Accéder au contenu principal
Le grand invité Afrique

En Tunisie, «il y a le sentiment qu’il faudrait un système plus efficace»

Publié le :

La campagne électorale est terminée. Les Tunisiens votent le 15 septembre pour le premier tour de la présidentielle anticipée, la deuxième au suffrage universel depuis la « révolution de jasmin » de 2011. Plus de 7 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour départager les 26 candidats en lice. Quelles sont leurs attentes ? Quelle est la situation de la Tunisie huit ans après la révolution ? Michael Ayari, chercheur pour l'International Crisis Group, est notre invité.

Des Tunisiennes passent devant des affiches électorales le 9 septembre 2019, quelques jours avant l'élection présidentielle qui doit se tenir le 15 septembre 2019.
Des Tunisiennes passent devant des affiches électorales le 9 septembre 2019, quelques jours avant l'élection présidentielle qui doit se tenir le 15 septembre 2019. FETHI BELAID / AFP
Publicité

RFI : Huit ans se sont écoulés depuis la révolution tunisienne. Les Tunisiens demandaient notamment à ce moment-là du travail et protestaient contre le coût de la vie. Cela fait-il toujours partie de leurs préoccupations ?

Michael Ayari : Oui, plus que jamais. Il y a eu quand même un certain appauvrissement des classes moyennes depuis 2011, et une inflation autour de 7% donc beaucoup de Tunisiens se plaignent de la cherté de la vie. En même temps, il y a eu une certaine dégradation aussi du service public, que ce soit l’éducation, la santé, les transports, ce qui fait que la vie quotidienne est de plus en plus difficile. Et il n’y a pas eu véritablement de changement notable au niveau du développement de l’intérieur du pays qui reste quand même très sous-développé par rapport à la côte et à la capitale. Il y a des classes moyennes quand même qui s’en sortent, mais globalement il n’y a pas eu de grande transformation. Par rapport aux potentialités du pays, il pourrait beaucoup mieux faire. Les Tunisiens en sont tout à fait conscients.

Un sujet a dominé l’actualité tunisienne ces dernières années : la sécurité, le terrorisme. L’état d’urgence est toujours en vigueur. Est-ce aussi une préoccupation des Tunisiens ?

En ce moment, cette question curieusement n’est pas très soulevée. Les Tunisiens parlent beaucoup de sécurité, mais par rapport à un sentiment d’une augmentation de la petite criminalité, beaucoup plus que la crainte de regain du terrorisme, ce qui se sent c’est que le jihadisme en règle générale est en perte de vitesse, à toute l’échelle régionale. Il ne fait plus rêver les jeunes désœuvrés, qui trouvaient une cause à défendre en s’y engagent mais il y a quand même le sentiment d'une augmentation de la criminalité. Le tissu social est quand même un peu atteint. Le sentiment d’insécurité ne reflète pas forcement une insécurité réelle, mais aussi des difficultés à se positionner par rapport à l’avenir et tout cela aussi est relié à l’économie en fin de compte.

De quoi parle-t-on avec la « petite criminalité » ?

Cela va des incivilités aux vols. Il y a des petits vols en bande organisée. Vous voyez des gens qui sont plus à cran. Ce sont des choses qu’il n’y avait pas avant.  Les gens sont tendus parce qu’il y a quand même une pression financière importante. Beaucoup n’arrivent pas à joindre les deux bouts donc il y a des relations qui se tendent. On n’est pas au Mexique ni au Honduras, mais il y a quand même dans les quartiers même populaires, dans les zones périurbaines, au centre-ville, de plus en plus d’incivilités de ce type. On n’a pas une augmentation drastique de meurtre ou de braquage à main armée, mais une petite criminalité en augmentation.

La Tunisie est souvent décrite comme un modèle parmi les pays des printemps arabes. Vous diriez que la démocratie se porte plutôt bien ?

Je ne veux pas être trop pessimiste parce qu'on pourrait dire qu’elle se porte mal partout dans le monde. Ce n’est pas une spécificité en Tunisie, mais c’est vrai que cela ne nous fait pas rêver. En 2011, il y avait quand même un consensus important sur la démocratie. Le pays sortait d’un régime autoritaire et étouffant. Mais ce n’est plus trop le cas parce que les gens ont quand même mesuré la démocratie finalement au montant de leurs fiches de paies, et de facto il n’y a pas eu d’amélioration de leur vie quotidienne. De plus, la démocratie telle qu’elle s’entend en Tunisie, est vectrice de ralentissement de la prise de décision. L'exécutif n'est plus fort comme à l’époque. Il se trouve contre-balancé par les contre-pouvoirs. Pour beaucoup c’est du temps perdu. On a quand même un système, une administration habituée à recevoir des impulsions par le haut, ce qui ralentit considérablement l’action publique, et vous avez de facto une corruption qui s’est développée, une corruption décentralisée, qui fait que beaucoup de choses sont bloquées. Donc il y a le sentiment qu’il faudrait un système ou un régime quand même plus efficace et qu’il faut relever des défis énormes, sur le plan sécuritaire même si cela s’est amélioré, et sur le plan économique surtout.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.