Accéder au contenu principal
France

France: pour comprendre la loi antiterroriste qui va remplacer l’état d’urgence

Approuvé mardi 3 octobre par l'Assemblée nationale, le projet de loi antiterroriste va prendre la suite de l’état d’urgence tout en conservant les grandes dispositions ce celui-ci. Quel est l’évolution de ces deux dispositifs ? Leurs points communs, leurs différences ? Les éclairages de RFI.

Des policiers français patrouillent sur les Champs Elysées pour prévenir les attaques terroristes.
Des policiers français patrouillent sur les Champs Elysées pour prévenir les attaques terroristes. REUTERS/Benoit Tessier
Publicité

Pourquoi privilégier un nouveau projet de loi plutôt que de prolonger l’état d’urgence ?

L’état d'urgence est censé être un régime d'exception, une mesure temporaire, mais il a été renouvelé 6 fois en 2 ans. Il est tout à fait légitime de se demander s’il n’était pas possible de continuer puisqu’un très grand nombre des mesures de l'état d'urgence ont été intégrées à la loi antiterroriste.

Cette loi antiterroriste n'est pas un simple copier-coller. Il y a eu quelques aménagements, et surtout il y a une mesure de l'état d’urgence en particulier qui n’y est pas incluse: l'interdiction de manifester, qui avait largement été utilisée pour interdire les mobilisations lors de la COP21 ou contre la loi Travail.

Autres mesures de l’état d’urgence qui sautent : la dissolution des associations ou de groupes « qui participent à la commission d’actes portant une atteinte grave à l’ordre public » ainsi que les perquisitions administratives à la seule discrétion du préfet. Dans la loi antiterroriste, les perquisitions administratives (pudiquement rebaptisées « visites et saisines ») devront être soumises à l’autorisation d’un magistrat, à savoir le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris. Sauf dérogations, elles ne pourront être menées qu’entre 6h et 21h, et non plus en pleine nuit comme c’était le cas sous l’état d’urgence. 

Vers une « banalisation » des mesures exceptionnelles

L'évolution historique des dispositifs antiterroriste en France montre qu'à chaque fois que l'Etat a été confronté à une nouvelle vague de violences radicales - pendant la Guerre d'Algérie, ou les attentats terroristes des années 1980/1990 - il a multiplié les mesures répressives d’exceptions, puis les a transposées dans le droit commun sous prétexte que le dispositif antérieur était insuffisant. Résultat : plus de 20 législations antiterroristes en 30 ans.

Il y a ainsi un certain intérêt politique à empiler les lois : chaque nouvelle menace est l'occasion de montrer que le gouvernement n'est pas « laxiste » face au terrorisme et qu’il ne manque pas d'idées pour le combattre. La menace terroriste étant diffuse, et sa fin quasi impossible à prévoir, il est difficile politiquement de sortir de l’état d’urgence en laissant penser que l’Etat n’a rien prévu derrière, même si selon de nombreux spécialistes du droit et des sciences politiques, l’arsenal de lois antiterroristes existant serait suffisant.

De fait, le Parlement, en entérinant cette nouvelle loi antiterroriste, inscrit une nouvelle fois l'exception dans le droit. Et l'exception qui se « banalise » se traduit aussi par un glissement : de la répression qui était avant tout judiciaire, aux mains des juges, à une situation de justice policière et administrative dominée par les services de renseignement, les préfets, le ministère de l’Intérieur. C’est une dynamique historique de l’antiterroriste français.

Quelles sont les dispositions présentes dans ce projet de loi qui portent à controverse ?

Cette loi qui renforce dans son ensemble les pouvoirs de l’exécutif aux dépens des pouvoirs judiciaires est vue comme une énième loi liberticide par l’extrême gauche et un certain nombre d’associations.

Notamment cette nouvelle disposition qui touche à la liberté de circulation : à 20 km des passages frontaliers (ports, aéroports), des contrôles d’identité pourront être réalisés sans justification. Les associations redoutent que cette mesure vise, implicitement, à lutter contre l’immigration clandestine.

Quant au respect de la vie privée, Amnesty International, entre autres, tire la sonnette d’alarme : le projet de loi prolonge jusqu’en 2020 la possibilité pour les renseignements de surveiller les communications hertziennes entre un téléphone portable et une antenne-relais. Les personnes « suspectées » devront également livrer à la police leurs identifiants et mots de passe pour tout compte internet.

De son côté, la droite critique certaines mesures, car elle les considère « adoucies » par rapport à l’état d’urgence. Par exemple, sur les assignations à résidence, la personne visée aura désormais le droit de se déplacer sur toute sa commune - pas juste dans son quartier comme ça pouvait être le cas sous l'état d'urgence - et puis la personne ne sera plus obligée de se présenter au poste trois fois par jour, mais seulement une fois.

Les polémiques « périmètres de protection »

Ces zones protégées par des barrières par les forces de l’ordre lors de grands évènements comme l’Euro ou certains concerts en plein air sont appelés dans la nouvelle loi « périmètres de protection ».

Les Français ont pris l’habitude de se faire fouiller, filtrer, palper même, mais cette disposition est très controversée, car elle est très floue. Ces zones devront être situées « aux abords d'un lieu ou d'un évènement soumis à un risque d'acte de terrorisme en raison de sa nature ou de l'ampleur de sa fréquentation ». On peut imaginer que tout lieu « collectif » pourrait être soumis à ces contrôles : lieux de culte, écoles, restaurants… Et qu’en sera-t-il des manifestations ? On peut considérer qu'il peut toujours y avoir un risque d'attentat, vu l’importance des foules dans un lieu localisé. C’est pour cela que les opposants au texte alertent sur les dérives possibles de cette mesure, sur le fait qu’elle puisse être utilisée pour contenir l’opposition politique ou aller à l’encontre de militants.

Comme dit l’adage, « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup ». L’inquiétude, c’est que cette mesure dépasse le cadre de l’antiterrorisme (de l’anti-jihadisme, en fait) pour s’appliquer à tous, partout, et de manière assez opaque.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.