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La semaine de

Franc CFA: l'impossible débat

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À force de répéter que la monnaie est un sujet bien trop compliqué pour être laissée au grand public, ceux qui se prétendent défenseurs du franc CFA  ne risquent-ils pars de donner l'impression de manquer d'arguments pour convaincre et défendre leur position ?

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. RFI
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RFI : Plus que jamais, le devenir du franc CFA est au cœur du débat public, sur le continent. Mais comment expliquer que Patrice Talon, le chef de l’Etat béninois, ait été, de fait, « recadré » par un ancien cadre de la BCEAO, pour avoir évoqué la nécessité de rapatrier les réserves de change des pays de la zone franc domiciliés dans les livres du Trésor français ?

Parce que, sous couvert de technicité, certains s’emploient systématiquement à dénier aux autres le droit d’émettre un avis sur une monnaie qui conditionne leur vie, conditionne le sous-développement de leur pays et, peut-être même, leur dénuement. Il va pourtant laisser les Africains s'exprimer, exprimer leurs angoisses, si l’on ne veut pas courir le risque de se retrouver avec une réforme approximative, qui néglige l’intérêt général. Il y a bien trop d’exemples qui illustrent le meilleur et le pire auxquels l’on peut parvenir, en suivant une voie autre que celle de la Zone franc. L'intérêt du débat est d'explorer toutes les pistes, de n'en négliger aucune.

Vous aurez remarqué que le technicien ou technocrate de la monnaie ne s’est pas contenté de recadrer le chef de l’État béninois. Il a aussi recadré le chef de l’État français, pour finir par proposer une piste qui revient précisément à donner le premier rôle à la France, donc au président de la France, à qui il demande d’organiser les concertations. Il va falloir aux uns et aux autres faire preuve d’humilité et d’honnêteté, pour espérer avancer un peu.

Patrice Talon suggère de rendre le contrôle de l’intégralité des réserves de change à la BCEAO (ou à ce qui tiendra lieu de banque centrale, à la place). Il n’est pas allé trop loin, pas plus que le chef de l’État ivoirien qui, au sortir d’une audience avec son homologue français, annonçait, il y a quelques semaines, de beaux jours pour le franc CFA, tel qu’il est. Les discours contradictoires de ceux qui s’estiment les mieux qualifiés ne font qu’embrouiller l’opinion.

Si le franc CFA est une si bonne affaire pour elle, pourquoi la France accepte-t-elle aussi facilement ce que le ministre français de l’Économie et des Finances appelle « une réforme ambitieuse » ?

Sans doute parce que l’impopularité que lui coûte cette monnaie est bien trop importante, par rapport aux bénéfices qu’elle en tire ou peut en tirer. Il y a déjà un moment que la France n’est plus la principale bénéficiaire des avantages supposés de cette monnaie. À l’origine, la Zone franc avait été conçue pour favoriser les transactions entre les pays africains concernés et les entreprises françaises. Et, surtout, pour faciliter le transfert (le rapatriement) de leurs bénéfices vers la métropole. Or, dans les faits, la parité fixe et la convertibilité du franc CFA profitent essentiellement, aujourd’hui, à la Chine, à quelques pays émergents et, accessoirement, à deux ou trois grands groupes français, héritières d’une certaine économie d’empire.

Emmanuel Macron rêve, lui, d’une autre économie, avec des start-up, des entreprises jeunes et dynamiques dans les  divers secteurs d’une économie moderne, prospérant, par exemple, dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Davantage que la plupart de ses prédécesseurs, nostalgiques de privilèges bâtis sur des liens historiques à ne perdre à aucun prix, il préférerait que son pays ait bonne réputation sur un continent qui, bon gré mal gré, comptera, et comptera beaucoup, demain, sur l’échiquier mondial.

Mais une réforme ambitieuse n’est pas pour autant la fin de la Zone franc…

Exactement ! On oublie trop souvent que dans le train de l’euro, l’Afrique est comme un passager clandestin, emmené par la France dans ses bagages. Concrètement, la Zone franc n’existe qu’indirectement, et sur le contingent de la France, en zone euro. La BCEAO n’est, par exemple, pas une interlocutrice de la Banque centrale européenne. Pas plus que la BEAC. C’est toujours la France, et pas la BCE qui garantit la convertibilité…

Cette garantie joue-t-elle vraiment ?

Jusque dans les premières années de la décennie 90, elle n’avait jamais joué, ou si peu. En 1993, la France était, pour la deuxième fois, en cohabitation. Et Jacques Chirac avait envoyé à Matignon son ami de trente ans, Edouard Balladur. Ce dernier, en rupture avec Chirac, l’Africain, a décidé que le Trésor français ne pouvait continuer à couvrir les défaillances de l’assuré Zone franc. Il envoya donc les pays de la Zone franc se faire imposer une dévaluation par le FMI. Un peu comme si, pendant vingt ans, vous aviez payé vos primes d’assurance, sans jamais avoir d’accident. Et que, pendant deux petites années, vous aviez deux ou trois sinistres, et que l’assureur en prenait prétexte pour vous imposer d’aller à pied quatre jours sur sept. En l’occurrence, ici, cela a consisté en une dévaluation de 50%.

Du coup, du jour au lendemain, la dette extérieure des Etats et des entreprises doublait. Air Afrique, qui s’était lourdement endettée pour acquérir des Airbus flambant neufs, mourra de ne pouvoir doubler ses tarifs pour honorer ses remboursements.

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