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France / Energies / Pétrole

Christophe de Margerie, «un patron qui dénote»

Christophe de Margerie est décédé dans la nuit du lundi 20 au mardi 21 octobre, dans l’accident de son avion privé, près de Moscou. Le PDG de Total, le plus grand groupe français, avait 63 ans. Les réactions à sa disparition ont été nombreuses. Le président français François Hollande a salué le talent de l’homme d’affaires et a défendu l’excellence de son entreprise. Philippe de Chalmin est professeur d'histoire économique à l'Université de Paris-Dauphine et président-fondateur de l’institut Cyclope. Invité de RFI, il dresse le portrait de celui qui était son ami.

Le PDG de Total, Christophe de Margerie, le 1er juillet 2013.
Le PDG de Total, Christophe de Margerie, le 1er juillet 2013. AFP PHOTO / FRED DUFOUR
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RFI : Christophe de Margerie était un ami à vous. Quel type d’homme était-il ? Qu’est-ce qui faisait sa singularité ?

Philippe de Chalmin : Dans le monde souvent un petit peu compassé du grand patronat, Christophe de Margerie dénotait. Il ne dénotait pas par ses attaches familiales, car il était issu d’une grande dynastie à la fois de serviteurs de l’Etat – ses oncles avaient été ambassadeurs – et d’industriels, notamment du champagne. Non, il dénotait parce qu’il n’était ni polytechnicien ni énarque et que cela ne l’a pas empêché de devenir le patron de la plus grande boîte française, qui est aussi le quatrième pétrolier mondial. Il exerçait sa fonction avec une présence physique et une empathie naturelle pour aller vers l’autre, qui étaient tout à fait étonnantes.

Je me souviens de l’une de ses allocutions cette année, lorsque mes étudiants de l’université Paris-Dauphine avaient organisé un colloque sur l’Afrique. Christophe avait assuré le discours de clôture. Et il n’avait pas hésité à donner à la fois un message d’espérance pour le continent, mais aussi un certain nombre de vérités qui pouvaient faire mal, y compris dans le cas français. C’était un homme qui avait une personnalité au-delà. Celui qu'on surnommait « Big Moustache » savait aussi se mettre à la portée des autres.

Son franc-parler étonnait dans le milieu des affaires. Il avait notamment créé la polémique en 2011, en expliquant que le prix de l’essence dépasserait un jour 2 euros le litre. Il disait toujours les choses comme elles étaient ?

Oui, il avait incontestablement son franc-parler. Chaque année en France, on avait cette polémique traditionnelle sur les impôts payés par le groupe Total. Toute une partie de la gauche demandait à ce qu’on instaure un impôt spécifique à Total. Et il rappelait de manière très simple : « Ecoutez, ce n’est pas compliqué : 95 % de mon activité se fait en dehors de la France. Mais c’est bien en France que se situent notre siège, nos équipes dirigeantes, toutes nos équipes de recherche, de recherche et développement, etc. » Finalement, il défendait son entreprise, mais il défendait aussi un certain bon sens dans une France qui, ces dernières années, en manquait cruellement. Il ne faut pas oublier finalement que ce qui crée la richesse dans un pays ce sont les entreprises plus que les fonctionnaires.

Christophe de Margerie était un homme qui était aussi assez controversé. On se souvient notamment de l’affaire de l’implantation du groupe Total en Birmanie, de sa mise en cause dans l’affaire Pétrole contre nourriture.

Christophe de Margerie était le patron d’un groupe international. Je crois qu’on ne peut pas accuser Total d’avoir outrepassé les limites, en allant en Birmanie. Dans l’affaire Pétrole contre nourriture avec l’Irak, il a appliqué les règles du jeu telles qu’elles existaient... Il a été relativement incriminé aussi ces temps derniers. Avant son décès, il était à Moscou. Il faisait partie de ceux qui pensaient qu’il fallait maintenir des relations avec la Russie de Poutine au-delà du conflit ukrainien. 

C’était un homme de contact qui n’hésitait pas à s’investir personnellement. Vous n’êtes pas le patron d’une des plus grandes entreprises au monde sans devoir tenir compte aussi de la réalité du terrain. Vous ne pouvez pas non plus uniquement satisfaire quelques bobos dans le quartier du Marais.

Est-ce que cette disparition va aujourd’hui déstabiliser le groupe Total ? Est-ce que cela va le fragiliser ?

La perte d’un homme est toujours quelque chose qui pose problème. Ceci étant, Christophe de Margerie avait 63 ans. Il savait que l’heure de la retraite sonnerait dans quelques années. Autant que je le sache, il y avait eu un certain nombre de nominations et l’on commençait déjà à parler ouvertement de la succession. Son décès va probablement l’accélérer.

Total est une grande entreprise avec énormément de talents. Cela va être une période de crise, c’est clair, comme dans une famille quand vous perdez trop rapidement un père. D’autant qu’il avait été très important aussi dans la manière dont s’est façonné un esprit d’entreprise. Il faut se rendre compte que Christophe de Margerie venait d’Elf. Et donc c’est un peu sous son « règne » que la fusion complète entre ces deux entreprises, au moins dans le champ des mentalités et des esprits.

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