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34e Journées européennes du patrimoine

Journées du patrimoine 2017: un millésime de choix pour le Grand Trianon

A l’occasion des 34e Journées européennes du patrimoine, le Grand Trianon ouvre gratuitement ses portes dès 9h00 ce week-end à Versailles au lieu de midi à l’accoutumée. Il s’agit d’une occasion unique de visiter un lieu chargé d’histoire dans un cadre somptueux et de découvrir en même temps l’exposition Pierre le Grand, un tsar en France. 1717 qui s’achève le 24 septembre.

La façade en marbre rose du Grand Trianon, côté jardin.
La façade en marbre rose du Grand Trianon, côté jardin. Christian Milet
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Un jeune président français fraîchement élu et un président russe au faîte de sa puissance, l’exposition « Pierre le Grand, un Tsar en France.1717 » qui prend fin à Versailles ce 24 septembre ne pouvait rêver meilleure publicité pour son lancement que la rencontre entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine qui eut lieu au Grand Trianon le 29 mai dernier.

Ce sommet diplomatique – totalement imprévu lorsque l’opération Pierre le Grand s’est montée – servit de caisse de résonance inespérée à un événement culturel franco-russe d’une rare qualité, fruit d’une étroite collaboration entre le Château de Versailles et le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg qui a prêté les deux tiers des œuvres et objets exposés (cartes, plans, manuscrits, objets personnels, peintures, sculptures, etc.).

Un été plus tard, et une semaine avant sa clôture définitive, l’expo a accueilli 242 000 spectateurs, un succès incontestable dont se réjouit Gwenola Firmin, conservateur en charge des peintures du XVIIIe siècle au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. « Nous avons effectivement eu des hôtes de marque pour lancer l’exposition », reconnaît-elle en souriant. « Cela intervenait à l’occasion du tricentenaire de la visite de Pierre le Grand en France. Et comme on a coutume de dire que cette visite a fondé les relations entre la France et la Russie, c’était effectivement une façon spectaculaire de lancer l’exposition ». Ce succès – 2 800 spectateurs par jour en moyenne depuis l’inauguration officielle le 30 mai dernier – est d’autant plus notable que, contrairement au Château, le Grand Trianon n’ouvre ses portes qu’à midi en temps normal.

On ne saurait donc trop vous encourager à profiter de ces 34e Journées européennes du patrimoine pour visiter ce lieu qui vaut déjà le détour par lui-même, mais dont le décorum est donc, cette année, enrichi par cette exposition unique consacrée à la seconde visite en France de Pierre le Grand (1672-1725). Elle intervenait deux ans seulement après la mort de Louis XIV, lequel l’avait snobé en refusant de l’accueillir en 1698. Si le Grand Trianon ne saurait  évidemment rivaliser avec la magnificence et le gigantisme du Château de Versailles, il a conservé tout son charme, à la fois parce qu’il n’a que très peu subi de dommages durant la Révolution et aussi parce qu’il règne dans ses magnifiques jardins un calme et une sérénité assez remarquables. Ne manquez surtout pas de vous y attarder, si la météo s’y prête.

Le bon plaisir de Louis XIV

Pierre le Grand et Louis XV enfant, le tableau qui clôt l'exposition.
Pierre le Grand et Louis XV enfant, le tableau qui clôt l'exposition. Christophe Carmarans/RFI

« J’ai fait Versailles pour ma Cour, Marly pour mes amis et Trianon pour moi » se plaisait à dire Louis XIV, en toute modestie monarchique absolue, à propos de ce bâtiment dont la construction, dans sa forme actuelle, débuta en 1687. Il y eut auparavant un autre Trianon, le Trianon de porcelaine, sur ces terres situées à près d’une demi-heure de marche du Château lui-même, des terrains que Louis XIV racheta aux moines de l’abbaye Sainte-Geneviève de Paris pour agrandir son domaine et couler des jours heureux avec la marquise de Montespan, à l’abri de la Cour. Fragile, comme son nom le laisse présupposer, ce Trianon de porcelaine (réalisé, pour être exact, en faïence) ne résista pas aux ravages du temps et le Roi-Soleil le fit raser dès 1686, même pas quinze ans après sa construction par Louis Le Vau. En ces temps-là, il n’y avait pas de Cour des comptes pour stigmatiser les dérives budgétaires...

C’est à Jules Hardouin-Mansart, devenu dès 1861 Premier architecte du roi, que revînt le privilège et la responsabilité de construire l’édifice tel qu’on le connaît sous sa forme actuelle, du moins pour le gros œuvre : un palais d’inspiration italienne s’étendant sur un seul niveau, placé entre cour et jardin et recouvert d’un toit plat dissimulé par une balustrade.

Pour le reste, Louis XIV mit bien des fois son grain de sel et même un peu plus, imposant par exemple l’addition d’un péristyle reliant les deux ailes. L’intérieur fut aussi plusieurs fois remanié. Et, par trois fois, le souverain changea l’emplacement de son appartement, notamment pour se rapprocher de Madame de Maintenon qui avait, dans son cœur, remplacé la marquise de Montespan au moment où il y prit ses quartiers.

Renseignements pratiques

Le Grand et le Petit Trianon ouvrent exceptionnellement leurs portes à 9h00 samedi et dimanche (au lieu de 12h00 habituellement) pour les Journées du patrimoine et resteront ouverts au public jusqu’à 18h30. Les Trianons et le Domaine de Marie-Antoinette sont accessibles depuis la ville de Versailles et depuis le domaine.
Pour vous y rendre depuis la ville, deux possibilités : par la Grille de la Reine ou la Porte Saint-Antoine ou en bus (le Bus TRI est accessible des gares "Versailles Château Rive Gauche", "Versailles Chantiers" et "Versailles Rive Droite"). Des espaces de stationnement (accès payant par la Porte Saint-Antoine et la grille de la Reine) sont disponibles au début du Grand Canal, à l'entrée du Petit Trianon, du Grand Trianon et du Hameau de la Reine. L'accès au Parc est de 6 euros pour les véhicules et de 3 euros pour les motos (sauf pour les véhicules accompagnant des personnes en situation de handicap sur justificatif).

L’aménagement des jardins fut confié à André Le Nôtre, le maître en la matière, dont on retrouve encore aujourd’hui la patte en se promenant dans la propriété, qui s’étend du Bassin du fer à cheval (à l’extrémité nord-est de la croix formée par le Grand Canal) jusqu’aux limites de l’arboretum de Chèvreloup, situé sur la commune de Rocquencourt.

Cette merveille d’espace vert achevé en 1700, l’année de la mort de Le Nôtre, était décorée de parterres recouverts de milliers de fleurs et ornés de deux bassins ainsi que de fontaines qui subsistent encore aujourd’hui. A l’inverse de son prédécesseur qui y passa une bonne partie du dernier tiers de sa vie, Louis XV séjourna très peu à Grand Trianon. Il l’offrit même à son épouse, la reine Maria Leszczynska, afin de l’éloigner de la Cour en 1741.

Trianon devint alors, peu à peu, un lieu d’expérimentations horticoles. A la Révolution, il fut pillé de ses meubles, mais pas endommagé. Il sera ensuite remeublé deux fois par Napoléon 1er sans pour autant que celui-ci vienne y résider, jusqu’à son divorce d’avec Joséphine. Devenu empereur, il ne s’y installa entre deux campagnes qu’à partir de 1810 avec Marie-Louise d’Autriche et l’on sait qu’une fête y fut donnée en 1811 pour célébrer la naissance du roi de Rome, son seul enfant. A la Restauration, on fit ôter les symboles napoléoniens sans trop changer l’aspect du château. Louis-Philippe s’y installa en 1835 pendant que Versailles était en travaux afin de devenir un musée de l’Histoire de France.

Un tsar curieux de tout

Ls présidents Macron et Poutine le 29 mai à Versailles.
Ls présidents Macron et Poutine le 29 mai à Versailles. REUTERS/Alexander Zemlianichenko/Pool

Le dernier roi des Français fit faire de nombreux aménagements à Trianon, notamment sur le plan pratique : installation de calorifères, d’une vaste cuisine et d’un perron avec une grille de fer. Sous Napoléon III, le château se transforma en musée tout en gardant le décor de Louis-Philippe (v. quelques-unes des plus belles pièces dans notre diaporama ci-dessous). Le 4 juin 1920, c’est sous ses lustres que fut signé le traité de Trianon, cérémonie très tendue qui ne dura, selon les dires, que vingt minutes et servit à tracer les nouveaux contours des Balkans après la défaite de l’Autriche-Hongrie à la Première Guerre mondiale.

Depuis l’avènement de la Ve république, le Grand Trianon a occasionnellement servi de lieu de rencontre entre le président de la République et les chefs d’État étrangers. Ainsi, avant Vladimir Poutine cette année, il y eut Richard Nixon sous De Gaulle, la reine Elisabeth II d’Angleterre sous Pompidou, puis Jimmy Carter, le shah d’Iran et Hussein de Jordanie sous Giscard, Boris Eltsine sous Mitterrand et enfin Xi Jinping sous Hollande.

Installée dans la Galerie des Cotelle où sont d’habitude accrochés vingt-quatre tableaux signés du peintre Jean II Cotelle représentant les jardins, l’exposition dédiée à Pierre le Grand s’ouvre sur une huile magnifique représentant le tsar dans toute sa hauteur (il mesurait 2,04 m). Tout au long de la visite, on s’émerveille devant la variété et l’état remarquable dans lequel sont conservés les œuvres et objets exposés. « C’est une exposition qui aborde toutes les techniques. », précise Gwenola Firmin. « On peut voir aussi bien un costume de Pierre le Grandque des chefs-d’œuvre d’histoire de l’art comme le buste en bronze de Pierre Ier par Bartolomeo Carlo Rastrelli. Sauf à se rendre à Saint-Pétersbourg, les visiteurs ne verront jamais ces œuvres ».

La conservateur [elle ne tient ne pas féminiser son titre, NDLR] souligne également que l’on peut voir au Grand Trianon aussi bien le patrimoine français que le patrimoine russe, en réalité ce que les Russes venaient chercher chez nous au début du XVIIIe siècle. « La France excellait dans certains domaines et Pierre le Grand ne s’y est pas trompé, renchérit-elle. A l’époque, la France est un modèle pour lui et c’est vraiment ce que démontre l’exposition ».

En 1717, le tsar venait chercher des modèles pour construire sa nouvelle Russie, car son but était d'occidentaliser et d'européaniser son pays. « Il venait chercher chez nous l’excellence dans certains domaines comme la tapisserie, les instruments de médecine, d’optique ou de mesures qu’il a achetés en France pour les donner à ses propres ingénieurs ». Dernière précision, mais elle est d’importance, tous ces objets exposés, Pierre le Grand les a tenus en main. Et trois cents ans plus tard, ils paraissent comme neufs, ce qui reste un petit miracle compte tenu des soubresauts qui ont agité son pays depuis son ultime visite.

Christian Millet

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