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Slovaquie / Agriculture

[Reportage] Slovaquie: un nouveau modèle agricole est-il possible?

La Slovaquie est un pays d’Europe centrale, indépendant depuis 1993, qui compte un peu plus de 5,4 millions d’habitants. Il est entré dans l’Union européenne le 1er mai 2004 après avoir passé une longue période dans l’orbite soviétique en tant que région tchécoslovaque, de 1948 à 1989. Les fermiers d’aujourd’hui subissent toujours les contrecoups d’une collectivisation forcée et productiviste qui a entraîné la pollution des sols et développé des exploitations gigantesques et souvent ruineuses. Mais, depuis les privatisations des années 90 s’ajoute un phénomène de corruption qui gangrène une société slovaque au pouvoir d’achat très faible. Dans ce contexte, les produits bio peinent à se faire une place dans les magasins. Les productions de qualité, elles, s’exportent pour leur majeure partie vers des marchés autrichien, allemand, italien, très demandeurs en produits bio. Entre investisseurs étrangers, hauts rendements, exportations massives et circuits courts, certains agriculteurs sont à la recherche d’un modèle capable de nourrir le pays avec des aliments sains…

Vue générale de la ferme Vazec, située au pied des Hautes-Tatras. La Slovaquie est à la recherche de son équilibre alimentaire, entre exportations massives et développement de son marché local.
Vue générale de la ferme Vazec, située au pied des Hautes-Tatras. La Slovaquie est à la recherche de son équilibre alimentaire, entre exportations massives et développement de son marché local. Photo: Marc Verney / RFI
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De notre envoyé spécial en Slovaquie,

Elena Bukovska se tient fièrement à côté des terres qu’elle cultive autour du village de Gajary, dans le district de Malacky. Ici, c’est la vaste plaine danubienne, écrasée de soleil en été, traversée par un vent glacial en hiver ; au loin, pointent à peine les doux reliefs des Petites Carpates. Nous sommes ici dans le « croissant fertile » slovaque, emblème du productivisme forcené sous l’ancien régime communiste. La gérante et agronome d’Agro Gajary y cultive 400 ha de terres issues d’une ancienne ferme collective avec l’aide de trois permanents et de cinq à huit saisonniers.

Elena Bukovska (Agro Gajary): «Les investisseurs autrichiens nous ont suivi pendant toute une année avant de nous faire confiance».
Elena Bukovska (Agro Gajary): «Les investisseurs autrichiens nous ont suivi pendant toute une année avant de nous faire confiance». Photo: Marc Verney / RFI

Les capitaux sont désormais autrichiens et la majeure partie de la récolte de céréales part vers ce pays pour y être transformée en farines alimentaires destinées à une consommation humaine, faute de possibilités viables sur place. « Les investisseurs autrichiens nous ont suivi pendant toute une année avant de nous faire confiance, dit Mme Bukovska, ils ont analysé nos sols, regardé notre façon de travailler et puis ils ont misé sur la proximité avec leur pays ». Les subventions européennes représentent 30% des recettes de la ferme et ici, précise–t-elle, « un agriculteur modeste arrive juste à couvrir ses frais. En 2002, ce sont les Autrichiens qui nous ont donné le courage d’évoluer et de nous lancer dans la production bio », souligne encore Elena Bukovska, qui s’est formée dans cette filière dès 1994. « Car, ici, à l’époque, continue-t-elle, personne n’était intéressé par les produits de qualité. Encore aujourd’hui, dans la région, peu d’agriculteurs se lancent dans ce type de production »… Dans la plaine, les terres, sableuses, sont difficiles à cultiver et la gérante d’Agro Gajary regrette que l’usage des pesticides et des engrais chimiques soit encore si développé dans cette zone proche de Bratislava : « L’industrie phytosanitaire est puissante. Mais certains de mes voisins commencent à être sensibles au problème ». Pour une désintoxication graduelle, lance-t-elle, « on pourrait créer une catégorie de fermes utilisant la chimie de manière raisonnée, entre le bio et l’intensif ».

« On cultive également des légumes, tels que des oignons, des carottes, des petits pois et des pommes de terres, que nous vendons directement sur internet, aux villages voisins ou à des petits commerçants spécialisés dans le bio. Des écoles de Bratislava se fournissent directement chez nous aussi ». Mais la grande distribution reste un secteur impossible à pénétrer : « Hélas, soupire Elena Bukovska, dans ce domaine, nous avons eu une mauvaise expérience ; nos produits étaient mal placés, mal mis en valeur ». Pour elle, le problème se situe au niveau « des réseaux commerciaux, qui ne sont pas encore au niveau de ce qui nous serait nécessaire pour vendre de plus grandes quantités sur le marché local ». Et l’Etat, les collectivités territoriales ? « Le gouvernement slovaque fait-il assez pour nous ? On pourrait imaginer retirer le maillon local de la chaîne des aides européennes », lance-t-elle, un peu amère. « L’impression que j’ai est qu’il privilégie depuis dix ans les très grandes entreprises au détriment de plus petites fermes comme la nôtre ». Leur argument principal, indique Elena Bukovska c’est la « sécurité de l’approvisionnement alimentaire ». Pour elle, il est pourtant nécessaire que cohabitent petites et grosses entreprises : « Les plus importantes s’orientant par exemple vers l’alimentation pour le bétail et les plus petites fournissant l’alimentation humaine ».

Bio Tatry, l’union fait la force ?

Milos Szabo (Bio Tatry) estime le marché national slovaque «difficile» pour les produits bio.
Milos Szabo (Bio Tatry) estime le marché national slovaque «difficile» pour les produits bio. Photo: Marc Verney / RFI

A 300 km de là, plein est, au pied des monts Tatras, vers la petite cité de Liptovsky-Mikulas, se trouve la coopérative Bio Tatry, créée il y a quatre ans. On pourrait se croire en Suisse ou en Autriche, tant les paysages montagneux, fiertés du pays, prennent de l’ampleur et tutoient le ciel. La région est l’un des joyaux slovaques : située au milieu de parcs nationaux, on y trouve des terres protégées et vierges de toute pollution chimique. Là, depuis toujours, on voit le lait comme « l’or blanc » des Tatras. « Notre coopérative est relativement petite, dit Milos Szabo, le directeur exécutif, nous y comptons actuellement sept fermes membres dont nous commercialisons la production de lait cru, vache et brebis, soit 30 000 litres par jour ». Face à un marché national « difficile » pour les produits bio, Milos Szabo a orienté les efforts de sa société vers l’exportation, 95% du lait part à l’étranger : « La Slovaquie est un bien trop petit pays pour le bio. Là où chaque Allemand dépense en moyenne de 70 à 80 euros par mois en produits bio, le Slovaque n’en dépense que de 70 centimes à 1 euro ». Pour le responsable de Bio Tatry, son lait ne devrait pourtant pas faire « plus de cinquante kilomètres » avant d’être livré. Mais il n’y a quasiment aucune demande ici, « il nous faudrait aller vers Bratislava et les grandes villes, ce qui est bien trop loin. C’est clairement un problème de pouvoir d’achat. Si le salaire mensuel moyen dans la capitale est de 1 500 euros, dans nos contrées, il est de 600 euros ». Malheureusement, continue Milos Szabo, « le gouvernement ne fait pas grand chose pour améliorer la situation ». Le responsable de Bio Tatry hoche la tête, inquiet: Pour lui, il serait urgent d’agir. Car la situation se tend sur les marchés internationaux, tous les jours, de nouveaux fermiers allemands ou italiens passent au bio et vendent un lait à des tarifs très compétitifs...

Dans les exploitations laitières liées à la coopérative, on cherche donc à se diversifier. Là encore, tout part du modèle collectif socialiste, qui a imprimé sa marque sur le terrain : la ferme Vazec, créée en 1960 sur la base de petites entreprises familiales souvent regroupées de manière forcée, possède 2 200 ha de terrains (pâtures et cultures) et plus de 2 000 vaches et ovins. Malgré sa grande taille, elle est certifiée bio depuis 2005. Des 300 employés au temps du communisme, on est passé à 75 salariés. « La vente de lait de vache à l’étranger, c’est cela qui nous fait vivre », concède Matus Hosko, l’ingénieur agronome de la ferme. Mais, indique-t-il, « nous vendons dans notre magasin, sur place, et à Bratislava, des pommes de terre bio en petites quantités, du fromage au lait de brebis bryndza (*) et on veut se développer dans le commerce de la viande ». L’équipe de la ferme Vazec croit dans les circuits courts et investit fortement dans la communication et le packaging de ses produits labellisés « fait maison ». Matus Hosko en est persuadé, un jour, il faudra bien « fabriquer en Slovaquie ce qui est consommé en Slovaquie »… « La politique agricole commune, dit-il, devrait pouvoir s’adapter à la situation de chaque pays. Elle favorise encore trop l’agriculture intensive. L’argent, aujourd’hui payé à l’hectare, devrait être distribué en fonction des efforts que chacun fait pour aller vers le bio ». Selon le jeune agronome, d’autres problèmes concrets liés à la situation slovaque se font également jour : l’âge avancé de nombreux paysans, des appellations protégées peu développées, la place limitée du bio dans les grandes surfaces, le faible pouvoir d’achat des ménages…

Matus Hosko (ferme Vazec): «La vente de lait de vache à l’étranger, c’est cela qui nous fait vivre».
Matus Hosko (ferme Vazec): «La vente de lait de vache à l’étranger, c’est cela qui nous fait vivre». Photo: Marc Verney / RFI
Lubomir Kruzliak (ferme Vychodna): grâce à l’apport étranger, «on a pu se diversifier».
Lubomir Kruzliak (ferme Vychodna): grâce à l’apport étranger, «on a pu se diversifier». Photo: Marc Verney / RFI

La ferme Vychodna (1 500 ha environ), également membre de Bio Tatry, se targue, sur son site internet, d’être, à 930 m d’altitude, la plus élevée des exploitations bio des Hautes-Tatras. De fait, depuis ses étables, où se trouvent plus de 800 vaches et 770 ovins, on a une vue imprenable sur le mont Krivan, symbole de la Slovaquie et fierté nationale. Là encore, l’exploitation est marquée par son passé de kolkhoze : les immenses hangars de la ferme collective, née en 1958, sont peu à peu rénovés ; on est passé de 500 ouvriers en 1960 à 45 aujourd’hui… Lubomir Kruzliak, le directeur exécutif de la structure, insiste fortement sur l’apport des nouveaux investisseurs britanniques en 2009 : « La ferme était au bord de la faillite, cinq millions d’euros ont été investis ; ce qui a permis notamment de racheter le terrain aux anciens propriétaires ». Pour lui, l’apport étranger est extrêmement positif : « Grâce à eux, on a pu se diversifier : si 90% de la production laitière s’en va à Bio Tatry, on fabrique désormais des fromages depuis 2010, on cultive des plantes médicinales depuis 2012 et on pratique l’agrotourisme depuis 2016 ; 3 000 visiteurs ont déjà été reçus ». Une boutique de vente sur place a été ouverte en 2016 et les enfants peuvent même jouer avec les petits veaux et se rouler dans la paille… Si le directeur exécutif de l’exploitation se félicite du redémarrage de son entreprise, il s’inquiète du taux de corruption « élevé » en Slovaquie mais aussi de la dépendance alimentaire du pays vis-à-vis de l’étranger : « Nous importons beaucoup ; il n’y a pas d’autosuffisance ». Pour lui, « la France protège bien mieux son marché agricole que la Slovaquie ».

Jan Slinski, le « rebelle » de l'agriculture slovaque

Jan Slinski (Agro Kruh): «Chaque Européen doit savoir d’où vient le légume qu’il consomme».
Jan Slinski (Agro Kruh): «Chaque Européen doit savoir d’où vient le légume qu’il consomme». Photo: Marc Verney / RFI

Le discours de Jan Slinski tranche au milieu des propos de ces collègues qu’il voit d’abord comme des gestionnaires. L’homme exploite deux hectares de terrain entourés de bois dans le village de Hruby Sur, non loin de Bratislava. Il y fait pousser jusqu’à 48 sortes de légumes différents tout au long de l’année. Et il prétend pouvoir nourrir soixante familles grâce à une technique mécanique originale de culture circulaire (Agro Kruh), inspirée d’une ancienne tradition agricole indienne… Son leitmotiv : « Chaque Européen doit savoir d’où vient le légume qu’il consomme. Et ces grandes quantités de légumes à produire doivent être cultivées par de nombreuses petites fermes ». Le projet de cet ancien responsable d’une ferme collective vers Kosice dans l’est du pays a mis du temps à se concrétiser : tout d’abord, il a dû faire face, dans une Slovaquie très productiviste, à la difficulté de présenter des projets de fermes à la taille réduite ; son premier prototype est détruit au début des années 2000 par des paysans opposés à ses initiatives... Une rencontre avec des représentants de la FAO, l’aide de la Fondation environnementale Toyota, et… une émission de télévision à succès l’aident finalement à monter son projet actuel. Soit quinze parcelles en cercles et trois machines électriques amovibles dotées d’un bras rotatif sur lequel on fixe les outils (charrue, dispositif d'arrosage...) dont on a besoin. De cette façon, l'effort est moindre, du temps est économisé, la petite surface donne son plein rendement. Cinquante-huit familles lui font désormais confiance depuis un an pour la fourniture, sur l’année entière, de tous les légumes bios de saison dont elles ont besoin.

Le souhait de ce paysan atypique et passionné est d’affranchir nos agricultures de la dépendance aux énergies fossiles, « qui abîment la terre et tuent l’emploi dans les villages ». « Mon projet Agro Kruh, poursuit l’agriculteur, simplifie le travail du paysan tout en épargnant la pollution des terrains ». Et, pour Jan Slinski, l’intérêt des consommateurs pour la qualité bio est bien réel en Slovaquie, « sauf que ceux qui veulent faire de l’argent avec cette filière proposent des prix trop élevés », assène-t-il. « Moi, poursuit-il, je veux oeuvrer avec les gens qui ne savent pas, qui ne veulent pas et qui ne peuvent pas faire de la culture eux-même ; ils me disent quels légumes ils veulent, quand et en quelles quantités… et ils m’avancent l’argent. Je leur vends les légumes bio au prix du conventionnel tout en remboursant tranquillement l’emprunt ». Un accord gagnant-gagnant assure l'homme. Le modèle économique avancé par Agro Kruh supprime les intermédiaires et développe un lien tout personnel de confiance entre le paysan et le consommateur. L’idée est de fournir soixante familles qui avancent chacune 1 000 euros d’investissement initial. In fine, précise Jan Slinski, avec mes calculs, « je dégage un chiffre d’affaire brut de 24 000 euros qui me laisse 700 euros nets par mois ». Cette organisation, clame-t-il, est « collaborative. L’argent doit avoir une destination concrète, les subventions s’évaporent ; il est inutile de subventionner les hectares. Mieux vaut transférer de l’argent pour le résultat du travail »… L’homme, qui refuse toute aide, européenne ou nationale, souhaite désormais dupliquer partout où il le peut son système. Et s’insurge contre les menées de la Commission européenne, qui autorise, selon lui, peu à peu des résidus de pesticides dans l’alimentation bio… « Qu’on mentionne plutôt clairement "légumes chimiques" sur la production intensive et qu’on laisse le bio tranquille », s’énerve Jan Slinski dont le rêve est de voir les villes européennes entourées par la « ceinture verte » de ses petites fermes bio éparpillées par dizaines dans les campagnes !

Martina Hlinova (Bio Farma Priroda): «Il nous a fallu de cinq à six ans pour réaliser Bio Farma -sans subventions».
Martina Hlinova (Bio Farma Priroda): «Il nous a fallu de cinq à six ans pour réaliser Bio Farma -sans subventions». Photo: Marc Verney / RFI

Les circuits courts, c’est aussi la devise de Martina Hlinova, dynamique propriétaire à Stupava de Bio Farma Priroda, 22 ha de nature aux portes de Bratislava sur des terrains loués à long terme à l’université Comenius. L’originalité de sa démarche : approvisionner les restaurants traditionnels slovaques qu’elle possède au centre de la capitale avec son mari grâce aux produits – notamment le fameux fromage bryndza - fabriqués à Bio Farma. « Nous voulions absolument respecter la tradition, lance Martina Hlinova, avoir notre propre pain, notre propre fromage, notre propre bière… et nous sommes donc, avec mon mari, partis en quête d’un endroit où faire tout cela ». « Ce qui est incroyable, poursuit-elle, c’est que personne n’a cru dans notre projet, il nous a fallu de cinq à six ans pour réaliser Bio Farma -sans subventions ». L’exploitation possède 90 brebis mais doit quand même acheter 350 litres hebdomadaires de plus pour assurer toute la production de bryndza. « Après la fin du communisme en 1989 et devant le déferlement du mode de vie occidental, il y a eu une tendance à oublier l’apport de la culture gastronomique slovaque, tout le monde en a pâti » ; aujourd’hui, Martina Hlinova est ravie d’avoir pu conserver des recettes slovaques et de pouvoir les réaliser chez elle, avec ses propres produits. Les contrôles tatillons de l’administration sont un peu la bête noire de la jeune femme : « Tous les deux mois on doit donner un échantillon. Mais le résultat des analyses vient trop tard ». « Ici, soupire Martina Hlinova, chaque parti nomme, lorsqu’il gagne les élections, des fidèles à des postes techniques pour lesquels ils ne sont pas compétents. C’est le grand travers slovaque ».

Milos Homola (Ekotrend Slovakia) : « Les grandes fermes sont bio en raison des subventions »

Rencontrer Milos Homola, l’un des responsables de l’organisation non gouvernementale Ekotrend Slovakia, permet d’avoir une vision plus générale de la situation de l’agriculture slovaque. Son ONG défend les petites fermes bio et regroupe 150 exploitants. Un combat difficile : avec 80,7 ha de surface moyenne, selon Eurostat en 2015, les entreprises agricoles slovaques pointent au troisième rang des plus vastes exploitations d'Europe, derrière la République tchèque et le Royaume-Uni. Alors, l’action d’Ekotrend Slovakia se veut d’abord pédagogique : édition de manuels d’aides aux petits agriculteurs, conférences, concours du jeune agriculteur. « En Slovaquie, regrette M. Homola, de grandes fermes ont le label bio et beaucoup de petites exploitations ne l’ont pas. La somme à payer ne vaut pas le coup pour une ferme de taille réduiteLes grands sont dans le bio juste pour les subventions ». De plus, pour le responsable de l’ONG, le mode de versement de ces subventions, sur la période 2014-2020, n’est pas satisfaisant : « Tout a été réparti dès 2014 et les nouveaux prétendants aux aides arrivés après cette date ne peuvent rien espérer avant 2021 ».

Milos Homola (Ekotrend Slovakia): «L’écologie et le "bien-manger" n’ont jamais été un thème porteur dans la vie politique slovaque».
Milos Homola (Ekotrend Slovakia): «L’écologie et le "bien-manger" n’ont jamais été un thème porteur dans la vie politique slovaque». Photo: Marc Verney / RFI

En Slovaquie, un jeune agriculteur doit donc faire face à plus d’un souci lorsqu’il cherche à s’installer et à investir dans du terrain agricole. « Il y a d’énormes anciennes fermes collectives dans pratiquement chaque village, précise le responsable d’Ekotrend Slovakia, mais celles-ci n’ont pas toujours la propriété de leurs sols. Après la collectivisation des terres, dans les années cinquante qui a amené de larges politiques de remembrement, la privatisation des années quatre-vingt-dix a été menée en dépit du bon sens : les parcelles, remembrées, ont été arbitrairement divisées et revendues en dizaines, en centaines de mini lopins parfois minuscules. Et les gens ont du mal en plus à accéder à leur propre terre… ». Du coup, la gestion de ces parcelles devient un véritable casse-tête ! Tant pour l’administration que pour les particuliers.

Le responsable de l’ONG souligne enfin ce paradoxe : une très grande partie de la production de qualité part à l’exportation, « faute de capacité de traitement local. Ainsi, on exporte du blé bio en Autriche et on importe du pain bio d’Autriche… ». Du coup, d’après Milos Homola, au total, « il n’y a, dans les magasins que 45% d’aliments d’origine slovaque ». Des solutions sont-elles à portée de main ? Le nouveau projet de directive européenne sur la certification groupée des petites fermes bio, sera, en 2021, une avancée de la nouvelle politique agricole commune, mais, affirme M. Homola, « l’écologie et le "bien-manger" n’ont jamais été un thème porteur dans la vie politique slovaque. Et les fonds européens, dans l’esprit des gens, sont automatiquement liés aux affaires de corruption. Disposer d’aides directes venant de Bruxelles pourrait être une bonne chose, mais les contrôleurs seraient, eux, toujours locaux », assène le responsable d’Ekotrend Slovakia, qui conclut : « S’il faut des subventions, elles peuvent être évaluées avec des critères mesurables et non lucratifs, tels que la biodiversité, la qualité de l’eau, bref, utiliser l’argent public pour le bien-être public »...

Slovaquie: une agriculture en quête d'un nouveau modèle

QUELQUES CHIFFRES
Pays membre de la zone euro depuis le 1er janvier 2009, la Slovaquie a touché en 2015 la somme de 648 millions d’euros au titre de la politique agricole commune (source : Commission européenne). La même année, la part de l’agriculture dans le PIB est de 3,7% (OCDE). Par rapport à 2015, selon Eurostat, la plus forte augmentation de la production agricole observée en termes relatifs dans l’UE en 2016 a été en Slovaquie (+10,7%). Le pays compte en 2016 un total de 187 024 ha de surfaces agricoles dédiées au bio, soit une hausse de 13,8% par rapport à 2012 (Eurostat).

LE CONTEXTE
L’assassinat du journaliste Jan Kuciak et de sa compagne Martina Kusnirova, fin février 2018, alors que l’homme enquêtait sur la mafia calabraise, soupçonnée de se livrer dans le pays au détournement des fonds agricoles délivrés par l’Union européenne avec la complicité de personnages de la vie politique nationale, a poussé des dizaines de milliers de Slovaques dans la rue. Les manifestants de ce mouvement, inédit depuis 1989, sont présents chaque vendredi dans le centre de Bratislava. Ils ont obtenu la démission du Premier ministre Robert Fico et réclament désormais des élections anticipées.

(*) le fromage bryndza, élaboré à partir de lait cru de brebis, est majoritairement produit en Slovaquie, en République tchèque, mais également en Pologne et en Roumanie. La première fabrication industrielle de ce fromage a démarré en 1787 à Detva (centre de la Slovaquie). D'autres recettes peuvent mélanger le lait de vache et de brebis.

Reportage réalisé avec le soutien de l'Union européenne / Direction générale de l'Agriculture et du Développement rural de la Commission européenne.

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