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Ukraine

Faux assassinat d'un journaliste en Ukraine: questions sur une méthode

Le journaliste russe Arkadi Babtchenko, qui avait été donné pour mort, victime d’un assassinat mardi soir à Kiev, est en réalité bien vivant. Les services de sécurité d’Ukraine, le SBU, l’avaient fait disparaître pour mener une « opération spéciale » et arrêter ses assassins potentiels. Mais ce coup de théâtre interloque et le débat fait rage sur la pertinence de la méthode, en Ukraine et au-delà.

Le journaliste russe Arkadi Babtchenko (au centre) rencontre le président ukrainien Petro Porochenko (à gauche), le 30 mai 2018.
Le journaliste russe Arkadi Babtchenko (au centre) rencontre le président ukrainien Petro Porochenko (à gauche), le 30 mai 2018. Mykola Lazarenko/Ukrainian Presidential Press Service/Handout vi
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Avec notre correspondant à Kiev, Sébastien Gobert

La joie qui a accompagné la réapparition d’Arkadi Babtchenko était indéniable mercredi. D’autant que l’opération se solde par un franc succès, selon les services ukrainiens. Le SBU assure que les tueurs potentiels ont été placés sous les verrous.

L’émotion a néanmoins rapidement fait place à de sérieuses interrogations en Ukraine. Le SBU affirme qu’un complot russe prévoyait de tuer 30 personnes dont le journaliste, mais n’a pas fourni de preuves pour étayer son accusation.

Pour certains, cette opération nuirait à la crédibilité des autorités. Pour d’autres, c’est l’intégrité du journalisme face aux « fake news » qui est remise en cause.

Des « vrais » assassinats non résolus

Le côté fantasque de cette affaire détonne aussi avec la série d’assassinats de ces dernières années, pour beaucoup non résolus. En juillet 2016, le journaliste Pavel Sheremet était tué dans le centre de Kiev.

Petro Porochenko avait alors promis des résultats rapides dans l'enquête. Près de deux ans plus tard, les meurtriers courent toujours, et le SBU a été accusé d’avoir entravé l’enquête. Des questions que la réapparition d’Arkadi Babtchenko ne peut faire oublier.

Crédibilité et risque de réplique

L’ONG Reporters sans frontière estime que si la réapparition du journaliste est « un grand soulagement », « il est navrant et regrettable que les services ukrainiens aient joué avec la vérité, quel qu'en soit le motif ».

Mais Kiev risque de payer cette mise en scène, estime pour sa part Cyrille Bret, professeur à Sciences Po. Tant auprès des alliés européens, avec une crédibilité désormais entachée par cette affaire, que vis-à-vis de Moscou, qui pourrait bien prendre des mesures de représailles.

Il y a un risque de réplique russe. Notamment des opérations clandestines, cette fois-ci couronnées de succès, des rétorsions sur le terrain et, évidemment, une campagne anti-ukrainienne. Et à plus long terme, les opérations qui se dérouleront sur le sol ukrainien de la part de tel ou tel service russe seront mieux cachées, puisque quand l’Ukraine criera aux loups, peu de gens la croiront.

01:00

Cyrille Bret

Anastasia Becchio

Une « provocation »

Sans surprise, la Russie dénonce une machination et une « provocation anti-russe », selon les termes employés par le ministère des Affaires étrangères. De fait, cette affaire est une aubaine pour Moscou - quelle que soit la réalité de son implication dans le complot que l’Ukraine affirme avoir déjoué - car les autorités russes n’ont cessé ces dernières années de dénoncer les « fausses informations » qui seraient utilisées à son encontre dans le conflit qui l’oppose à Kiev.

Sur les réseaux sociaux, les réactions sont également très critiques à l’encontre de l’Ukraine et pas seulement parmi les proches du Kremlin. Il faut dire que de nombreuses personnalités de l’opposition, et de nombreux journalistes indépendants, s’étaient exprimées pour rendre un hommage, souvent poignant, à Arkadi Babtchenko alors qu’ils le croyaient mort.

La nouvelle de sa résurrection a donc été accueillie avec soulagement bien sûr, mais aussi, très vite, avec une pointe d’amertume et parfois de colère. Nombre de journalistes déplorent en effet que cette macabre mise en scène porte un coup très dur à leur crédibilité, rapporte notre correspondant à Moscou, Daniel Vallot.

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