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Environnement

L'agriculteur Paul François contre Monsanto: début du procès en appel

Paul François a été intoxiqué par le Lasso, un herbicide produit par Monsanto. Après avoir gagné contre le géant de l’agroalimentaire au tribunal de grande instance en 2012, la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel en juillet 2017. Aujourd’hui, l’affaire se retrouve devant la cour d’appel de Lyon qui doit statuer.

L'agriculteur Paul François mène depuis douze ans un bras de fer judiciaire contre Monsanto.
L'agriculteur Paul François mène depuis douze ans un bras de fer judiciaire contre Monsanto. REUTERS/Emmanuel Foudrot
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Paul François est agriculteur céréalier en Charente et sa vie a basculé le 27 avril 2004. En voulant nettoyer la cuve de son pulvérisateur, Paul François inhale accidentellement les vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto aujourd’hui interdit.

L’histoire d’une intoxication

S’ensuivirent des mois d’hospitalisation, des pertes de connaissances, des comas, des maux de tête très violents, mais les médecins ne font pas immédiatement le lien avec son intoxication, certains l’accuseront même de « se droguer » volontairement avec l’herbicide. Il subit sans arrêt des pressions de Monsanto, mais finalement, le lien est fait entre son intoxication et ses problèmes de santé. Aujourd’hui, Paul François a 55 ans, il souffre toujours de graves troubles neurologiques qui l’empêchent de vivre normalement ; il a des lésions cérébrales et il est constamment sous anti-inflammatoires pour lutter contre de violents maux de tête. Il avoue qu’il se demandait jusqu’à ce jour dans quel état il arriverait à l’audience.

La bataille judiciaire et ses conséquences

Après avoir obtenu la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, Paul François a entamé le combat contre Monsanto en 2007, pour « défaut d’information sur l’étiquette et non-respect du devoir de vigilance ». Il a gagné deux fois contre Monsanto, en première instance et en appel, et la firme a été condamnée à lui verser une indemnisation. Mais la Cour de cassation a cassé ce jugement, au motif que la responsabilité viendrait en réalité d’un produit défectueux, et non d’un défaut d’étiquetage. La haute juridiction a donc renvoyé les deux parties devant la cour d’appel de Lyon.

Ce revers judiciaire a eu des conséquences financières : la suspension du versement de l’indemnisation due par Monsanto, ce qui a été terrible pour le plaignant, un agriculteur seul contre l’une des plus grosses entreprises de l’industrie chimique. Il n’aurait pas pu entamer son procès sans le soutien financier de sa famille, de ses amis. Paul François s’est vraiment demandé s’il allait continuer parce que sa vie et sa famille ont failli être détruites. Il y a 15 ans, sa femme ne souhaitait pas qu’il poursuive Monsanto, puis elle l’a soutenu, mais elle est décédée à l’automne dernier et Paul François est maintenant seul face aux juges.

Un argumentaire unique

Depuis 14 ans que le combat judiciaire a commencé, Monsanto s’en tient à un unique argumentaire : ses avocats affirment que le Lasso a été utilisé avec succès en France et qu’il n’existe pas de lien de cause à effet entre cet herbicide et l’état de santé de Paul François. Mais cet argument n’a convaincu ni la justice ni les autorités sanitaires puisque le Lasso est retiré des ventes depuis 2007.

Un autre herbicide accusé : le glyphosate

En 1975, Monsanto lance sur le marché le Roundup, un herbicide très puissant que la firme présente comme biodégradable et non toxique. Le Roundup est à base de glyphosate, le pesticide phare de Monsanto, vendu depuis des années en association avec des semences OGM – il détruit les herbes mais pas la culture OGM.

Le glyphosate a été classé cancérogène probable par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) en 2015, et serait responsable en particulier d’un cancer rare : le lymphome non hodgkinien (LNH). Or Dewayne Johnson, jardinier 30 années durant dans les jardins scolaires de Californie, a régulièrement pulvérisé du Roundup, et il souffre aujourd’hui de ce type de cancer. Dewayne Johnson, aujourd’hui en phase terminale de cancer, a gagné son procès contre Monsanto en 2018.

Monsanto face à la justice

La multinationale s’est déjà retrouvée plusieurs fois devant la justice. En 1949, une usine d’herbicide Monsanto explose, à Nitro, en Virginie, et les ouvriers tombent gravement malades à cause de la présence de dioxines. On sait que les dioxines sont cancérogènes depuis 1938, mais Monsanto continuera à commercialiser l’herbicide jusqu’en 1970. En 1984, s’ouvre le procès « Kemner vs Monsanto », qui fait suite à l’affaire. L’une des révélations phares de ce procès est la démonstration de la falsification des études scientifiques présentées par la firme.

En 2002, Monsanto a été condamnée à 700 millions de dollars de dommages et intérêts pour avoir déversé pendant 40 ans des déchets contaminés aux PCB – substances hautement cancérogènes -, à côté de la ville d’Anniston, toujours aux Etats-Unis. Mais aucun dirigeant de Monsanto n’a fait de la prison.

Et n’oublions pas que Monsanto a produit l’agent orange, le défoliant utilisé massivement par les Etats-Unis pendant la guerre du Vietnam, ce qui a laissé des séquelles gravissimes tant chez les vétérans de la guerre que chez les Vietnamiens. Monsanto et 6 autres producteurs d’agent orange ont été condamnés à verser 180 millions de dollars à un fonds de compensation pour les soldats américains.

La désinformation organisée

En 2017, les Monsanto Papers livrent leurs secrets. Les journalistes du Monde notamment, étudient et publient les mémos stratégiques, courriels et autres documents confidentiels que la multinationale a été obligée de rendre publics suite à des procédures judiciaires aux Etats-Unis.

Ces documents montrent une fraude scientifique massive de la part du géant de l’agrochimie, qui fait rédiger des articles scientifiques par ses employés, pour les faire publier avec la caution de scientifiques sans  lien avec l’entreprise mais chèrement payés. Ce procédé s’appelle le « ghostwriting » ou « écriture fantôme ».

Il apparaît que c’est la stratégie de contre-feu qui a été mise en place pour décrédibiliser l’étude du professeur Gilles-Eric Séralini, de l’université de Caen, qui démontrait en 2012 que le glyphosate et le maïs OGM de Monsanto étaient bien la cause de cancers chez les rats ; une stratégie de nouveau utilisée en 2015 après le classement du glyphosate par le CIRC.

Les Monsanto Papers démontrent donc sans appel que la multinationale a bien commercialisé des substances toxiques en connaissance de cause.

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