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Espagne

Les musulmans espagnols donnent de la voix pour condamner les attentats

Les musulmans d’Espagne se mobilisent dans la rue et sur les réseaux sociaux pour condamner les attentats de Barcelone et de Cambrils, qui ont fait 15 morts et 120 blessés, les 17 et 18 août 2017. Qu’ils soient youtubeurs, dignitaires religieux ou simples croyants, ils refusent l’amalgame entre islam et islamisme. En ligne de mire : les poussées islamophobes qui se multiplient, comme souvent, sur les réseaux sociaux après des attentats jihadistes en Europe.

Des musulmans se réunissent contre le terrorisme, pour condamner les attentats de Barcelone et de Cambrils, le 21 août 2017, sur la Plaza Catalunya de Barcelone.
Des musulmans se réunissent contre le terrorisme, pour condamner les attentats de Barcelone et de Cambrils, le 21 août 2017, sur la Plaza Catalunya de Barcelone. Reuters/Sergio Perez
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Dans un message publié dans la foulée de l’attaque à la voiture-bélier de Barcelone, un internaute interroge ses concitoyens : « Vous êtes musulmans ? Alors je veux voir une manifestation, une condamnation, une pancarte, un "il y en a marre". »

Cette vindicte a été partagée près de 100 000 fois sur Facebook. « Aurez-vous le courage de sortir dans la rue pour dire que ces assassins ne vous représentent pas ? », demande encore l’auteur.

Oui, les musulmans espagnols ont eu ce courage. C’est ce qui explique peut-être que le message a depuis été supprimé - même si le quotidien El Pais en a fait une capture d’écran. Depuis les attentats des 17 et 18 août à Barcelone puis à Cambrils, ils se sont réunis plusieurs fois, en Catalogne et dans le reste du pays, pour condamner le terrorisme.

Mais il n’empêche, après le drame, le mot-dièse #StopIslam est monté en flèche sur Twitter. Des groupes néo-nazis ont annoncé leur intention de manifester, à la fin de la semaine dernière.

A Madrid, ils ont interrompu une minute de silence en hommage aux victimes, devant la mairie, avant d’être délogés par la police. A Barcelone, un autre groupuscule d’extrême-droite s’est vu refuser le droit de manifester par les autorités, comme le rapporte le site de La Vanguardia.

Un peu partout en Espagne, des tags islamophobes se sont multipliés. Les médias espagnols en ont vu sur le consulat marocain de Tarragone, et une internaute les a photographiés sur la mosquée du village de Montblanc, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Barcelone : « Allez mourir, putains d’Arabes. » Cinq fois sur quelques mètres de façade.

« Pas en notre nom »

Dès qu’est survenu l’attentat de Barcelone, pourtant, les instances musulmanes espagnoles l’ont condamné en des termes fermes. Le jour-même, la Communauté islamique d’Espagne déplore dans un communiqué « une attaque inhumaine, violente ».

L’Union des communautés islamiques de Catalogne « condamne énergiquement » l’attentat dans un communiqué en catalan et assure la société de son « engagement dans la lutte contre toute forme de terrorisme ».

Idem pour la Comission islamique d’Espagne, qui reprend le texte dans la langue de Cervantès, assurant que « les musulmans espagnols présentent leurs condoléances aux familles de victimes […] et font part de leur solidarité avec le peuple barcelonais et espagnol. »

A l’unisson des autorités islamiques, mais sur un ton plus emporté, il y a aussi eu des vidéos. Comme celle du youtubeur hispano-marocain Hamza Zaidi, publiée dès le lendemain de l’attaque, visionnée plus de 800 000 fois.

« Je me suis levé ce matin avec beaucoup de messages m’accusant de ce qui s’était passé hier. Des gens sans cerveau me disent "Foutu arabe, rentre dans ton pays !", ou encore, "les musulmans sont des meurtriers !" Mais bon sang, comment vous pouvez mettre tout le monde dans le même sac ?! », déplore-t-il face caméra.

Dans un langage fleuri, preuve que l’exaspération est à son comble du côté des musulmans d’Espagne, Hamza Zaidi, plutôt habitué à faire dans l’humour, tempête : « Ces fous qui ont pris une fourgonnette pour écraser des gens ne sont pas musulmans, ok ? Ce sont juste des fous, des malades mentaux, qui n’ont rien à voir avec l’islam ! »

Les photos de musulmans en pleine manifestation, avec des pancartes condamnant le terrorisme, où l’on peut lire « Pas en notre nom », ou « Islam, religion de paix » ont aussi circulé sur les réseaux. On voit certains être enlacés par d’autres manifestants.

Avant de partir à La Mecque, des pèlerins de Melilla, enclave espagnole au Maroc, ont aussi observé une minute de silence, derrière une banderole de solidarité avec le « peuple espagnol et catalan », comme le relève La Vanguardia.

« Il est dommage qu’on n’entende les musulmans qu’après un attentat islamiste »

« Ce qu’il s’est passé en Espagne, comme ça a déjà été le cas après les attentats en France, c’est que dans les prêches du vendredi, c’est-à-dire le lendemain de l’attaque, les imams ont condamné ces attentats, au nom de l’islam », explique le consultant sur les questions de radicalisation Mohammed Chiani.

« Avant la grande prière du vendredi, qui est un peu comme la messe du dimanche pour les musulmans, les imams ont la parole pendant une demi-heure. Ils ont alors rappelé la déviance des organisations terroristes, qui ne respectent pas les principes de l'islam », ajoute-t-il.

Pour l’auteur de L’Islam de France, la République en échec, il est légitime que des condamnations se fassent aussi sur Internet : « De la même manière que c’est un vecteur efficace pour la propagande radicale, c’est aussi un vecteur efficace pour la diffusion d’un contre-discours, d’un discours de vivre-ensemble. »

Même en Catalogne, où vivent un quart des musulmans espagnols (environ un demi-million de personne), ce discours a besoin d’être entendus. Selon des experts cités par l’Agence France-Presse, la communauté autonome du nord-est de l’Espagne est l’une des principales zones de radicalisation du pays.

La condamnation des attentats par les musulmans répond à « une demande politique, c’est une demande de l’opinion publique pour se rassurer », affirme Mohammed Chiani.

« Quand vous avez des jeunes qui sont retournés par une idéologie radicale, qui sont citoyens ou résidents dans les pays européens, et qui deviennent du jour au lendemain des monstres, l’incompréhension est totale », poursuit le spécialiste des questions de radicalisation.

Et de conclure : « La meilleure façon de lutter contre l’islamophobie et contre la xénophobie, c’est de condamner les attentats terroristes au nom de l’Islam et des musulmans. »

Mais comme le déplore Mohammed Chiani, qui avait été remarqué en 2015 après les attentats de Charlie Hebdo en France pour s’être adressé en arabe aux terroristes de l’organisation Etat islamique, « il est dommage qu’en Europe on n’entende les musulmans qu’après un attentat islamiste. »

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