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Election présidentielle 2017

Les «empêchés de vote» du premier tour de la présidentielle

Procurations qui n’arrivent pas ou radiation injustifiée des listes électorales : au premier tour de l’élection présidentielle, certains électeurs disent qu’il leur a été difficile, parfois impossible, de voter. Ces témoignages se recoupent, et sans remettre en cause le résultat du premier tour, ils soulèvent toutefois des questions sur le système électoral français.

Au moment du vote pour le premier tour de l'élection présidentielle française, le 23 avril 2017, de nombreuses personnes ont découvert qu'elles avaient été radiées des listes électorales, ou que leur procuration n'étaient pas enregistrée.
Au moment du vote pour le premier tour de l'élection présidentielle française, le 23 avril 2017, de nombreuses personnes ont découvert qu'elles avaient été radiées des listes électorales, ou que leur procuration n'étaient pas enregistrée. Reuters/Vincent Kessler
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« La semaine avant le vote, tout le monde recevait sa carte d’électeur autour de moi. Ce n’était pas mon cas, alors j’ai appelé la mairie de la commune où je vote. On m’a appris que j’avais été radiée des listes électorales. » Cécile vote dans l’Oise, dans le nord de la France. Elle est avocate. « Quand on m’a dit de saisir le tribunal pour régler le problème, ça ne m’a pas trop dérangé. » Dans sa lettre au tribunal d’instance de Compiègne, elle explique que sa radiation n’a pas lieu d’être.

Selon la loi, quand la commission administrative qui s’occupe des mises à jour des listes dans chaque mairie décide d’une radiation, elle doit avertir la personne concernée. Celle-ci a alors la possibilité de contester la décision. Or Cécile n’a jamais reçu pareille notification, car elle a déménagé. Le problème, c’est que la mairie n’a pas de preuve d’avoir envoyé de courrier à son ancienne adresse. A ce motif, la jeune avocate fait invalider sa radiation par le tribunal d’instance de Compiègne le dimanche, et va voter dans la foulée, jugement en sa faveur à la main.

« Au tribunal, c’était surréaliste. Il y avait beaucoup de personnes exaspérées qui attendaient… Moi-même j’ai fait deux heures de queue », raconte Cécile. Car elle n’est pas la seule électrice à n’avoir pas été informée de sa radiation. La différence, c’est que beaucoup de personnes ne l’ont pas appris quelques jours avant le scrutin, mais le dimanche même, à leur arrivée dans leur bureau de vote. Le journal Le Monde rapporte des cas semblables à Nancy, dans l’est, à Clichy et à La Queue-en-Brie, près de Paris.

La question de ces radiations non-notifiées prend une ampleur considérable à Strasbourg, dans l’est de la France. L’année dernière, la commission électorale y a radié plus de 15 000 personnes (plus de 10% des inscrits). Interrogé par France Bleu Alsace, Eric Schultz, adjoint au maire en charge des questions électorales explique : « Nous avons envoyé 146 000 cartes d’électeurs, 36 000 nous sont revenues avec la mention « n’habite plus à l’adresse indiquée ». Nous avons fait des vérifications : 17 000 personnes n’ont pas donné signe de vie […] nous [les] avons radiées en septembre 2016. » Une page Facebook, forte de plus de 400 mentions « j’aime », s’est déjà constituée pour contester certaines de ces radiations.

Entre le 1er mars 2016 et le 15 février 2017, 738 000 personnes ont été radiées des listes électorales françaises, et 1 562 000 nouvelles personnes s'y sont inscrites.
Entre le 1er mars 2016 et le 15 février 2017, 738 000 personnes ont été radiées des listes électorales françaises, et 1 562 000 nouvelles personnes s'y sont inscrites. RFI/Fabien Leboucq

L’Institut national des statistiques et des études économiques a enregistré 254 000 radiations à l’initiative des communes entre le 1er mars 2016 et le 15 février 2017. S’il en est informé, l’Insee peut signaler aux villes des décès, ou des déménagements, mais c’est aux 36 000 municipalités françaises de gérer in fine les radiations des électeurs. En 2019, un fichier national unique pourrait voir le jour. Il serait alors géré par l’Insee, et permettrait de normaliser la gestion des inscrits sur les listes électorales.

Le professeur de sciences politique à l'université de Montpellier Jean-Yves Dormagen a étudié ces problèmes d’inscription, « qui s’aggravent sur les dernières années ». Ils toucheraient 7 millions de personnes en 2014. Autant de « mal-inscrits », selon ses termes, « qui ne sont pas inscrits à leur adresse de recensement. » Cette population de mal-inscrits est jeune (40% des 18-24 ans en font partie), elle se mobilise trois fois moins que la moyenne des électeurs (30% d’abstention, contre 10% chez les « bien-inscrits »). Et comme il leur est compliqué de voter, parce qu’il faut se déplacer ou faire procuration, les mal inscrits ne se mobilisent que pour certains scrutins médiatisés, comme la présidentielle.

Procuration jamais arrivée

Les mal inscrits sont souvent des étudiants, qui restent inscrits sur la commune de leurs parents, parce qu’ils ne savent pas où ils étudieront ou travailleront dans l’année qui suit. Alors beaucoup font procuration, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes.

« Ma sœur a enregistré sa procuration le mercredi avant le vote à Paris. Le dimanche, je devais voter pour elle dans la commune où vivent nos parents, mais il n’y avait aucune trace de procuration sur les listes de la mairie », raconte Sébastien, qui déplore que « même avec la photo du récépissé qu’elle m’avait envoyée, je n’ai pas pu voter pour elle ».

Une procuration qui n’arrive jamais ? Nicolas, la vingtaine, a rencontré le même problème. Sauf que lui a fait la sienne plus d’une semaine avant le vote. « Avec trois amis nous sommes allés au commissariat du XVIe arrondissement de Paris. Nous avons chacun fait une procuration pour la ville où résident nos parents », raconte le jeune homme. Aucune des procurations n’est arrivée dans les mairies concernées, alors qu’on lui assure, du côté du commissariat, que les procurations ont bien été envoyées.

Même histoire pour Géraldine. Elle habite Laval et devait voter pour sa fille, qui avait fait sa procuration depuis l’étranger – le consulat lui avait confirmé qu’elle était bien envoyée. Mais quand Géraldine se présente au bureau de vote, on lui apprend qu’il n’y a pas de trace du document. Au bureau des plaintes de la mairie, « ils avaient l’air dépassés, et plutôt surpris de voir autant de monde venir pour des problèmes de procuration, se souvient la femme. Avant moi ils avaient enregistré des réclamations pour des gens qui avaient fait procuration depuis la Belgique, le Canada et Hong-Kong. »

Normalement, les procurations sont envoyées en recommandé par les consulats ou les commissariats, ce qui leur permet d’avoir la preuve que le courrier a bien été reçu par les mairies. « C’est la norme », précise-t-on à La Poste, où l’on explique aussi que les procurations « font partie du flux normal du courrier. » Comprendre : entre 1 et 2 jours, en théorie, pour arriver d’une ville de France métropolitaine à l’autre.

La Poste dit n’avoir pas eu plus de réclamations que d’habitude sur cette période d’élections. Pourtant, comme en témoigne la carte ci-dessous, réalisée à partir d'un questionnaire disponible en ligne, beaucoup d’électeurs ont eu des difficultés au moment de voter : radiation non notifiée, non-inscription, procuration qui disparaît… Du côté du ministère de l’Intérieur, aucune déclaration pour confirmer ou infirmer que le problème ne s’aggrave, ni pour avancer un chiffre des « empêchés de vote ».

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