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Agriculture

Les agriculteurs irlandais mobilisés depuis sept semaines pour leur survie

Les agriculteurs irlandais bloquent depuis le mois d’août les usines de transformation et les centres de distribution. Ils réclament de meilleurs revenus. Face à eux, l’industrie bovine vient d’accepter l’ouverture de négociations.

Un groupe d'agriculteurs ralentissent les camions d'approvisionnement devant le centre de distribution Tesco de Ballymun, dans la banlieue de Dublin.
Un groupe d'agriculteurs ralentissent les camions d'approvisionnement devant le centre de distribution Tesco de Ballymun, dans la banlieue de Dublin. RFI/Emeline Vin
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de notre correspondante à Dublin,

« Tout a commencé fin juillet, le 27 », se souvient Carmel. « Ce jour-là, le prix du boeuf a drastiquement chuté. » Au coeur de l’été, le kilo de viande bovine avoisine les 3,50 euros. « On a perdu près de 70 centimes en un an. Sur chaque animal, on perd en moyenne 200 euros », a calculé l’agricultrice du comté de Kildare, à une heure de Dublin.

C’est ce passage sous la barre des 3,50 euros du kilo qui a mis le feu aux poudres pour les agriculteurs irlandais. « Tout augmente : la nourriture pour les bêtes, le prix de la terre, l’eau… Et les distributeurs baissent notre prix de rachat, sans que cette diminution ne soit répercutée pour les consommateurs ! » dénonce Hugh Doyle, représentant du Beef Plan Movement, l’un des groupes à la tête de la contestation.

Les agriculteurs mobilisés accusent la grande distribution de s’enrichir à leur détriment. S’ajoute à cette colère le rejet de la règlementation en vigueur, notamment la « règle des 30 mois », qui veut qu’un animal âgé de plus de 30 mois perde de sa valeur. Cette règle, héritée de l’épidémie de la vache folle et appliquée seulement en Irlande, affecterait selon les agriculteurs la compétitivité de la viande de boeuf irlandaise à l’international, alors que 70 % de la production bovine est exportée.

La principale demande des agriculteurs, c’est l’assurance d’un prix d’achat supérieur au coût de production, « pour pouvoir vivre de notre métier ». Ils réclament aussi la transparence des prix pratiqués par la grande distribution et le rejet des accords de libre-échange avec des pays aux normes sanitaires moins-disantes comme le Brésil.

Une mobilisation pour freiner l’industrie bovine

Ne se sentant pas écoutés, fin août, les agriculteurs plantent leurs piquets de grève devant les usines de transformation de viande. 3 000 ouvriers sont mis au chômage partiel en Irlande, avant que la justice n’interdise les blocages. Carmel explique en souriant : « Depuis, on ne fait que ralentir les camions ! Comme ça, ce n’est pas illégal. »

Cet après-midi-là, ils sont une quinzaine à marcher le long de la route menant au centre de distribution Tesco de Ballymun, au nord de Dublin. Au volant des camions d’approvisionnement, certains s’agacent d’être retardés sur leur tournée, mais la plupart des conducteurs saluent les manifestants d’un klaxon ou d’un pouce levé. Le même scénario se reproduit, jour après jour, devant les usines et les centres de tout le pays.

« L’objectif explique Hugh Doyle, c’est de rappeler qu’on existe, et qu’ils ont besoin de nous autant que nous avons besoin d’eux. Les agriculteurs, les distributeurs, les transporteurs… Nous faisons tous partie d’une chaîne de production, et nous devrions être traités d’égal à égal. » Les protestataires craignent cependant que les distributeurs importent de la viande européenne ou brésilienne pour prévenir les pénuries, « plutôt que de discuter entre adultes ».

Des négociations sous tension

En plus de sept semaines de mobilisation, les éleveurs ont mis à l’arrêt une vingtaine d’usines, représentant 80 % de la production. Fin août, la visite d’une délégation commerciale chinoise à Cork a été repoussée, en raison des blocages. Avant de procéder à des négociations, les représentants de l’industrie bovine irlandaise, la Meat Industry Ireland (MII) a réclamé la levée des blocus.

Malgré les appels à la retenue du ministre de l’Agriculture, Michael Creed, la MII s’est retirée d’une première table ronde le 9 septembre, en raison de la persistance des ralentissements. « On dirait des gosses dans une cour de récréation », maugrée l’un des agriculteurs rassemblés devant le centre de distribution de Ballymun.

Le risque de pénurie s’accroît

La mobilisation prend une nouvelle tournure le 12 septembre : certains supermarchés annoncent qu’ils ne sont plus en mesure de proposer de la viande entièrement produite et transformée en Irlande, et mettent en rayon de la viande de boeuf irlandais, découpée et emballée au Royaume-Uni.

Le ministre de l’Agriculture, qualifiant la situation d’« urgente », demande alors instamment aux parties de se rasseoir autour de la table des négociations. Une nouvelle séance est programmée ce samedi 14 septembre. Michael Creed invite les participants à venir avec la volonté de parvenir à un accord dans la journée. En gage de bonne foi, la MII a assuré qu’elle suspendrait ses opérations d’abattage pendant la durée des discussions et a demandé aux protestataires de garantir la libre circulation de la viande.

De son côté, le Beef Plan Movement réclame, par la voix de Hugh Doyle, que soit déterminé un prix de revient : « il faut que tout le monde sache que, sur un kilo de viande, le producteur reçoit tel montant, la société de transformation tel montant, et les distributeurs, tel montant. » Quant au président de l’Association des agriculteurs irlandais, Joe Healy, il a appelé agriculteurs et industriels à « laisser tomber les postures et à résoudre la crise le plus vite possible, dès ce week-end ».

Les agriculteurs mobilisés devant les usines et les centres de distribution n’ont pas encore indiqué s’ils comptaient poursuivre les blocages. Devant le site Tesco de Ballymun, Carmel confie dans un soupir : « Je crains que ce ne soit notre dernière chance. Si ces négociations échouent, on n’aura plus qu’à mettre la clé sous la porte et dire au revoir à nos exploitations familiales ».

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