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Pologne

En Pologne, le PiS touché par la contestation, mais pas coulé

En grève illimitée depuis onze jours, les enseignants polonais réclament une hausse des salaires et dénoncent la politique du gouvernement. Un nouveau mouvement social qui, après la désillusion des élections territoriales, laisse présager des lendemains difficiles pour le parti au pouvoir.

Manifestation de soutien aux enseignants à Bydgoszcz en Pologne le 12 avril 2019
Manifestation de soutien aux enseignants à Bydgoszcz en Pologne le 12 avril 2019 Reuters/Agency Gazeta/Adam Stepien
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Ils ne touchent en moyenne que 3 500 zlotys bruts par mois, l’équivalent de 814 euros. Un chiffre qui place les professeurs polonais parmi les moins bien payés de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le 8 avril, plus de 500 des 700 000 enseignants du primaire et du secondaire du pays ont décidé que la situation n’était plus tenable. Ils ont entamé une grève illimitée à quelques encablures des examens de fin d’année. Une mobilisation de masse qui donne une tournure historique à ce mouvement, le plus rassembleur depuis 1993, et qui symbolise une remise en cause globale de la politique sociale du parti Droit et Justice (PiS).

La principale revendication des enseignants ? Soit une hausse de salaire de 1 000 zlotys (près de 230 euros), soit deux hausses de 15% sur un an. Des demandes balayées d’un revers de main par le PiS, le parti au pouvoir, qui ne propose que 9% de hausse. Une hausse qui plus est assujettie à une augmentation du temps de travail.

Pour l’heure, les négociations avec le gouvernement sont au point mort. Alors les enseignants poursuivent leur mobilisation et s’appuient sur une cote de sympathie élevée auprès de la société polonaise. « Le 17 avril, un concert a été donné dans le centre de Varsovie en soutien aux enseignants, raconte Amélie Zima, enseignante à Sciences Po, spécialiste de la Pologne. Une cagnotte a également été mise en place. Elle a déjà regroupé 6,5 millions de zlotys (un peu plus de 1,5 million d’euros, Ndlr). Une seconde a été ouverte par un journal d’opposition et a réuni 200 000 zlotys. Il y a l’idée que la société polonaise a une dette envers les enseignants, car ils sont ceux qui transmettent le savoir ».

Une allocation pour les retraités contestée

De peur de voir la crise s’enliser, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a invité les représentants des enseignants, ainsi que l’opposition, à une table ronde, qui se tiendra fin avril si toutes les parties y consentent. Car à un peu plus d’un mois des élections européennes, ces grèves d’ampleur fragilisent les perspectives électorales du parti. « Le PiS n’est pas dans une position extrêmement favorable, souligne la chercheuse. Les élections territoriales de l’automne ont été un semi-échec pour le parti, qui n’a gagné aucune grande ville. Varsovie, Cracovie, Gdansk ou encore Poznan sont tombées entre les mains des opposants de la Coalition civique ».

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Et si le PiS rechigne à s’aligner sur les demandes du mouvement mené par les enseignants, c’est parce que les caisses de l’État ont été substantiellement vidées par l’octroi d’une allocation de 2,4 millions de zlotys aux retraités. « Pour l’opposition, il s’agit d’une mesure électoraliste : cette allocation a vocation à être versée au mois de mai, au moment des élections européennes, et à ne pas être reconduite. Le gouvernement sélectionne les groupes sociaux qu’il a envie d’aider. Les enseignants ne faisant pas partie de sa clientèle électorale, ils n’estiment pas avoir à répondre aux besoins des enseignants », développe Amélie Zima . À l’approche du scrutin, le parti mise également sur une image plus lisse et tente de présenter des visages « plus acceptables », « moins clivants ».

Le mouvement de grève enclenché le 8 avril s’ajoute à une longue liste de protestations depuis l’arrivée du parti au pouvoir : manifestations contre la réforme de la justice, contre le durcissement de la loi sur l’avortement, occupations du Parlement par les familles de personnes handicapées pendant 40 jours, mouvements d’universitaires, de médecins… Et Amélie Zima d’ajouter : « Certains sociologues polonais estiment qu’aucun parti n’a fait face à autant de mouvements sociaux depuis 1989. On ne retrouve pas forcément de convergence de luttes, mais une dynamique contestataire assez forte ».

Le PiS de peu en tête des sondages

Pour autant, l’opposition, qui soutient la grève des enseignants, peine à capitaliser sur le mouvement. Avec 35 % d’intentions de vote, selon une enquête d’opinion récente, le navire Droit et Justice tient son cap, mais reste à la portée de l’opposition menée par la Coalition européenne (33 %). « Ce qui pose problème pour cette coalition, c’est la création de Wiosna (Printemps en français), le jeune parti de centre gauche de Robert Biedron, soutient la chercheuse. Wiosna ne semble pas disposé à s’allier à la coalition. Très libéral sur les questions de mœurs, ce parti est crédité de 10 % d’intentions de vote aux européennes. Il peut potentiellement empêcher la victoire générale de l’opposition. C’est un parti qui peut de façon paradoxale profiter au PiS ».

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Si les grèves d’ampleur venaient à se poursuivre, la donne pourrait évoluer défavorablement pour le parti au pouvoir d’ici aux élections législatives, prévues pour cet automne. Pour Amélie Zima, «  il faudra voir si l’opposition saura recréer la coalition des élections territoriales. Le centre droit s’était associé aux libéraux au sein de la Coalition civique. Ils renouvellent l’expérience pour les européennes sous le nom de Coalition européenne. La question est de savoir s’ils reproduiront ça pour les législatives. Si c’est le cas, le PiS sera en danger ».

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