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Le grand invité Afrique

Biens mal acquis: «C'est une question de justice internationale»

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Un rapport sur la confiscation des avoirs criminels a été remis cette semaine à la garde des Sceaux. Les parlementaires y préconisent la mise en place d'un dispositif spécifique de restitution des biens mal acquis aux populations des pays d'origine. Le député LREM Laurent Saint-Martin, un des auteurs du rapport, est notre invité ce matin.

Biens mal acquis: le députés Laurent Saint-Martin (LaREM du Val-de-Marne) est l'un des auteurs du rapport parlementaire remis à la garde des Sceaux.
Biens mal acquis: le députés Laurent Saint-Martin (LaREM du Val-de-Marne) est l'un des auteurs du rapport parlementaire remis à la garde des Sceaux. © RFI
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RFI : Pouvez-vous d’abord nous présenter brièvement le dispositif de restitution des biens mal acquis que vous préconisez ?

Laurent Saint-Martin : L’objectif est de rendre les sommes qui ont été confisquées, suite au jugement des biens mal acquis, aux populations d’origine des pays concernés par la corruption internationale. Nous voulons faire bénéficier les populations des pays d’origine, alors qu’aujourd’hui l’argent confisqué va directement dans le budget général de l’État français. C’est une question de justice internationale.

Plusieurs acteurs vont entrer en jeu. L’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués en France (AGRASC), va statuer sur : « Est-ce que c’est un bien mal acquis ou pas ? Est-ce que nous pouvons considérer l’infraction comme étant de recel et blanchiment ? » Et donc, qu'elle doit être restituée au pays d’origine.

Et après, va entrer dans la danse le ministère des Affaires étrangères français, évidemment, qui devra passer par une phase de diplomatie avec les pays d’origine. Puis, nous souhaitons que l’Agence française de développement (AFD), par son expertise, par sa connaissance du financement de projets de développement, puisse exécuter cette demande, à la fois de l’AGRASC et du ministère.

L’argent va transiter via l’AFD par une ligne budgétaire séparée. Mais pourquoi ne pas avoir choisi un organisme avec une gouvernance autonome ?

Nous ne voulons pas créer un nouveau bidule au sein de l’État français. Nous voulons utiliser ceux qui savent faire. L’Agence française de développement finance déjà des projets de développement dans les pays souvent concernés par la corruption internationale et donc nous allons utiliser leur savoir-faire et nous renforcerons leurs moyens pour qu’ils puissent assurer cette mission.

Votre rapport ne détaille pas vraiment les modalités de sélection des organismes qui recevront ces fonds. Est-ce qu’ils iront à des projets déjà financés par l’AFD ou à des projets spécifiques ?

Nous souhaitons que ce soient de nouveaux projets. Mais qui dit nouveaux moyens doit dire nouveaux projets. Nous voulons renforcer l’action de l’Agence française de développement dans ces pays. Mais il n’y a pas que l’Agence française de développement. Nous ne nous interdisons pas d’appeler d’autres organismes directement auprès du ministère des Affaires étrangères. Quant à savoir avec qui l’AFD va travailler sur le terrain, je crois que la réponse est dans les faits aujourd’hui, déjà satisfaite.

Il y a beaucoup d’ONG, beaucoup d’organismes, qui sont déjà en coopération avec notre agence française. S’il n’y a pas, soit, suffisamment de connaissance de la part de l’AFD du pays concerné, ou s’il n’y a pas de tiers de confiance dans le pays d’origine, il ne faut pas s’interdire de faire appel à des organismes internationaux, à des banques régionales de développement, qui elles, sont directement présentes dans le pays et dans le financement de projets, pour s’assurer de la bonne circulation de l’argent rendu.

Il faudra peut-être donner – et cela, nous le verrons avec le ministère des Affaires étrangères – des priorités. Je pense, par exemple, à l’éducation à la santé, qui peuvent être des champs d’action prioritaire dans un certain nombre de pays. Mais cela peut aussi être des projets de coopération internationale et de développement économique, qui sont - on le sait indirectement -, de vrais projets d’appui aux populations.

Pour une vraie efficacité, pour de réelles transparences, pourquoi ne pas avoir choisi d’inclure, par exemple, la société civile locale dans le choix des projets concernés ?

Nous ne pouvons pas faire un système générique, puisque chaque dossier est différent et chaque pays a sa particularité. Donc c’est bien au ministère des Affaires étrangères de designer le modèle de restitution. Et s’il doit y avoir - et je le souhaite -, le concours de la société civile pour pouvoir, justement, mieux s’assurer de l’impact sociétal de cette redistribution, alors c’est parfait. Il y a des pays où, ce sera facilement exécutable et d’autres où il faudra passer par des intermédiaires.

Est-ce qu’en confiant ces fonds à l’AFD, il n’y a pas un risque de confusion avec l’aide au développement ? Est-ce que vous ne craignez pas d’être accusé finalement d’utiliser des fonds qui reviennent de droit, vous le disiez, aux populations, comme un moyen de renforcer l’influence française ?

Vous savez, aujourd’hui, l’argent qui est confisqué sert à désendetter la France. Donc cela ne peut qu’être mieux dans la restitution des pays d’origine. L’Agence française de développement est efficace. Elle finance des projets qui changent concrètement la vie de citoyens d’un certain nombre de pays dans le monde. Donc je crois que c’est ce qu’il y a de plus efficace. Le risque serait de rendre l’argent aux pays tiers, sans forcément s’assurer que derrière il y a un suivi efficace dans le financement de projets à destination des populations locales. Et c’est bien cela notre priorité. Ce n’est pas une question d’influence de la France, puisque de toute façon, à l’échelle de l’aide au développement, nous parlons de sommes qui restent marginales. Mais c’est plutôt, être efficace, bien cibler les populations bénéficiaires et s’assurer que la tuyauterie - les organismes qui s’en occupent -, sont fiables

Les biens confisqués qui sont confiés à l’AGRASC génèrent des intérêts. Est-ce que la restitution va porter uniquement sur la somme initiale ou est-ce qu’elle va porter également sur ces intérêts qui sont générés, le temps d’un processus judiciaire, qui est parfois long ?

La somme, c’est la somme des biens vendus. Quand vous avez un hôtel particulier, c’est bien le produit de la vente qui va devenir le montant utilisé pour financer les projets. Quand il y a de l’argent placé, ce qui est finalement assez rare dans le cas des biens mal acquis, il faudra s’assurer si les intérêts peuvent être effectivement rendus au pays, comme le capital. Mais ce n’est pas l’enjeu principal. L’enjeu principal, c’est bien de s’assurer que l’argent issu du produit de la vente, qui arrive finalement assez tard dans le processus qui produit assez peu d’intérêts, lui, soit bien rendu au pays d’origine.

► À lire aussi : Biens mal acquis: un rapport demande un mécanisme de restitution aux populations

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