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Chronique des droits de l'homme

Colombie: Clemencia Carabalí, prix des droits de l’Homme, menacée dans le Cauca

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En Colombie, des membres de l'ancienne guérilla des Farc qui avaient disparu dans la nature sont réapparus dans une vidéo fin août, armés et en tenue de camouflage, annonçant que les Farc se reconstituaient cette fois pour combattre la corruption, pour une Colombie meilleure. Une annonce qui a fait l'effet d'une douche froide. Ceux qui se sont démobilisés ont dénoncé cette reprise des armes, et le gouvernement a déjà lancé des opérations pour les écraser. La violence, qui est remontée d'un cran, n'avait pas totalement disparu et les défenseurs des droits de l'Homme en sont les premières victimes. Clemencia Carabali est lauréate du prix des droits de l'Homme de Colombie octroyé cette semaine. Elle défend les droits des femmes afro-colombiennes dans la région du Cauca, très affectée par les conflits. Véronique Gaymard a pu la joindre par téléphone.

Clemencia Carabalí, presidente de l’ASOM (Association des femmes afro-colombiennes du Nord-Cauca) a reçu le prix « défenseur droits de l’Homme Colombie » cette semaine.
Clemencia Carabalí, presidente de l’ASOM (Association des femmes afro-colombiennes du Nord-Cauca) a reçu le prix « défenseur droits de l’Homme Colombie » cette semaine. @Darwin Torres
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Clemencia Carabalí est une survivante et une défenseure reconnue des droits des femmes afro-colombiennes. Cela fait plus de vingt-deux ans qu’elle y consacre sa vie dans sa région du Nord-Cauca au sud-ouest du pays, où plusieurs groupes armés sont réapparus depuis la signature des accords de paix en 2016.

« On lutte pour la défense de nos terres, de l’eau, pour la défense des droits des femmes violentées par le conflit armé dans le pays et en particulier dans notre région du Nord-Cauca. On a beaucoup souffert des déplacements forcés, on a été victimes de violences sexuelles, on a été dépossédés de nos terres, notre environnement a été pollué et on a subi des massacres et des assassinats ciblés».

Le fer de lance de l’association des 220 femmes afro-colombiennes du Nord-Cauca que dirige Clemencia Carabalí depuis 1997, c’est le combat contre la discrimination des noirs et des femmes en Colombie.

« En Colombie, on vit ces discriminations encore de façon très violente. Nous les communautés afro-colombiennes, nous vivons souvent dans des zones très riches en ressources naturelles, mais dont la population est totalement délaissée. On est stigmatisées. On nous met des barrières parce que nous sommes des femmes, mais aussi parce que nous sommes noires et pauvres. Donc nous menons un combat sur ces trois fronts. Heureusement nous pouvons compter sur notre collectif qui se renforce de jour en jour, c’est une lutte que nous menons toutes ensemble .»

Clemencia Carabalí a déjà dû quitter la Colombie en 2000, au plus fort des violences, à cause de groupes paramilitaires. Elle avait laissé sa famille derrière elle, et ne veut pas avoir à revivre cet exil forcé.

« J’ai déjà été menacée à neuf occasions, et j’ai subi un attentat à la grenade le 4 mai dernier. Et puis il y a plusieurs années en plein conflit sur notre territoire, j’ai perdu mon bébé, à cause de ces violences. Ma colère me nourrit pour tenter de changer les choses

RFI : Quelles sont les dernières menaces que vous avez reçues ?

« Je reçois des menaces par courrier, ou sur mon téléphone portable, c’est le plus courant, sinon ils envoient des gens pour nous passer ces messages. Le dernier message sur mon téléphone disait que l’attentat du 4 mai n’était que le début… Ils mentionnaient mon nom et celui de 5 autres personnes, ils disaient qu’on devait arrêter nos activités, que leur plan n’était pas terminé.  Et puis le message précédent disait que j’avais 72 heures pour quitter le territoire, sinon j’étais une femme morte. C’est ce genre de message

C’est aussi le courage de Clemencia Carabalí et de son association des Afro-Colombiennes du Nord-Cauca qui a été récompensé mercredi par le Prix du défenseur des droits de l’Homme de Colombie. Lors de la cérémonie mercredi à Bogota, les participants ont d’abord observé une minute de silence en hommage aux 460 défenseurs des droits de l'Homme assassinés depuis la signature des accords de paix en 2016.

Pour Clemencia Carabalí, ce prix des droits de l’Homme constitue un soutien très important, il permettra de lui donner une plus grande visibilité.

« Nous recevons ce prix à un moment où la situation dans le Cauca est très violente. Le calendrier politique avec les élections locales dans un mois nous rend tous plus vulnérables. Mais on doit continuer, dans la mesure du possible.
Personnellement, je bénéficie depuis plus d’un an d’une escorte de l’Unité de protection, car j’ai reçu des menaces très graves en juillet 2018. J’ai donc droit à un véhicule blindé et deux officiers pour ma protection. C’est comme ça que je me déplace sur le territoire.
Mes proches vivent tout cela avec beaucoup d’angoisse, mais ce sont mes plus grands soutiens. Ils sont inquiets, mais ils s’occupent surtout bien de moi
(rires) ».

Ce prix doit aider les Afro-Colombiennes du Nord-Cauca à rester en vie, nous dit Clemencia Carabali, pour que les groupes violents sachent qu'elles ne sont pas seules.

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