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Ukraine / Russie

Le journaliste russe Babtchenko est vivant, Kiev reconnaît une mise en scène

Les autorités ukrainiennes avaient annoncé sa mort mardi 29 mai. Le journaliste russe critique du Kremlin Arkadi Babtchenko est en réalité vivant. Il est apparu devant la presse ce mercredi à Kiev. L'Ukraine explique avoir mis en scène un meurtre pour déjouer un assassinat commandité par la Russie et avoir arrêté un homme accusé de préparer l'assassinat du journaliste russe.

Le journaliste russe Arkadi Babtchenko est apparu face à la presse à Kiev, mercredi 30 mai, 24h après l'annonce de son assassinat.
Le journaliste russe Arkadi Babtchenko est apparu face à la presse à Kiev, mercredi 30 mai, 24h après l'annonce de son assassinat. REUTERS/Valentyn Ogirenko
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Arkadi Babtchenko sain et sauf, détendu, en sweat-shirt noir, a donné une conférence de presse à Kiev aux côtés du procureur général d’Ukraine et du chef de la Sécurité d'Etat ukrainienne, ce mercredi 30 mai après-midi.

Celui-ci a d’abord expliqué qu’il s’agissait d’une mise en scène destinée à déjouer un complot et empêcher le meurtre en préparation du journaliste. Un homme a été arrêté, qui aurait reçu 40 000 dollars de la part des services spéciaux russes pour préparer cet assassinat. « Nous avons réussi à déjouer une provocation cynique et à documenter les préparatifs de ce crime par les services spéciaux russes », a déclaré Vassyl Grytsak.

Arkadi Babtchenko a ensuite pris la parole pour quelques minutes, en russe. Il a d’abord demandé pardon à tous ses proches et en particulier à sa femme pour « l’enfer » qu’elle a connu. Son épouse qui n’avait pas été mise dans la confidence. « J’ai enterré des collègues et des amis de nombreuses fois pour savoir comment c’est dur mais on n’aurait pas pu agir autrement », a-t-il expliqué.

Une mise en scène préparée de longue date

Le journaliste, ancien correspondant de guerre et grand critique du Kremlin, a aussi remercié les services spéciaux ukrainiens pour lui avoir « sauvé la vie ». Il avait trouvé refuge à Kiev l’an dernier après avoir été l’objet de menaces et de pressions en Russie.

Selon Arkadi Babtchenko, cette opération s’est préparée pendant deux mois, lui a été mis dans la confidence il y a un mois. Un rebondissement qui ne risque pas d'améliorer les relations déjà tendues entre Kiev et Moscou.

En Ukraine, l'annonce de ce meurtre était avait été prise au sérieux, car elle s'ajoutait à une longue liste d'assassinats politiques, pour beaucoup attribués aux services russes. Les autorités ukrainiennes, très critiquées pour leur manque de protection des opposants et journalistes, mais aussi pour l'incapacité des enquêteurs à identifier les coupables, remportent ainsi un franc succès.

Discrédit

Si le président du Parlement européen, Antonio Tajani, s'est dit « soulagé » de la nouvelle, l'ONG Reporters sans frontières et son directeur Christophe Deloire ont condamné une simulation « navrante » et exprimé leur « plus vive indignation ». « La première réaction est le soulagement mais on n'aurait pas  dû avoir la tristesse de la croire mort, a déploré le directeur de l'ONG. Ce mensonge d'Etat perpétré par les autorités ukrainiennes dans le cadre de guerre de l'information avec la Russie est absolument intolérable ».

« Monter une opération, laisser croire qu'un journaliste a été tué, porter des accusations revient à entretenir des théories complotistes extrêmement nombreuses, poursuit Christophe Deloire. Ce dont l'Ukraine a besoin, comme tous les Etats qui sont parfois la cible de guerre d'information, c'est précisément de ne pas riposter avec des méthodes qui relèvent du mimétisme, d'éviter d'entrer dans des logiques de guerre et d'éviter encore plus de colporter des informations erronnées. Un mensonge d'Etat sur le dos d'un journaliste ne sert pas la cause des journalistes et de la liberté de la presse en général ».

En Russie, où tout le monde a été pris au dépourvu, la conférence de presse d'Arkadi Babtchenko a aussitôt suscité une avalanche de réactions, comme celle de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « C'est une excellente nouvelle », écrit Maria Zakharova sur Facebook avant d'ajouter : « Il est évident qu'il s'agit là d'une manoeuvre de propagande ».

De son côté, le Kremlin, qui s'est d'abord contenté d'un lapidaire « Pas de commentaire », sait sans doute que les autorités ukrainiennes vont éprouver le plus de difficultés à se justifier, analyse notre correspondant à Moscou, Daniel Vallot. Cette « mise en scène » a cependant été dénoncée dans un communiqué comme « une nouvelle provocation antirusse » par le ministère des Affaires étrangères qui écrit toutefois: « Nous sommes ravis que ce citoyen russe soit vivant ».

Sur les réseaux sociaux russes, les commentaires sont très durs envers Kiev et même envers Arkadi Babtchenko qui se voit reprocher sa participation à ce coup monté. Depuis hier soir, de nombreux journalistes russes ont publié des textes souvent poignants dédiés à un homme dont ils pensaient, à tort, qu'il avait été assassiné. Plusieurs rassemblements en hommage au journaliste devaient même avoir lieu ce soir dans le pays, dont un dans la capitale Moscou.

Ce sentiment d'avoir eu affaire à une supercherie devrait totalement éclipser les accusations portées par le renseignement ukrainien à l'encontre de Moscou. Un journaliste russe estime même que cette affaire risque de discréditer durablement les autorités ukrainiennes et sera une aubaine dans la guerre des mots qui oppose l'Ukraine et la Russie depuis plusieurs années.

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