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Le grand invité Afrique

RDC: «Je comprends la frustration des gens vis-à-vis de la Monusco»

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Lundi à Beni, dans l'est de la RDC, les manifestations contre les casques bleus de la Monusco ont causé la mort d'au moins quatre personnes. Jeannine Mabunda, présidente de l'Assemblée nationale congolaise, répond aux questions de Christophe Boisbouvier et Sonia Rolley.

Jeannine Mabunda, présidente de l'Assemblée nationale congolaise.
Jeannine Mabunda, présidente de l'Assemblée nationale congolaise. Assemblée Nationale/twitter.com
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RFI : À Beni et dans sa région, les tueries se multiplient. La population est exaspérée. Témoin, les dernières manifestations de ce lundi 25 novembre. Que peut faire l’État congolais ?

Jeanine Mabunda : Il est vrai que je peux comprendre la saturation des populations, parce que c’est un problème qui est persistant, qui a du mal à être résolu, mais il faut voir ce qui est fait. En ce qui concerne les FARDC [Forces armées de la RDC], il faut quand même préciser qu’à la demande d’ailleurs des populations de Beni représentées par leurs députés nationaux, le ministère de la Défense avait reçu il y a un mois environ tous les députés originaires de Beni, et cela avait donné lieu évidemment à des décisions et des correctifs comme le renforcement, le doublement de la présence des Forces armées de la République démocratique du Congo à Beni. On est passé de 11 000 soldats là-bas au double. De deux, il est vrai que les populations s’interrogent sur la collaboration entre les FARDC et la Monusco. Elles ont sans doute, et je ne dis pas que je les rejoins dans leur point de vue, nous avons une force de maintien de la paix qui est là depuis plus de 20 ans en RDC. Nous avons eu de bons progrès ensemble, mais aujourd’hui par rapport à la situation de Beni, si on rajoute aussi l’épidémie d’Ebola, il est quand même compréhensible que les populations soient frustrées vis-à-vis de la présence de la Monusco et sa capacité ou son incapacité d’action.

Les gens de Beni demandent à la Monusco de partir…

Si vous habitiez comme eux dans des villages où les familles sont égorgées de façon répétitive, la première fois vous faites confiance. La deuxième fois, vous dites : je donne le bénéfice du doute. La troisième fois, vous n’avez pas d’autre choix. Donc, je suis prudente dans ce que je dis. Mais je comprends parfaitement la frustration des populations face à un phénomène qui dure depuis plusieurs années.

Depuis 9 mois, votre coalition le Front commun pour le Congo (FCC), la plateforme pro-Kabila, et la coalition Cap pour le changement (Cach) de Félix Tshisekedi cohabitent. Mais c’est de plus en plus difficile, témoin la destruction des effigies [de part et d’autre]. Est-ce qu’on ne va pas vers la rupture ?

Non, je ne pense pas du tout. Il ne vous a pas échappé que les Congolais ont voté un président, anciennement issu de l’opposition, mais des représentants du peuple, issus de l’ancienne majorité ou de la structure politique du président sortant.

Scrutin très contesté, madame la présidente…

On peut polémiquer là-dessus. Mais enfin, ce que moi je constate aujourd’hui, c’est qu’il y a eu cette volonté des Congolais d’aller vers une solution pacifiée, une solution de compromis et une solution de consensus, et pas une solution clivante et confrontationnelle. Et par rapport à ça, je pense que oui, la cohabitation c’est un défi. On sait bien que ça ne va pas être facile. C’est comme un mariage, il y a des hauts et des bas, mais est-ce que c’est pour cela qu’on divorce ?

Félix Tshisededi a cette formule en parlant de vous, les FCC : « Il y a quelques mois, ces gens-là étaient nos adversaires, on ne va pas soudainement se faire des bisous sur la bouche ». Ce n’est pas vraiment un grand mariage…

Je crois qu’il l’a utilisée dans ses propres termes et ça l’engage. Mais moi, je me réfère à ce qu’il a dit à Berlin, où il a valorisé la coalition et la nécessité du vivre ensemble.

Et aux jeunes du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), votre ancien candidat Front commun pour le Congo (FCC), Ramazani Shadary, vient de déclarer : « Si on vous attaque, nous allons réciproquer ». Est-ce qu’il n’est pas allé trop loin dans la confrontation justement ?

Je crois que vous voulez citer le FCC, mais il faudrait, pour être équilibré, citer aussi certains propos tout aussi extrêmes que nous avons entendus dans d’autres partis. Mais mon propos n’est pas d’extraire des phrases isolées. Mon propos est de dire : je veux croire à la paix et on doit travailler ensemble pour que cette paix se fasse.

Vous dites qu’il y a des propos qui peuvent être virulents dans l’autre camp. J’imagine que vous faites allusion à votre propre vice-présent de l’Assemblée nationale, Jean Marc Kabund, qui a menacé de fouiner dans le passé des partisans de Joseph Kabila comme on fouine aujourd’hui dans le passé du clan dos Santos en Angola…

Moi, je n’ai pas cité le premier vice-président Kabund. Je ne voudrais pas le faire parce que c’est mon collègue avant tout, il est membre du bureau, et comme tel, il fait partie de mon équipe. Les propos des individus ne doivent pas occulter la volonté d’être ensemble, en équipe au niveau institutionnel. Alors oui, le premier vice-président Kabund a tenu certains propos, ça l’engage. Mais je n’ai pas l’impression d’avoir entendu ça relayé par le président Tshisekedi lors de ses prises de paroles sur la coalition. N’essayons pas de dramatiser. Essayons peut-être au contraire de construire. C’est quand même assez inédit finalement. C’est la première fois dans l’Afrique des Grands Lacs, qui est une Afrique des hommes forts, avec un système monolithique, où le président en fonction a généralement la majorité à l’Assemblée nationale, où généralement les transitions de pouvoir se font par la guerre. Elles ne se font pas par le recours aux urnes. Et le mauvais élève de la RDC, qui en 2016 était sujet à tous les soupçons, a montré finalement dans la région des Grands Lacs qu’il pouvait respecter sa Constitution de 2006, qui dit « pas plus de deux mandats », et qu’on pouvait passer le témoin à un successeur. Et chez nous, contrairement par exemple à l’Angola, et c’est un exemple purement factuel, c’est un président d’une sensibilité politique x, en l’occurrence le président sortant Joseph Kabila, qui transmet le témoin à un président issu de l’opposition. Moi, je pense que c’est une belle démonstration de début de respect de la démocratie. Et c’est là-dessus à mon avis qu’on doit capitaliser pour nous-mêmes, la RDC, mais aussi dans les Grands Lacs dits « des hommes forts ».

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