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Francophonie / ONU

Francophonie: défense et illustration de la langue française à l'ONU

Le français est en perte de vitesse dans les enceintes internationales. Pourquoi ? Peut-on encore remédier à ce déclin ? Va-t-on vers une technocratie monoculturelle ? Ces questions seront à l'ordre du jour à la rencontre qu'organise l'antenne newyorkaise de l'OIF, ce 20 mars, à l'occasion de la Journée de la langue française aux Nations unies. Son thème : « Le multilinguisme, une valeur fondamentale des Nations unies, un impératif d’efficacité ».

Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie, devant l'assemblée générale des Nations unies, en septembre 2015. (Photo d'archive)
Michaëlle Jean, secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie, devant l'assemblée générale des Nations unies, en septembre 2015. (Photo d'archive) UN Photo/Kim Haughton
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C’est Michaëlle Jean qui raconte. Invitée il y a quelques jours à la tranche matinale d’une radio parisienne, la secrétaire générale de la Francophonie y est revenue avec sa gouaille caractéristique sur son récent passage à Manhattan. Elle était invitée à prendre la parole au siège des Nations unies. « Je me suis exprimée en français comme je le fais toujours en public, explique-t-elle. Mais le français, je le parle avec tout mon corps, ma tête, mes mains, mes yeux. Je suis animée par la volonté de convaincre. Cela doit impressionner, car tout d’un coup je vois dans cette salle de conférence de l’ONU des gens se saisir de leur écouteur. Ils parlaient pas français, mais ils sentaient l’énergie, ils avaient envie de comprendre... Lorsque j’ai terminé, parmi toutes les personnes venues me rencontrer, il y avait un monsieur de la délégation française...

- Madame Jean, C’est formidable de voir l’impact que vous avez sur l’assistance.
- Ah, merci…
- J’aurais dû, comme vous, parler en français. Je me demande ce qui m’a pris de faire mon topo en anglais !
- Je me le demande aussi, Monsieur l’Ambassadeur. Rien ne vous y obligeait. Vous avez raté là une occasion extraordinaire…
»

Ainsi va la francophonie à l’Organisation des Nations unies (ONU)… Manifestement, plutôt mal. La tendance au monolinguisme s’accentue. Tous les rapports le pointent du doigt.

Menaces sur le multilinguisme

« Dans le contexte des réalités économiques et des restrictions financières, la tendance au monolinguisme est loin d’être en recul, avec l’utilisation hégémonique d’une langue, l’anglais, par rapport aux cinq autres langues des Nations unies pour des raisons de pragmatisme. Les chefs de secrétariat des organisations ne montrent pas toujours l’exemple et n’assurent pas non plus efficacement la surveillance, le contrôle et le respect de la parité entre les six langues officielles, ni le traitement égal des langues de travail au sein des secrétariats. » Ce constat, plutôt sévère pour l’état du multilinguisme, posé il y a quelques années par le Corps commun d’inspection mandaté par l’ONU, est conforté par chiffres et constats glânés dans les documents de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) :

- si 86% des réunions formelles à l’ONU sont interprétees, l’anglais domine dans les réunions informelles,
- seuls 11 sur 63 sites Internet onusiens sont multilingues, alors que les autres sont uniquement en anglais ou avantagent des publications en anglais,
- 90% des rapports reçus par le secrétariat des l’ONU à Genève sont en anglais,
- parmi les connaissances linguistiques requises pour être recrutée à l’ONU, dans 75% des cas l’anglais est l’unique langue obligatoire et elle est au moins une langue obligatoire dans 84%,
- le manuel d’instruction pour toute personne souhaitant poser sa candidature à l’ONU n’est disponible qu’en anglais.

Patricia Herdt est la représentante permanente a.i. de l'OIF auprès des Nations unies
Patricia Herdt est la représentante permanente a.i. de l'OIF auprès des Nations unies OIF New York

Pourtant les règles sont claires et exigent le respect du multilinguisme au sein duquel le français occupe une place privilégiée. D’après l’article 111 de sa Charte et la résolution adoptée en 1946, l’ONU reconnaît six langues officielles (l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe) qui sont également langues de travail de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Mais seuls l’anglais et le français sont les langues de travail du secrétariat général. « La consécration du français date de la création des Nations unies », souligne Patricia Herdt, qui dirige la représentation permanente de l’OIF auprès des Nations unies. « Le français continue de jouir d’un très grand prestige, mais force est de constater que l’utilisation du français recule dans certains contextes », déplore la représentante de la Francophonie.

Patricia Herdt regrette particulièrement que des services de traduction ne soient pas prévus pour les réunions dites « informelles ». Pour informelles qu’elles soient, elles n’en sont pas moins capitales, « car, explique-t-elle, c’est dans ces réunions qui sont uniquement en anglais que des problèmes sont débattus et des décisions importantes sont prises, avant qu’elles soient validées lors des réunions plus formelles. Imaginez vous ne parlez pas bien l’anglais, vous aurez tout le mal du monde pour exprimer votre point de vue qui est en fait celui du pays que vous représentez. » La Française attire aussi l’attention sur l’enjeu de la diversité linguistique s’agissant des sites Internet, « compte tenu du nombre croissant des fréquentations ».

Selon cette observatrice de l'évolution des langues, le risque est grand de voir l’ONU devenir à terme une technocratie monoculturelle, malgré ses engagements en faveur du multilinguisme réitérés régulièrement dans la résolution biennale de l’Assemblée générale des Nations unies sur cet impératif (dernière en date du 11 septembre 2015). C’est la crainte aussi de sa patronne Michaëlle Jean qui rappelait pendant son intervention à l’antenne de la radio parisienne le lien étroit entre la diversité linguistique et la démocratie : « Le multilinguisme, affirmait-elle, c’est davantage de perspectives et s’en priver, c’est affaiblir la démocratie internationale. Et d’ajouter : « Parler français dans les enceintes internationales, c’est une façon de défendre ses idées et sa manière de vivre ».

La Francophonie relève le défi

Que fait la Francophonie pour faire face à ce défi du déficit inquiétant du français et du multilinguisme dans les organisations internationales ? Consciente qu’elle ne peut pas le relever seul, elle a mobilisé les Etats et les gouvernements membres de l’OIF en publiant à leur intention un Vade-mecum relatif à l’usage de la langue française dans les organisations internationales. Adopté en septembre 2006, à la Conférence ministérielle de la Francophonie, ce document engage les pays membres à mettre en œuvre des stratégies volontaristes afin de faire respecter le statut des langues officielles et de travail au sein des organisations multilatérales.

« Nous savons, ajoute Patricia Herdt, que nous ne pourrons pas relever ce défi seul, c’est pourquoi nous cherchons à bâtir des alliances avec les autres grands espaces linguistiques, particulièrement les hispanophones et les lusophones, dans la perspective d’un combat commun en faveur du multilinguisme à l’ONU ». La rencontre des décideurs qu’organise ce 20 mars l’antenne de l’OIF au siège des Nations unies, ce 20 mars, à l’occasion de la Journée de la langue française à l’ONU, permettra sans doute aux francophones onusiéens de réfléchir ensemble à de nouvelles pistes d’action pour ralentir la tendance au monolinguisme dans les enceintes internationales.

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