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Italie

Mort de 800 migrants en Méditerranée: le parquet charge les passeurs

Le chiffre émane du Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) et de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) : le naufrage en Méditerranée, dans la nuit de samedi à dimanche 19 avril, d’un chalutier transportant des centaines de migrants, aurait causé la mort d'approximativement 800 personnes. Cette estimation est basée sur le témoignage recoupé des 28 survivants, tous arrivés à Catane, en Sicile. Il s'agit du drame le plus important de ce genre en Méditerranée. Concernant l'enquête, le parquet commence à livrer ses premiers éléments ; il charge les passeurs.

Des survivants du naufrage qui a causé la mort de 800 migrants arrivent au port de Catane, en Italie, le 20 avril 2015.
Des survivants du naufrage qui a causé la mort de 800 migrants arrivent au port de Catane, en Italie, le 20 avril 2015. REUTERS/Alessandro Bianchi
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Article mis à jour en fonction des dernières informations disponibles

Une foule de journalistes venus de toute l'Europe l'attendait. Le bâtiment des gardes-côtes italiens, le Gregoretti, est arrivé peu avant minuit lundi soir sur le port de Catane avec, à son bord, 27 rescapés du naufrage de dimanche. Le 28e et dernier survivant de ce drame a été évacué par hélicoptère vers un hôpital de la ville depuis les lieux du naufrage.

Tous sont arrivés à Catane éprouvés, fragiles et impressionnés de voir tant de monde sur le port. Certains ont évité la mort en s'accrochant aux corps qui flottaient autour du navire. Selon les récits des rescapés, les candidats à l’immigration étaient partis samedi matin de Tripoli. Ils venaient de Syrie, d'Erythrée, de Somalie, du Mali, ou encore du Sénégal et de Gambie. Des enfants âgés d’une dizaine d’années se trouvaient également à bord du navire.

Des habitants de Catane étaient également là, en petit nombre, relate notre envoyée spéciale dans le port, Juliette Gheerbrant. Certains criaient leur colère. « Le droit d’asile pour ne plus mourir », « ce massacre doit finir », scandaient une quinzaine de personnes. D’autres avaient apporté des fleurs pour les offrir aux rescapés mais les autorités ne les ont pas laissés passer.

Deux trafiquants arrêtés

Le bilan officiel fait état de 24 morts. Mais en recoupant les témoignages, le HCR et l'OIM ont finalement établi qu'il y avait approximativement 800 disparus. « De nombreux migrants, dont des femmes et des enfants, étaient enfermés dans les cales », a indiqué ce mardi la justice italienne, indiquant que leurs corps pourraient encore être prisonniers de l'épave. Selon le parquet de Catane, le chalutier a chaviré après une collision avec le cargo portugais venu le secourir.

Deux raisons à cela, selon le parquet : « D'une part, les fausses manœuvres décidées par le commandant du chalutier qui, dans la tentative d'aborder le cargo, a provoqué la collision avec ce bateau plus grand (...) D'autre part, la surcharge en passagers du chalutier, qui a été déséquilibré par ces fausses manœuvres et par le déplacement des migrants à bord. » Et de préciser que le cargo portugais, premier à intervenir après l'appel de détresse lancé par le chalutier dans la nuit de samedi à dimanche, « n'a en rien contribué » à ce drame.

Une procédure devait être engagée dès ce mardi pour placer en détention les deux passeurs interpellés. Les deux hommes, un Tunisien âgé de 27 ans aux commandes du chalutier, et un Syrien âgé de 25 ans, font partie du groupe des survivants, dont le reste des rescapés a été envoyé dans un centre de premier accueil à Mineo, près de Catane.

Deux nouveaux appels au secours

Avec le début du printemps, les naufrages se sont multipliés depuis une dizaine de jours. Lundi encore, trois personnes dont un enfant sont mortes près de l'île de Rhodes, en Grèce, quand un voilier a heurté des rochers. Quatre-vingt-treize des passagers ont toutefois pu être sauvés. De leur côté, les gardes-côtes turcs ont sauvé 30 migrants clandestins syriens, dont un enfant, qui se trouvaient à bord d'une embarcation en difficulté se dirigeant vers l'île grecque de Kos au départ de Bodrum (côte égéenne turque).

Ce lundi, le chef du Conseil italien Matteo Renzi a annoncé que deux nouvelles opérations de secours avaient été lancées. L’une des embarcations ciblées était un canot pneumatique avec 100 à 150 personnes à bord, l’autre un bateau sur lequel se trouvent environ 300 personnes. L’OIM estime de son côté que les gardes-côtes italiens n’ont pas les moyens d’agir, car ils sont déjà mobilisés par le naufrage de ce week-end. Ce sont sans doute des bâtiments commerciaux qui seront déroutés sur les zones concernées.

Un sommet extraordinaire de l'Union européenne

Ces tragédies à répétition feront l'objet d'un sommet extraordinaire de l'Union européenne jeudi 23 avril prochain. Parmi les mesures imaginées pour prévenir les drames, les ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur de l'Union européenne évoquent le doublement des moyens accordés à la mission de surveillance maritime Triton, qui pourra patrouiller dans une zone plus large et devra participer aux secours. Une autre mesure envisagée est l'arraisonnement et la destruction des bateaux utilisés par les trafiquants.

Mais même si les chefs d'Etat et de gouvernement européens parviennent à un accord, il faudra le feu vert de l'ONU. Et d'aucun pointe, à l'instar du ministre espagnol de l'Intérieur Jorge Fernandez Diaz, que « tant que la Libye sera un pays en déliquescence, il est clair que nous n’arriverons pas à trouver de solution à ce drame ».


• Augmentation du nombre d’enfants seuls parmi les migrants

Alors que les naufrages et les sauvetages se multiplient, les enfants sont de plus en plus nombreux parmi les migrants. Le nombre d'adolescents non accompagnés augmente également. Giovanna Di Benedetto, de l'ONG Save The Children, dénonce l’accueil inadapté que reçoivent ces jeunes en situation de grande fragilité :

« La situation en termes d'accueil est assez critique. Surtout en ce qui concerne les mineurs non accompagnés qui sont particulièrement vulnérables à cause de leur âge, du terrible voyage qu'ils ont affronté et de leurs blessures physiques et psychologiques. Ils auraient besoin d'un accueil adapté. Or, ils sont souvent accueillis dans des centres de première urgence qui sont des structures improvisées, inadaptées, où ils ne devraient rester que quelques jours alors qu'ils y restent parfois des mois. Il faut que cette situation s'améliore. »

Et Giovanna Di Benedetto d'ajouter : « Depuis l'an dernier, on constate que c'est une tendance qui s'installe. Il y a toujours un certain nombre de mineurs à chaque débarquement, des mineurs accompagnés mais surtout des mineurs isolés, qui ont fait le voyage tout seul ou qui arrivent seuls au bout du voyage sur les côtes italiennes. » A l'instar de cette fillette de 12 ans qui s'est retrouvée seule après avoir perdu ses parents dans un naufrage de la semaine dernière.

→ Les drames de la Méditerranée restent à la Une de la presse africaine et française

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