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Italie

Crise des migrants: l’option militaire européenne est-elle réaliste?

La réponse militaire contre les passeurs et leurs embarcations, prônée par les 28 chefs d'Etat et de gouvernement réunis jeudi à Bruxelles lors du sommet extraordinaire sur l'immigration sera compliquée à mettre en œuvre. La mesure doit être présentée par l'Europe au Conseil de sécurité de l'ONU en vue du vote d'une résolution, mais les experts doutent de son réalisme.

Des migrants à bord d'un navire italien à leur arrivée au port de Catane, en Sicile.
Des migrants à bord d'un navire italien à leur arrivée au port de Catane, en Sicile. REUTERS/Alessandro Bianchint
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Pour répondre au drame humanitaire qui se joue depuis plusieurs mois en Méditerranée, l’Europe a décidé de renforcer l’arsenal de surveillance des côtés. Le budget de l’opération Triton de surveillance maritime, actuellement de 3 millions d’euros par mois, sera doublé. L’objectif, réaffirmé jeudi à l’issue d’un sommet extraordinaire à Bruxelles, est de s’attaquer de front aux passeurs.

Des actions ciblées

Il s’agit de « démanteler les réseaux de trafiquants, traduire les responsables en justice et saisir leurs biens » et d’« entreprendre des efforts systématiques en vue d'identifier, de capturer et de détruire les embarcations avant qu'elles ne soient utilisées ». Mais pour pouvoir mettre en œuvre cette option militaire, l’Union européenne va devoir obtenir le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU. La France et le Royaume-Uni, membre permanent, ont promis d’y plaider en faveur de l’opération.

De source européenne, on assure que l'idée n'est pas d'envoyer des troupes au sol, ni d'aller faire la guerre en Libye, mais de mener des actions ciblées. « Une opération faisable si l’on s'en prend à des bateaux de gros gabarit, tels que des chalutiers », estime Pierre Connessa, ancien haut fonctionnaire du ministère français de la Défense. En revanche, elle s’avèrera plus délicate pour atteindre des unités plus petites, telles que des zodiacs ou des pirogues. Dans ce cas, l’option paraît « moins réaliste », explique Pierre Conessa.

Questions de droit

L'expert craint également qu'il soit difficile d'identifier tous les points d'où partent les bateaux le long de la cote libyenne. Des lieux de départ qui pourraient se multiplier en réaction à une intervention militaire, ce qui compliquerait encore plus la tache des militaires engagés dans les opérations d’identification et de destruction des navires utilisés par les passeurs.
Autre donnée à prendre en compte : la présence éventuelle de migrants à bord, sachant que certains peuvent être dissimulés dans des cales des bateaux. Autrement dit, comment savoir si les embarcations sont réellement vides ?

Parmi les pistes avancées, celle de l’Italie, d’utiliser des drones pour détruire les navires des passeurs. Mais cela pose des problèmes juridiques. Si la destruction d’un navire par les autorités est possible, en droit, après que le bateau a été saisi alors qu’il était utilisé pour commettre un délit, comment justifier la destruction a priori ?

Quelle efficacité ?

Par ailleurs, quel que soit le mode de destruction utilisé, ces opérations devraient se faire « à la source », c’est-à-dire dans les eaux territoriales libyennes, ce qui là encore pose des questions de droit international. C’est pour contourner ce point que l’Union européenne espère obtenir un mandat du Conseil de sécurité de l’ONU.

« Beaucoup de questions juridiques et politiques se posent pour autoriser une telle intervention, dans un pays aussi instable que la Libye », juge une experte en droit de l’immigration qui juge l’annonce de cette intervention « ridicule ». D’autant plus, ajoute cette experte contactée par RFI, que cela ne changera rien sur la durée : « Une fois l'opération coup de poing passée, il y a fort à parier que les passeurs se procurent de nouvelles embarcations et que le trafic reprenne. »


■ Naufrage sur la côte italienne: l'enquête avance sur les circonstances du naufrage

Des survivants du naufrage meurtrier arrivent au port de Catane, le 21 avril 2015.
Des survivants du naufrage meurtrier arrivent au port de Catane, le 21 avril 2015. REUTERS/Antonio Parinello

La justice italienne a confirmé vendredi 24 avril le maintien en prison du commandant et du second du chalutier dont le naufrage, dimanche dernier, a provoqué la mort de plus de 700 personnes. Depuis, des témoignages des survivants ont permis de savoir un peu mieux ce qui s'est passé lors du drame.

Selon des survivants du naufrage de dimanche dernier, deux passeurs somaliens faisaient partie de l'équipage et détenaient les clés des cales où étaient enfermés des centaines de passagers. Ils seraient morts pendant le naufrage. Le commandant du chalutier, un Tunisien qui était toujours armé d'un bâton et d'un pistolet, est accusé d'homicides involontaires, de naufrage involontaire, d'incitation à l'immigration clandestine et de séquestration de personnes.

Selon des témoignages, le commandant a laissé à plusieurs reprises son second, un Syrien, contacter par téléphone satellitaire leur organisation basée en Libye. A l'arrivée du cargo portugais dérouté par les gardes-côtes et venu secourir le chalutier, ce dernier, chargé bien au-delà de la limite du raisonnable, a chaviré. De mauvaises manœuvres du capitaine expliqueraient aussi la catastrophe. Avant de sombrer, il a heurté trois fois le cargo. Des témoins ont affirmé que le commandant du chalutier avait manœuvré comme s'il voulait prendre la fuite.

Avant d'inculper officiellement le commandant et le second du chalutier, le juge italien doit continuer ce samedi les interrogatoires des témoins, notamment sur les exactions commises par l'équipage avant l'embarquement.

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