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Le grand invité Afrique

En Libye, «la violation de l’embargo contre les armes par Haftar n’est jamais dénoncée»

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Dans un communiqué publié ce mardi 7 janvier, plusieurs capitales européennes (Londres, Paris, Berlin et Rome) ont condamné « les ingérences extérieures » dans la crise libyenne. Interrogé un peu plus tard dans la journée, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell a précisé le sens de ce communiqué, condamnant « l'ingérence de la Turquie » dans le conflit. Les jeux d'alliance qui se sont noués en Libye vont pourtant bien au-delà de l'implication turque aux côtés du Premier ministre Fayez el-Sarraj. De nombreux alliés entourent également son adversaire, le maréchal Khalifa Haftar, parmi lesquels les Émirats Arabes Unis. Jalel Harchaoui, chercheur au Clingendael Institute, aux Pays-Bas, nous explique de quelle manière les Émirats soutenaient le maréchal Haftar.

Ahmad al-Mesmari, porte-parole des forces de Haftar, s'adressant aux médias, dans la ville de Benghazi, dans l'est de la Libye, annonçant la prise de Syrte, le 6 janvier 2020.
Ahmad al-Mesmari, porte-parole des forces de Haftar, s'adressant aux médias, dans la ville de Benghazi, dans l'est de la Libye, annonçant la prise de Syrte, le 6 janvier 2020. Abdullah DOMA / AFP
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RFI : On parle beaucoup d’interférence étrangère dans le conflit libyen, mais jusqu’ici, le projecteur a plutôt été mis sur le soutien turc au gouvernement de Fayez el-Sarraj. Le camp de Khalifa Haftar bénéficie lui aussi, de soutiens et notamment celui des Émirats arabes unis.

Jalel Harchaoui : Oui, depuis le premier jour de la campagne militaire, opération Dignité, qui a été lancée par le maréchal Haftar à la mi-mai 2014, il y avait déjà une composante étrangère. Cette idée de venir depuis l’étranger, armer, financer, soutenir politiquement le maréchal Haftar, c’est une idée égyptienne et saoudienne. Et au bout de quelques mois, les Émiratis ont compris que c’était effectivement une idée qui pouvait être viable et ont commencé à soutenir le maréchal Haftar, même si cela avait commencé avec un certain scepticisme dans les premières semaines. Et c’est évidemment la décision des Émiratis qui a réellement donné une autre dimension à cette campagne.

Quelle est la nature du soutien émirati ? Que fournissent les Émirats arabes unis au camp Haftar ?

Ils fournissent surtout une protection diplomatique par rapport au fait de venir violer systématiquement et de manière tout à fait grossière la loi internationale, c’est-à-dire l’embargo de l’ONU contre les armes. Quand les violations se font au profit du maréchal Haftar, il y a toute la diplomatie émiratie qui est mise en branle et effectivement on a la certitude que Washington n’abordera jamais le sujet, que Paris n’abordera jamais le sujet et ainsi de suite. C’est en partie pour cela que le Conseil de sécurité de l’ONU n’aborde jamais spécifiquement les violations de l’embargo contre les armes qui favorisent le maréchal Haftar.

Alors que le panel d’experts de l’ONU sur la Libye affirme bien que des drones de combat, par exemple, ont été fournis par les Émirats à Haftar.

Oui, les drones émiratis ont déjà commencé à être utilisés bien avant la bataille de Tripoli qui a démarré le 4 avril. Les drones émiratis ont été utilisés, par exemple, pour la bataille de Derna, qui a commencé en mai-juin 2018. Ce qui est très intéressant, c’est que les Émirats arabes unis ont commencé la construction d’une base aérienne à eux. Ce n’est pas une base aérienne libyenne. Elle est située en Libye à environ 100 kilomètres au sud de Benghazi. La base a été inaugurée en juin 2016, elle a été rapportée par le panel des experts de l’ONU. Elle est entièrement illégale, elle vient en violation, en contravention de l’embargo contre les armes et les drones qui sont utilisés sont utilisés absolument tous les jours.

Dans ce jeu d’alliances autour du maréchal Khalifa Haftar, quelle est la place qu’occupe l’Égypte et qu’occupe également la Jordanie ?

Elle n’est pas très importante. Ce ne sont pas des pays qui dépensent beaucoup d’argent. Par exemple, l’Égypte n’est pas du tout dépensière. Elle ne se considère pas comme étant la tirelire du maréchal Haftar. Il y a surtout le fait de donner accès à la partie occidentale de l’Égypte. Par exemple, pour un certain nombre de traversées illégales de la frontière vis-à-vis de l’embargo des armes, le fait que, si les Russes, par exemple, veulent installer des drones de surveillance, ils peuvent les faire partir de la zone juste à l’est de la frontière entre la Libye et l’Égypte.

►À lire aussi : Libye : la diplomatie guerrière du général Haftar

La Jordanie fournit tout de même du matériel ?

La Jordanie fabrique des véhicules qu’elle a été très heureuse de vendre à l’armée du maréchal Haftar. Elle fournit aussi une aide en termes de soins. Il arrive très fréquemment que les soldats ou les officiers blessés au front du côté du maréchal Haftar soient soignés en Jordanie. Il y a aussi cette idée qu’Amman est une espèce de hub pour les élites qui sont plutôt du côté du maréchal Haftar et qui, en tout cas, sont contre les Frères musulmans.

On parle beaucoup de mercenaires syriens qui seraient aux côtés de Fayez el-Sarraj. Est-ce que, du côté du maréchal Haftar, on a également une présence de mercenaires étrangers ?

Oui, dans l’ensemble, il y a plus de 3 000 Soudanais qui agissent en tant que mercenaires en Libye, la majorité étant du côté du maréchal Haftar. Et on pourrait dire qu’il y a aussi des milliers de mercenaires tchadiens. Début septembre 2019, pour la première fois, il y a des mercenaires russes qui sont devenus visibles sur les faubourgs de Tripoli. Le fait de voir arriver des mercenaires extrêmement expérimentés, avec des techniques meurtrières très poussées, avec du matériel très sophistiqué, cela a fait une différence. C’est dans ce contexte-là que le retour de l’aide turque s’est fait en novembre 2019. Donc c’est en réaction à l’agressivité du côté du maréchal Haftar. Je ne cherche pas à justifier l’agressivité turque, mais il faut bien comprendre le contexte.

►À écouter aussi : Décryptage - Les dessous de l’implication turque dans le conflit en Libye

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