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Reportage

Bulgarie: les petits maraîchers misent sur le bio pour s'en sortir

Jadis, au sein de l’ex-bloc soviétique, les fruits et légumes bulgares faisaient la renommée du pays. Aujourd’hui, les maraîchers mettent tour à tour la clé sous la porte, tant l’agriculture nationale s’est orientée vers la production intensive des céréales. Seule planche de salut pour ceux qui résistent : la qualité, quitte à vendre plus cher dans un pays où le salaire moyen peine à dépasser les 400 euros.

Stoyan retourne la terre en ce mois de février ensoleillé, même s'il ne sait pas encore ce qu'il plantera.
Stoyan retourne la terre en ce mois de février ensoleillé, même s'il ne sait pas encore ce qu'il plantera. RFI/ Marc Etcheverry
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De notre envoyé spécial en Bulgarie,

En ce mois de février, le soleil caresse les champs de Stoyan Simeonoy. C’est une chance. Juché sur son tracteur, ce Bulgare de Lesnovo, dans la banlieue de Sofia, s'est donc mis à la tâche. Consciencieusement, il retourne la terre, mais avoue ne pas trop savoir quoi planter. Une chose est sûre, ce sera bio.

Le bio, c'est la marotte des maraîchers en mal de revenus décents en Bulgarie. Et il y en a beaucoup. Le pays a basculé dans le « tout céréales », aidé par les subventions européennes, et le maraîchage a largement perdu de son importance depuis un quart de siècle. Face à la concurrence étrangère, les petits producteurs n'ont d'autre choix que de jouer la carte du « made in Bulgaria » et de la qualité.

Stoyan s'est lancé dans le bio, il y a six ans. Non pas d'abord pour des raisons financières, mais par principe, jure-t-il. « Cela a commencé avec ma famille, je voulais avoir de bons produits pour eux. » Longtemps, la famille, justement, s'est contentée d'un simple potager, et puis Stoyan a décidé de produire pour d'autres : des radis, des haricots, des épinards… Au total, près de 45 produits.

Contrôles annuels

Avec 10 hectares, il ne vise pas l'étranger et vend aux consommateurs du coin. « Avant on allait au marché, on avait notre stand. Mais celui d'à côté vendait des produits venus de l'autre bout du pays. Y'en avait pendant toute l'année. Une production soi-disant bio. » Le « soi-disant bio », cela énerve l'agriculteur et à l'en croire, on en trouve partout.

« On parle entre nous. On est quatre ou cinq producteurs dans la région. Le marché est plein de produits soi-disant naturels, soi-disant propres, soi-disant bio et qui sont en fait des produits conventionnels déguisés. Cela trahit la confiance des consommateurs. »

La famille Simeonoy, elle, se plie aux deux contrôles annuels des organismes de certification. « Il prélèvent deux kilos de la production. Il y a [aussi] un kilo pour l'agriculteur s'il veut faire appel de leur décision, contester le résultat des tests. » S'agrandir dans ce secteur demande aussi du temps et de l'investissement : « Si j'achète le champs adjacent, je vais avoir besoin de trois ans pour que ça devienne un champ bio. La première année, c'est un champ conventionnel, la deuxième, un champ de transition - on achète par exemple des engrais bio, que l'on utilise sur ce champ, mais il n'est pas encore certifiable. Ce n'est qu'au bout de la troisième année que les cultures sont considérées bio. »

Des efforts appuyés par des subventions européennes : le deuxième pilier de la PAC - celui consacré au développement rural - pour la période 2014 - 2020, met l'accent sur la croissance de ce secteur. Ce qui incite aussi beaucoup de cultivateurs en difficulté à la reconversion. Ainsi, selon le dernier rapport de l'IFOAM et du FIBL (deux organismes internationaux de promotion du bio), en 2014, la surface agricole dédiée aux cultures biologiques a augmenté de 32 % en Bulgarie, l'une des plus fortes progressions en Europe.

Le prix, principal obstacle

Mais si l'essentiel des produits bio bulgares sont exportés vers l'Europe de l'Ouest,  pour ceux qui - contraints ou non - optent pour le marché national, voire le circuit court, il faut aller à la rencontre de la demande. Or, à en croire Rumil Manov, le bio en Bulgarie n'a pas encore véritablement trouvé son public. Ce gérant d'un Balev Bio Market, une enseigne de distribution présente dans les trois plus grandes villes du pays, relève que l'intérêt pour ces produits est croissant, mais qu'il y a plusieurs facteurs de résistance, au-devant desquels le prix, souvent jugé dissuasif dans un pays où le salaire moyen avoisine les 400 euros.

« L'écart [de prix] est très grand, reconnaît Rumil. Un kilo de poulet coûte chez nous 40 levas [20 euros], dans les supermarchés traditionnels cela revient à 7 levas [3,50 euros]. Un pot de yaourt coûte 1,80 leva [90 centimes d'euro] chez nous, 1 leva [0,50 centimes] en supermarché. » Et si sur les marchés, la différence est moindre, le prix reste un frein.

La confiance n'est pas non plus tout à fait instaurée, regrette également le gérant. Les consommateurs « pensent que les produits sont étiquetés bio mais ne le sont pas, on doute aussi qu'un producteur cultivant en grande quantité puisse produire bio. Et on est en Bulgarie, la méfiance fait partie de la mentalité… » Il est vrai qu'il n'est pas rare que des saisies de produits falsifiés fassent la Une de la presse.

Des résistances que les autorités entendent bien vaincre à coups de campagnes promotionnelles, et ainsi éviter qu’un décalage n’apparaisse entre l’engouement des producteurs et celui des consommateurs. A Lesnovo, Stoyan, lui, souhaite aussi mettre en avant une forme d’état d’esprit du « consommer bio », et ce avant le simple attrait pour les subventions.

 

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