esprit. »

Cet intérêt est aussi le résultat d’une politique sportive fédérale en toile de fond. En 2011, l’arrivée de Noël Le Graët à la tête de la Fédération et de Brigitte Henriques, fervente partisane du football féminin, à la vice-présidence, est marquée par la mise en oeuvre d'un plan de féminisation, un fait désormais établi et enraciné. « On ne parle d’ailleurs plus vraiment de féminisation, mais de mixité », précise Frédérique Jossinet. « Aujourd'hui, un club ne peut pas ne plus accueillir de féminines », complète Christine Aubère. En 2019, le football français compte 8500 équipes de femmes.

Si la tendance se confirme, le FF Issy pourrait être victime de son succès et d’une médiatisation à double tranchant : plus de filles balle au pied oui, mais jusqu'où et dans quelles conditions ? « On ne refuse aucune inscription, même si on arrive à 250, promet Christine Aubère. On travaille donc avec la ville à la répartition des terrains. Car dans des zones urbanisées comme l’Île-de-France, c’est difficile de se faire une place, de pousser les murs, de trouver des créneaux horaires, car on arrive après des décennies de développement du foot masculin. On se prépare donc à les accueillir aussi bien structurellement qu'au niveau de l’encadrement. Les petites filles osent aujourd’hui demander à jouer au foot, il faut que les clubs soient prêts. »

Christine Aubère préside le FF Issy depuis 2008.
Christine Aubère préside le FF Issy depuis 2008. Géraud Bosman/RFI

Ils le sont, garantit la Fédération. « Une enveloppe de 15 millions d’euros a été débloquée pour 2018-2019 [14 millions, dont une participation de la Fifa, ndlr], pour faire rayonner la Coupe du monde féminine dans les territoires, pour développer l’accueil des nouvelles licenciées à la rentrée 2019 et développer la structure des clubs pour le foot féminin, en allant par exemple chercher des encadrantes. Nous sommes prêts à accueillir facilement 300 000 licenciées », assure Frédérique Jossinet, responsable du projet Impact et Héritage 2019 lancé avant la Coupe du monde.

Enfin, « des gestes ont été accomplis : après la Coupe du monde 2018, les clubs de D1 ont reçu chacun un don de 100 000 euros », rappelle la journaliste Syanie Dalmat.

Cependant, si le grand public répond de plus en plus présent dans les stades - « plus famille et plus jeune » que pour le foot masculin -, le chemin à parcourir pour un plus juste traitement médiatique et de considération sociétale relève davantage du trail que du finish. Pourtant, insiste Syanie Dalmat, « les retours de nos lecteurs sont très clairs : ils demandent plus d’égalité dans la couverture. Les médias doivent jouer leur rôle ».

Mélange ou non mélange des genres

Se faire une place, c’est aussi la préoccupation des jeunes footballeuses et, depuis peu, de leurs parents. Au pied des gradins, plusieurs interrogés reconnaissent qu'inscrire leur fille à leur demande au football n'allait pas de soi. « J'étais un vieux con : j'avais fait une fille, je voulais qu'elle soit une fille, et que mon garçon reste chez les garçons, s'esclaffe Sébastien, le père d'Emma. Puis je me suis dit qu'il fallait que je vive avec mon temps. »

« Les mentalités progressent. Une maman me disait que ça faisait deux ans que sa fille voulait s’inscrire. Il lui a fallu deux ans de réflexion pour qu’elle y consente », raconte Christine Aubère. Nous retrouvons cette mère, Johanna, sur le banc de touche. « J’avais peur ». De quoi ? « De la brutalité des garçons. Disons qu'ils sont moins doux. » Pour elle qui a fait de la danse et dont l’aînée a choisi l’équitation, ce club non mixte est bon compromis.

La non-mixité « rassure les familles », observe Christine Aubère. Les fillettes regrettent par exemple qu'on ne leur passe pas la balle dans la cour de récré. « Les garçons n'arrêtent pas de dire que je joue mal », se désole une blonde aux cheveux longs. Dirigeante de l’équipe U11 et mère d’une pratiquante, Magali Bethencourt est catégorique : « Je voulais un club exclusivement féminin pour qu’elle puisse s’amuser sans qu’il y ait de problème de compétition avec les garçons. Il faut toujours que la fille ait moult efforts à faire pour s’imposer. Mais c’est le reflet de la place de la femme dans la société. »

D’autres s’accommodent au contraire de cet état d’esprit. Comme Emma, au caractère bien trempé. « Jouer avec des garçons, ça va plus vite, on, prend des coups. On n’a pas le droit à l’erreur, sinon c’est toute l’équipe qui subit. » Livrer bataille, cultiver l'esprit de compétition est essentiel pour elle. « Les filles n’ont pas trop le sens de la gagne. » Après trois ans au FF Issy, « pour progresser », elle joue depuis cette année chez les garçons du FC Issy. En France, les filles peuvent jouer avec les garçons jusqu’à 16 ans.

Alexandre Nadjar et sa fille Talia, 11 ans, dont quatre de football.
Alexandre Nadjar et sa fille Talia, 11 ans, dont quatre de football. Géraud Bosman/RFI

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