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France

«La France va devoir trouver une solution pour utiliser ses Mistral»

La livraison des navires français Mistral à la Russie est suspendue jusqu’à nouvel ordre en raison de la crise ukrainienne qui se prolonge et du bras-de-fer avec le Kremlin. Vendus il y a trois ans à Moscou, ces deux bateaux de guerre restent donc sur les bras de François Hollande. Quel avenir se dessine pour ces bâtiments ? Nicolas Gros-Verheyde, journaliste, spécialiste des questions européennes et de Défense, livre son analyse.

Le porte-hélicoptères «Vladivostok», de type Mistral, que la France doit livrer à la Russie fin 2014, quitte le port de Saint-Nazaire pour un premier essai en mer, le 5 mars 2014.
Le porte-hélicoptères «Vladivostok», de type Mistral, que la France doit livrer à la Russie fin 2014, quitte le port de Saint-Nazaire pour un premier essai en mer, le 5 mars 2014. AFP PHOTO / FRANK PERRY
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RFI : La France peut-elle vendre ces Mistral à un autre pays que la Russie ?

Nicolas Gros-Verheyde : Je ne connais pas tous les termes du contrat et puis personne ne les connaît. Mais pour les vendre, il faudrait déjà que le contrat soit rompu. Pour l’instant, il est suspendu. Vous ne pouvez pas a priori vendre quelque chose ou un bien, et encore moins un matériel militaire qui est promis à un client qui a d’ailleurs déjà payé d’ailleurs une bonne partie du contrat. Donc ça me paraît déjà assez délicat dans un premier temps, même s’il y avait des fonds.

On est quand même obligé de se poser la question. On sait que la France a agi dans cette crise ukrainienne sous la pression des autres pays européens. Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas revendre nos Mistral à un autre pays européen ou à l’Union européenne?

Pour le revendre, il faudrait un acheteur et l’Union européenne n’est pas un acheteur, tout simplement. Il faut des projets, il faut de l’argent, il faut quelqu’un qui achète. La France a signé le contrat toute seule avec la Russie. L’Europe ne l’a pas obligée à signer. La France profite de ce contrat toute seule pour ses chantiers navals. Demander maintenant à l’Union européenne parce que ça se passe mal en Russie, de racheter le navire, c’est un peu comme si vous demandiez à une assurance tous risques de vous assurer, alors que vous n’avez pas payé un kopek.

Est-ce que ça pourrait être utile pour les Européens?

Ça peut être utile, mais à quel usage ? Le Mistral est quand même un gros bateau, il faut un équipage, il peut être utilisé pour l’aide humanitaire ou la protection civile. En général, l’Europe quand elle a besoin de faire convoyer du matériel humanitaire dans un pays, elle prend une compagnie privée ou alors des Etats-membres qui lui prêtent ces navires pour convoyer les matériels. L’Europe aujourd’hui, concrètement, n’a pas vraiment besoin de ces bateaux. Ce n’est pas comme si c’était des canadairs par exemple, pour éteindre ces feux de forêt, où là il y a un réel besoin. Donc le besoin n’existe pas automatiquement.

Si on ne veut pas le vendre, en tout cas pour l’instant, à la Russie, est-ce qu’on ne pourrait pas le garder pour notre propre armée, pour l’armée française?

A condition effectivement, que le contrat le permette. Ça peut être une option. En fait, tout dépendra de l’accord qui est trouvé ensuite avec les Russes pour la période intermédiaire. Et cette période intermédiaire, sauf bouleversement stratégique, risque de durer plus que quelques semaines. Tel qu’on est parti en Ukraine, on est plutôt sur une situation qui va s’ankyloser pendant des mois et des mois. Donc il va falloir à terme trouver une solution qui ne soit pas juste une suspension jusqu’à nouvel ordre, mais réutilisation du navire, mise en place qui puisse effectuer certaines missions, au moins qui puisse être utilisé, qu’il ne rouille pas à quai pendant un, deux, trois, quatre ans.

Justement, ces deux Mistral, le Vladivostok et le Sebastopol, sont pour l’instant dans le port de Saint-Nazaire, déjà très encombré. Qu’est-ce qu’on fait en attendant?

C’est toute la question. Il va falloir toute l’ingéniosité des responsables pour trouver une solution qui puisse permettre de les utiliser. Mais encore faut-il l’accord de Moscou. Donc on pourrait très bien, par exemple, plutôt le mettre à disposition d’opérations des Nations unies. Je dirais que c’est plus acceptable par la Russie dans des missions convenues d'avance. C’est une sorte d’usage un peu collectif qui fait que le navire n’appartient pas tout à fait aux Russes, mais le contrat n’est pas tout à fait rompu.

Il faut bien voir que de toute façon ce n’était quand même pas l’objectif des Russes, parce que se doter de ce navire était aussi se doter de la capacité. C’est ça qui va poser problème ! C’est se doter de la capacité de construire deux autres navires. Parce que le contrat, si mes souvenirs sont bons, comporte deux navires fabriqués à Saint-Nazaire et deux fabriqués dans les chantiers russes avec échange de technologies. Et donc qu’est-ce qui va se passer à ce niveau-là ?

Concernant les stagiaires russes qui sont toujours à Saint-Nazaire, ils dorment sur un autre bateau et attendent la suite des événements. Qu’est-ce qu’on fait d’eux?

La question est de savoir s’il va falloir les renvoyer chez eux ou pas. Et là on passe de la suspension jusqu’à nouvel ordre à une simili rupture, avec des indemnités qui vont devoir être payées par la France et par les industriels pour non-livraison ou non-exécution du délai. Parce que pour l’instant, ce n’est pas que la France ne livre pas le navire, c’est qu’elle ne le livre pas dans les délais. Donc c’est toute la problématique des contrats, je dirais de défense, passés par un Etat membre. La France a fini toute seule, elle doit l’assumer toute seule et négocier avec Moscou une solution amiable entre les deux.

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