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La semaine de

Une question de responsabilité

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« Dans la lutte contre le terrorisme comme dans tous les autres domaines, c’est avant tout aux Africains de prendre en charge les dossiers relatifs à l’Afrique, quitte à solliciter la collaboration de leurs amis et partenaires stratégiques », a déclaré Mohamed El Hacen Ould Lebatt au micro de Pierre Firtion.

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. Claudia Mimifir
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Alexis Guilleux : Mohamed El Hacen Ould Lebatt, Conseiller principal stratégique du Président de la Commission de l’Union Africaine, était, hier, l’invité Afrique de RFI. Et vous suggérez aux Etats africains de s’en saisir comme un document de travail, pour reprendre le contrôle de leur destin. Qu’est qui vous a tant plu dans cette interview, recueillie par Pierre Firtion, en marge du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique ?

Le ton, le courage, la clarté du discours. Cette interview devrait, en effet, être réécoutée, sa retranscription lue et relue, et pas seulement par les dirigeants des pays frappés par ce terrorisme-là, par tous. Avant que cette calamité ne se répande sur la totalité du Golfe de Guinée. Les analyses, comme les propositions de l’ancien chef de la diplomatie mauritanienne peuvent être une source précieuse de réflexion, et même de solutions à ce fléau.

Les populations commençaient à désespérer sérieusement des dirigeants, trop préoccupés à ne pas déplaire… Parce que l’Afrique, même lorsqu’elle subit les conséquences des choix hasardeux de dirigeants occidentaux, doit quémander l’assistance, pour réparer le mal qui lui a été fait.

Certains faits devaient être soulignés, précisés ; ils l’ont été, sans ambigüité, grâce au franc-parler de El Hacen Ould Lebatt. Des rappels douloureux devaient être faits ; ils l’ont été, haut et clair.

Il n’empêche qu’au lendemain de chaque attaque djihadiste, les populations se réveillent dans la torpeur, les peuples se laissent de plus en plus gagner par la frayeur…

Justement. Et certains en viennent même à se demander si l’existence même des nations qu’ils constituent n’est pas menacée. Dans un tel contexte, il arrive un moment où l’on ne peut plus faire semblant de se donner un peu de contenance avec quelques discours patriotiques, l’éloge de la bravoure et de la détermination de la vaillante armée nationale… Un moment où seul un discours de vérité peut permettre à tous de retrouver le chemin de l’honneur. Et cette vérité doit s’adresser à tous, y compris à ceux qui croient qu’ils doivent penser à la place des peuples concernés. C’est ce qu’a osé le diplomate mauritanien. Il s’adresse aussi bien à ceux qui agissent qu’à tous ceux qui s’agitent, convaincus d’aider l’Afrique à se sortir du guêpier du terrorisme djihadiste, mais qui ne se rendent pas toujours compte de la part de confusion qu’ils rajoutent parfois à une donne déjà complexe.

Avec, tout de même, la délicatesse du diplomate qu’il demeure…

Il n’empêche. À mots à peine couverts, il supplie les « amis » de l’Afrique de cesser de multiplier les initiatives, pour les imposer aux peuples concernés. Ce qui manque, selon lui, c’est une vraie coordination de l’effort. « On ne travaille pas suffisamment ensemble. A l’échelle nationale, à l’échelle régionale et à l’échelle internationale », dit-il, avant de souligner qu’en dépit de la multiplicité des initiatives, l’engagement international en faveur des mécanismes nationaux et sous-régionaux de maintien de la paix et de lutte contre les nouvelles violences et contre le terrorisme reste déficitaire.

« Les populations, les acteurs de la société civile, les acteurs politiques, traditionnels, religieux, doivent être suffisamment informés, galvanisés pour les aider à s’orienter dans une direction de solidarité avec les efforts des Etats. Etats et sociétés doivent agir ensemble. États, sociétés civiles et communauté internationale doivent agir ensemble ». Que les dirigeants mettent véritablement en œuvre cette stratégie, et vous verrez que la lutte contre le terrorisme deviendra une affaire de tous et de chacun. Les djihadistes se sentiront alors à l’étroit.

Que penser de son appel à une structure intégrant tous les forums qui émergent ça et là.

Justement, parce qu'il y en a trop. Et cette atomisation des initiatives joue contre une réelle solidarité. Mais, tous savent aussi que les organisateurs de ces rendez-vous périodiques sont jaloux de leurs aires de réflexion et, surtout, des financements que cela permet de glaner, ici et là, et que les bailleurs de fonds s’empressent d’ajouter sur l’addition de leurs aides en faveur des populations concernées. Ce que dit Mohamed El Hacen Ould Lebatt, c’est qu’une pléthore de ces cercles de réflexion aboutit à un émiettement contre-productif. Surtout lorsque ces initiatives proviennent de l’extérieur, de gens et d’institutions qui, trop souvent, pensent savoir ce qui est bon pour les populations, mieux que les Africains eux-mêmes.

Ceux qui financent pourraient avoir le sentiment qu’on leur dénie le droit à la parole…

Peut-être. Mais, pour paraphraser Aimé Césaire dans sa fameuse lettre à Maurice Thorez, « les peuples africains sont riches d’énergie, de passion. Il ne leur manque ni vigueur, ni imagination. Mais toutes ces forces, cette énergie ne peuvent que s’étioler dans des organisations qui ne leur sont pas propres, faites pour eux, faites par eux et adaptées à des fins qu’eux seuls peuvent déterminer »…

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