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Le grand invité Afrique

Usines de poissons en Afrique: «Les stocks vont être complètement décimés»

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Au Sénégal, l’Arctic Sunrise, le bateau de l’ONG Greenpeace a quitté Dakar ce samedi 14 septembre, après quelques jours d’escale. L’occasion pour l’organisation de défense de l’environnement de mettre l’accent sur les conséquences des usines de farines de poissons installées en Afrique de l’Ouest, au Sénégal, en Gambie, et surtout en Mauritanie. Dans son rapport intitulé « Poisson détourné », elle en dénombre une cinquantaine, et dénonce cette industrie qui, selon elle, menace la sécurité alimentaire de la région. Le docteur Ibrahima Cissé, responsable de la campagne « Océans » pour Greenpeace Afrique, est notre invité. RFI l’a rencontré à bord du brise-glace, qui poursuit désormais sa route vers l’Afrique du Sud, puis l’Antarctique.

Le brise-glace de l’ONG Greenpeace -l’Arctic Sunrise- à l'étape de Dakar. Dr.Ibrahima Cissé, responsable de la campagne « Océans » pour Greenpeace Afrique lance  une alerte sur les usines de farines de poisson en Afrique.
Le brise-glace de l’ONG Greenpeace -l’Arctic Sunrise- à l'étape de Dakar. Dr.Ibrahima Cissé, responsable de la campagne « Océans » pour Greenpeace Afrique lance une alerte sur les usines de farines de poisson en Afrique. RFI/Charlotte Idrac
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RFI : Quel est l’état des lieux aujourd’hui sur les usines de farines de poissons en Afrique de l’Ouest, au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie ?

Ibrahima Cissé : Notre rapport publié dernièrement donne la situation qui est assez critique. C’est pour cela que nous avons lancé cette alerte, pour dire qu’aujourd’hui, si ce rythme continue, les stocks vont être décimés complètement parce qu’on connait tous la voracité des usines de farines de poissons et que les stocks qu’on a en Afrique de l’Ouest ne peuvent pas, en tout cas, alimenter ces usines-là. Aujourd’hui, dans un contexte de changement climatique, de croissance démographique, d’emploi, de problème de pauvreté, de sécurité alimentaire, il n’est pas acceptable de prendre la sardinelle destinée à une population pour en faire de la farine pour nourrir des poissons de l’aquaculture et l’élevage en Europe, en Asie, un peu partout dans le monde.

Quelles espèces sont concernées ?

C’est les petits pélagiques, plus particulièrement les sardinelles, et l’ethmalose. La sardinelle plate est beaucoup plus prisée. Elle est moins grasse en générale donc plus apte à faire de la farine.

Ce sont les farines qui servent ensuite à nourrir d’autre poisson notamment ?

Oui c’est de la farine de poisson qui est très riche en protéine, donc qui sert à nourrir des poissons carnivores, des élevages de saumons, des élevages de l’aquaculture d’autres espèces parce que c’est un apport en protéine assez intéressant. En même temps, ils servent aussi d’ingrédient pour enrichir les autres animaux, des volailles, des bœufs, et même des chats et des porcs. Les éleveurs sont très friands de cette farine pour sa richesse en protéine.

Pourquoi est-ce que cela vous inquiète ? Quels sont les effets néfastes sur le terrain ?

C’est parce qu’il y a une forte dépendance de la communauté sur ces poissons. Les petit pélagiques sont les filets de sécurité alimentaire pour l’Afrique de l’Ouest. Pour une petite pirogue qui pêche, des milliers de personnes travaillent et vivent de cela. Quand une pirogue pêche, elle débarque, il y a des femmes qui transforment, des maris qui vendent, des femmes qui vendent dans les marchés, d’autres qui fument, qui sèchent donc c’est une activité qui est très élargie et qui concerne tous les gens. Même les pays non-côtiers bénéficient de cette activité-là, en terme d’emplois, de revenus, de sécurité alimentaire, donc aujourd’hui, toute cette chaine de valeur est brisée parce que le poisson est capté dès le départ par les usines de farines de poissons qui aujourd’hui sont en concurrence avec ces femmes parce qu'ils mettent un prix beaucoup plus alléchant, et finalement les femmes n’ont plus accès au poisson. Il suffit d’aller sur le site de transformation pour voir que c’est désert. Les heures de travail sont très réduites. Elles n’ont plus de poissons, et c’est visible, les sites de transformation sont à ciel ouvert au Sénégal donc vous verrez qu’aujourd’hui l’activité de transformation n’est plus ce qu’elle était.

Qu’est-ce que vous demandez concrètement ? D’arrêter ? De fermer ces usines ?

Oui, en fait, ces usines n’apportent pas grand-chose. D’autant plus que la plupart sont des démantèlement d’usines qui étaient ailleurs et qui sont revenus, et l'histoire a montré qu'à un moment, en Europe du Nord, quand ils ont fait les usines à un certain moment. Ils ont tous plié bagage parce qu’ils ont fini tous le stock donc c’est la même histoire qui est en train de se répéter ici. Quand les stocks vont finir, ils vont plier pour aller ailleurs. Ce sont des usines qui ne créent pas d’emplois. Une usine de prend pas plus de quatre personnes. Ils prennent les matières premières, ils empêchent les gens de travailler, ils tiennent la pollution environnementale, la pollution des eaux donc c’est vraiment un fléau aujourd’hui. Et les Etats gagnent plus à créer des emplois donc nous on pense qu’il faut d’abord geler tous les octrois de licence, c'est la première mesure. La deuxième mesure est d’arrêter le fonctionnement de ces usines. Maintenant ce qui est soutenable, Greenpeace nous soutient, parce que Greenpeace pense qu’aujourd’hui ce qui était traditionnellement transformé, c’était les ressources non destinées à la consommation humaine donc les arêtes de poissons, les déchets issus du filtrage ou des produits élaborés des usines. Ces déchets-là peuvent être transformés en farine de poisson parce qu’ils ne sont pas consommables, mais prendre le poisson entier, 4 kilos le poisson, 4 à 5 kilos le poisson frais, sardinelle par exemple, pour en faire un kilo de farine de poissons pour aller nourrir de la volaille, et il en faut une vingtaine de kilos pour avoir la taille espérée, quand même c’est quelque chose qui n’est pas raisonnable et qui ne contribue en rien à aider les pays sous-développés et nous pensons que même les pays développés européens et asiatiques partenaires qui aujourd’hui soutiennent nos Etats pour lutter contre la malnutrition, pour la sécurité alimentaire, appui budgétaire et autres, ces pays-là doivent comprendre que cette politique de farine de poisson est contradictoire à ces efforts qui sont fait pour aider ces pays à émerger.

Qu’est-ce que vous avez comme réponse de la part des autorités du Sénégal notamment ?

Le conseil technique du ministre de la Pêche dit clairement que le ministre est en train de faire des consultations et qu’il compte inviter les acteurs à un dialogue pour parler de ce problème. C’est quelque chose que nous saluons et nous espérons que ce dialogue va aboutir à des mesures concrètes qui vont permettre en tout cas de suspendre et d’arrêter les usines de farines de poissons au Sénégal et que les autres pays vont suivre aussi.

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