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Défense

Défense: les besoins croissants des forces spéciales

Cette semaine se déroule près de Bordeaux, dans le sud-ouest de la France, le salon Special Operations Forces Innovation Seminar (SOFINS) dédié à l’équipement des forces spéciales. Environ 4000 visiteurs venus d’environ 45 pays et 170 entreprises ont partagé leurs expériences et fait connaitre leurs innovations. L'objectif est de préparer les missions spéciales de demain et tenter de conserver une longueur d’avance sur un adversaire de mieux en mieux équipé, sachant pleinement tirer profit des technologies disponibles pour le grand public. Confrontées à de nouvelles menaces, les forces spéciales françaises doivent y faire face partout où la France a décidé d’intervenir.

L'hélicoptère Caracal, la monture des forces spéciales. Ravitaillable en vol, il permet des opérations loin à l'intérieur du territoire adverse.
L'hélicoptère Caracal, la monture des forces spéciales. Ravitaillable en vol, il permet des opérations loin à l'intérieur du territoire adverse. Olivier Fourt/RFI
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Les forces spéciales n’ont pas l’habitude d’être dans la lumière. Pourtant, 25 ans après la création du Commandement des opérations spéciales (COS), elles n’ont jamais été autant sollicitées.

Leurs déploiements se font dans la discrétion mais pas dans la clandestinité, rappellent les militaires. Au Sahel, dans le cadre de la lutte antiterroriste depuis le début de la décennie. Au Moyen-Orient, pour appuyer les forces irakiennes et les peshmergas kurdes dans leur lutte contre Daesh. En Libye, l’an dernier, comme l'a révélé le journal Le Monde, afin de soutenir les hommes du général Khalifa Haftar, même si cette intervention n’a jamais été formellement reconnue par le pouvoir politique.

« On ne fait pas forcément plus de missions qu’auparavant mais les missions sont plus dangereuses, confie un ancien des forces spéciales. Autrefois, il arrivait qu’on attende des mois à l’étranger sans que rien ne se passe. Aujourd’hui, c’est différent. Les opérateurs sont beaucoup plus souvent confrontés au feu. Ils sont marqués quand ils rentrent de mission ».

Des commandos très sollicités

En moyenne, les opérateurs du COS passent de quatre à six mois par an en opération loin de chez eux et deux cents jours en mission de guerre, pour les plus sollicités, comme les commandos chargés de guider les bombardements des avions de la coalition, les Tactical Air Control Party (TACP).

« La population totale du COS est de 4 400 hommes, nos effectifs ont augmenté dans le cadre de la loi de programmation militaire. Ils sont suffisants pour tenir le rythme actuel mais si jamais on devait ouvrir de nouveaux théâtres, il faudrait redéfinir des priorités », assure-t-on à la tête des forces spéciales.

Depuis 1992, les missions ont largement évolué. Il y a eu la traque des criminels de guerre dans les Balkans. Aujourd’hui, la France combat les groupes terroristes, mais « on voit venir une lame de fond qui est potentiellement un engagement dans cette lutte entre les grandes puissances », souligne le COS.

Interrogé sur un éventuel déploiement aux frontières de la Russie et approché sur le stand du ministère de la Défense, un nageur de combat, un brin facétieux répond : « La mer Noire ? Je crois que je ne sais même pas où ça se trouve sur la carte ».

Prévoir la vague d’innovation

« C’est bon d’avoir de bons commandos, mais si on ne dispose pas du matériel pertinent on ne pourra pas aller bien loin, affirme le contre-amiral Laurent Isnard, en ouverture du Salon Sofins, au Camp de Souge près de Bordeaux, l’antre du 13e régiment de dragons parachutistes. Si on prend un temps de retard, quand on s’équipe d’un nouvel outil, la parade existe déjà chez l’adversaire ».

Non loin de vieux baraquements en taule ondulée promis à la démolition, se retrouvent, pour la troisième fois depuis 2011, les participants du Sofins, le discret séminaire des forces spéciales. Les exposants rassemblent le meilleur de l’innovation française et étrangère.

« C’est dans notre ADN, car la devise du COS c’est "Faire autrement", donc nous voulons aller vite, être réactifs, trouver des solutions originales en dialoguant directement avec les industriels et les entreprises, les starts-up. Mais attention, il faut faire la différence entre ce qui est séduisant et ce qui est réellement utile », souligne le patron du COS. Il poursuit : « Quand on a eu besoin d’un système anti-drone en Irak, on en a trouvé un, on l’a acheté, et on l’a envoyé là-bas, comme ça on a su très vite s’il était capable de descendre un drone ou pas ».

Projets de drones en essaims et robotique militaire

Les drones ont envahi les allées du Sofins. Presque tout le monde en propose. La tendance est à la miniaturisation et à la simplicité d’utilisation. « Aujourd’hui, un drone du commerce possède des fonctions permettant de suivre un véhicule, un cycliste ou un piéton, ça nous intéresse car ça ouvre de nouvelles possibilités pour l’alerte ou même pour l’escorte, nous voulons des drones en grand nombre, capables d’opérer entre eux et quasi jetables. Ils ne doivent pas avoir plus de valeur que le téléphone portable ou la paire de jumelles du fantassin » commentent les forces spéciales.

Dans le Salon, la mode est donc au « plug and play », l’idée étant de connecter un outil à vocation militaire sur une tablette ou un simple PC, certes « protégé » et « durci ». Après les robots volants, les robots terrestres font leur apparition. « L’armée russe en a utilisé récemment en Syrie, commente un officier de l’armée de terre. Il faudra bien s’y mettre ». Israël fait figure de précurseur dans le domaine.

Au premier jour du salon Sofins, l’industriel français Safran présentait son « drone roulant » à la presse internationale. L’engin à l’allure d’une voiturette de golf a effectivement roulé tout seul sur 200 mètres, avant de se planter dans un petit fossé. Bloquée, la démonstration a été reportée au lendemain.

Radar portable pour le Sahel et le Sahara

Plus simple, mais certainement aussi plus utile dans l’immédiat, la société américaine Rockwell Collins, établie notamment à Toulouse, proposait un radar d’alerte très compact à partir de 15 000 euros. Son antenne Doppler se range dans un sac à dos là où les radars terrestres militaires pèsent au moins une trentaine de kilogrammes.

« Les forces spéciales peuvent être amenées à bivouaquer dans des endroits dangereux où l’ennemi est partout autour, explique Fabrice Fontanier, directeur marketing des systèmes militaires chez Rockwell Collins. Lorsqu’elles s’arrêtent, elles peuvent être potentiellement en danger et attirer l’ennemi. Avec ce système qui détecte une présence humaine dans un rayon d’environ 500 mètres, elles vont savoir, en regardant leur PC portable, que des hommes se dirigent vers elles, sans avoir à déployer des commandos pour faire des rondes toute la nuit ».

« C’est une bonne idée », renchérit un habitué des missions spéciales, ancien du 1er régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMa). Ils pourraient l’améliorer en l’accrochant à un petit ballon d’hélium pour que le radar "voit" par-dessus les masques du terrain, les rochers, les dunes ou les arbres ». Selon l’industriel, l'armée de terre française devrait lancer prochainement un appel d’offres pour ce genre de système.

L’Afrique, laboratoire opérationnel

Ce radar intéresse aussi plusieurs clients africains, dont le Burkina Faso. Les partenaires du G5 Sahel et les forces spéciales françaises combattent le même adversaire dans la région. L’expérience du terrain nourrit la réflexion du COS et redescend ensuite vers les pays de la zone. Comme les forces spéciales, les unités burkinabés ont besoin de systèmes mobiles, robustes.

« Il nous faut des systèmes simples, rustiques et utilisables par tous nos combattants, particulièrement pour surveiller la frontière avec le Mali », commente un officier supérieur burkinabè, qui souhaite cependant un système plus autonome. « On ne va pas mettre le groupe électrogène toute la nuit ! Il faut un système solaire, explique-t-il. On a du soleil à revendre chez nous. Dans le nord, il brille de 5 heures du matin à 18 heures. Le jour, on charge, et la nuit on déploie le système et on alimente le radar, ça remplace ce que nous les militaires appelons les "sonnettes" ».

L’énergie est un vrai défi également pour les troupes françaises, le COS évalue des solutions pour obtenir des batteries avec des autonomies beaucoup plus longues. « Quand on trouve des solutions, bien sûr, tout cela est partagé ensuite avec les forces conventionnelles de l’armée française », conclut le contre-amiral Laurent Isnard.

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