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Si loin si proche

Le chemin de fer clandestin au Canada (3/3)

Publié le :

« Underground railroad », « chemin de fer clandestin »... Aux États-Unis, ces mots relèvent du mythe, fondateur presque. Mais en Europe, très peu le connaissent. Encore moins savent que le Canada a été au XIXème siècle, un terminus de ce chemin de fer, réseau secret abolitionniste de résistance et de fuite de milliers d’esclaves fugitifs vers le nord de l’Amérique.

Leslie Mc Curdy, artiste canadienne, devant le mémorial du chemin de fer clandestin de Windsor en Ontario. Sur ce monument, on retrouve les grands noms de ce réseau abolitionniste, dont l’ancêtre de Leslie, esclave fugitif qui a rejoint le Canada en 1842.
Leslie Mc Curdy, artiste canadienne, devant le mémorial du chemin de fer clandestin de Windsor en Ontario. Sur ce monument, on retrouve les grands noms de ce réseau abolitionniste, dont l’ancêtre de Leslie, esclave fugitif qui a rejoint le Canada en 1842. © RFI/Céline Develay-Mazurelle
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Terre de liberté pour ces « freedom seekers », qui fuyaient les plantations du Sud toujours plus au Nord, le Canada aurait accueilli, entre 1840 et 1860, près de 30 000 esclaves fugitifs venus des États-Unis. Là-bas, les personnes noires étaient libres, en droit de voter et d’acheter une terre. Ils étaient surtout plus en sécurité, à l’abri des chasseurs d’esclaves qui sillonnaient l’Amérique. Beaucoup d’entre eux se sont alors installés en Ontario, province canadienne anglophone, limitrophe des États-Unis.

En voyage en Ontario, on retrouve des figures mythiques du chemin de fer clandestin, à commencer par la célèbre « conductrice » Harriet Tubman. On la surnommait « la Moïse Noire » pour avoir guidé des centaines d’esclaves vers la liberté. On y croise aussi le grand Josiah Henson, un esclave du Kentucky qui a fui en 1830 avec toute sa famille jusqu’au Canada et dont l’histoire dans le Sud a inspiré « La case de l'oncle Tom », le fameux roman abolitionniste. Et puis, il y a toutes ces trajectoires singulières et émouvantes de héros anonymes qui, par leur seule fuite, ont fait voler en éclats le système esclavagiste.

Aujourd’hui, de Dresden à Windsor en passant par Buxton, Chatham ou la région de Niagara, les descendants de ces « freedom seekers » défendent la mémoire du chemin de fer à travers des musées et des sites historiques. Tous racontent l’héroïsme de leurs ancêtres, la complexité de ce réseau, composé de Noirs et d’abolitionnistes blancs qui aidaient les fugitifs en chemin, mais aussi la réalité de la présence noire en Ontario, et au Canada plus largement. Car, une fois libres au Canada, ces pionniers noirs ont connu le racisme et la ségrégation pendant des décennies. La lutte des droits civiques a également eu lieu dans cette partie de l’Amérique !

De nos jours, tous ces « enfants de l’Underground » portent cet héritage à bout de bras, plaident pour plus de vérité et de reconnaissance, et ce faisant interrogent le Canada, terre d’accueil.

Une série radiophonique en 3 épisodes de Céline Develay-Mazurelle et Laure Allary.
Épisode 1 : L’Underground, du mythe à la réalité
Épisode 2 : Terminus Canada : libres mais pas égaux
Épisode 3 : L’Underground, un héritage en partage

Pour préparer votre voyage sur la route du chemin de fer clandestin en Ontario :
- Le site de Destination Ontario recense les lieux de l’Underground dans la province.
- L’Ontario Heritage Trust revient sur l’histoire de la présence noire dans la province, de l’esclavage au XXe siècle en passant par le chemin de fer clandestin.
- La région de Chatham Kent a édité une brochure utile sur les différents lieux de mémoire du chemin de fer.
- L’encyclopédie canadienne propose de riches ressources sur le sujet. Sur les Noirs canadiens. Et sur le chemin de fer clandestin.
- Le musée virtuel du Canada, plus grande ressource numérique des musées du pays, offre une série de pages documentées sur « le voyage des Noirs vers la liberté au Canada ».
- La société d’histoire des Noirs de l’Ontario, présidé par Natasha Henry, concentre sur son site informations récentes et historiques sur les communautés africaines-canadiennes de la province.
- Des étudiants de Western University ont rassemblé de précieuses informations sur le chemin de fer clandestin au Canada.

À découvrir en Ontario :
- Le site historique de la Case de l’Oncle Tom tire son nom du fameux roman abolitionniste. C’est un point de départ idéal sur ce circuit. Situé à Dresden, ce musée permet de faire le point sur la réalité et les mythes qui entourent le chemin de fer. Surtout, il permet de mieux connaître la figure de Josiah Henson, leader de la communauté noire qu’il a contribué à fonder.
- Le «John Freeman Walls Historic Site» situé non loin de Windsor, propose une expérience sensible et singulière du chemin de fer, mené par Bryan Walls, descendant de John Freeman arrivé au Canada au XIXème siècle. Le décor est surprenant et la rencontre forte.
- Le « Niagara Bound Tours » de Lezlie Harper Wells permet de découvrir la région touristique de Niagara, hors des sentiers battus, à travers son histoire noire et au fil du chemin de fer clandestin. L’intarissable Lezlie est elle aussi, une descendante d’esclaves fugitifs arrivés au Canada au XIXe siècle.
- À Sainte Catherines, base arrière de la célèbre « conductrice » Harriet Tubman, la Salem Chapel offre un hommage émouvant à Harriet et à tous ces freedom seekers qu’elle a guidés vers la liberté. Un lieu historique hélas peu connu.
- Le « Buxton National Historic Site & Museum » est porté par une petite communauté encore très soudée, qui se rassemble autour d’un musée et d’une ancienne école. Ces lieux racontent la colonie noire modèle d’Elgin, fondée par un abolitionniste blanc et d’anciens esclaves venus des États-Unis. Ne manquez pas sur place les touchants passeurs de mémoire Shannon et Bryan Prince.
- À Chatham, jadis cité noire de l’Ontario, il faut aller au Chatham-Kent BlackHistorical Society and Black Mecca Museum. Dans ce petit musée, on comprend mieux la vie des communautés noires au XIXème siècle et les combats qu’elles ont menés ensuite au XXème siècle pour l’égalité. On croise des figures historiques fortes comme Mary-Ann Shad Cary, première femme noire à avoir fondé un journal en Amérique du Nord ou John Brown, abolitionniste blanc qui avait fomenté « l’attentat » de Harpers Ferry pour mettre un terme à l’esclavage aux États-Unis. Dorothy Wallace, petite femme de plus de 76 ans est la voix puissante de ce musée pas comme les autres.
- Sur les rives de la rivière Détroit, à Windsor, juste en face des États-Unis, une tour de la liberté vient honorer la mémoire du chemin de fer clandestin et des « freedom seekers » qui traversaient la rivière pour trouver la liberté.
- À Windsor, il faut aller à l’incontournable Sandwich First Baptist Church, construite par d’anciens esclaves et terminus du chemin de fer où les nouveaux arrivants trouvaient refuge. Les lieux historiques sont portés par une petite communauté noire, parmi les plus anciennes du Canada. Demandez sur place Lana Talbot.
- Non loin de Windsor, l’Amherstburg Freedom Museum rappelle aussi l’histoire du chemin de fer et de ces fugitifs installés dans cette ville du Canada.

À lire :
« The Underground railroad. Next stop Toronto » par Afua Cooper et Karolyn Smardz Frost. Éditions Natural Heritage Books. 2002.
L’ouvrage de référence sur le chemin de fer clandestin au Canada par deux historiennes de renom. En anglais.
- « The Hanging of Angelique », d’Afua Cooper. Éditions Harper Perennia. 2006.
L’historienne et poétesse, spécialiste de la question noire au Canada revient sur la figure et l’histoire d’Angélique, esclave pendue à Montréal au XVIIIè siècle. En anglais.
- « Underground Railroad » de Colston Whitehead. Éditions Albin Michel. 2017.
Un roman américain multi-primé qui file la métaphore du train jusqu’au bout. Puissant et inoubliable. Traduit en français.
- « The Underground Railroad Records », de William Still. Éditions Modern Library. Réédité en 2019 avec une préface de Ta-Nehesi Coates.
William Still est consacré père du chemin de fer. Historien abolitionniste et militant actif du réseau, ce Noir libre a accueilli de nombreux fugitifs et a publié un recueil de lettres et témoignages qui attestent de la réalité et la force du réseau. En anglais.
- «A Shadow on the household» de Bryan Prince. Éditions McClelland & Stewart. 2010.
L’histoire incroyable de la famille Weems qui a fui l’esclavage vers le Canada. Une histoire vraie exhumée par l’historien canadien et storyteller Bryan Prince.

À voir :
- Les spectacles de Leslie Mc Curdy, artiste-activiste et descendante d’esclaves fugitifs. Sa famille s’inscrit dans une longue lignée de lutte des droits civiques au Canada. Depuis des années, Leslie incarne Harriet Tubman dans son spectacle « L’esprit d’Harriet Tubman » et tourne un peu partout dans la région, au Canada comme aux États-Unis.
- La série américaine « Underground » sortie en 2016 aux États-Unis et diffusée également au Canada.
- Une biopic hollywoodienne sur Harriet Tubman est sortie aux États-Unis en novembre 2019. Elle est prévue en France en 2020.

À écouter :
- « Swing Low, swing Charriot », « Steal Away » et tous les gospels historiques qui servaient de messages codés pour les fugitifs qui prenaient la direction du Nord.
Plus d’infos sur le site américain de la Library of Congress.

 

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