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Reportage international

Débarquement de Provence: 75 ans après, souvenirs de Cavalaire

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Il y a 75 ans, 450 000 hommes et femmes des armées américaines et françaises commençaient à débarquer sur les plages de Provence pour libérer la France du nazisme. Parmi eux, 225 000 tirailleurs sénégalais, algériens, goumiers et tabors marocains. Récit croisé d’une journée historique avec un témoin et le descendant d’un combattant.

Navires d’escorte de la Royal Navy au cours du débarquement de Provence en 1944 dans le sud de la France
Navires d’escorte de la Royal Navy au cours du débarquement de Provence en 1944 dans le sud de la France Wikimedia Commons- Hampton, J A (Lt), Royal Navy official photog
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C’est une jolie plage du sud de la France où l’on vient planter son parasol tôt le matin, et où les marchands de glace sont rois. Entre les serviettes colorées et les bouées, difficile d’imaginer les scènes historiques du débarquement du 15 août 1944.

Mais dans une maison sur les hauteurs, un homme se souvient. Raymond Defendente est natif de Cavalaire. Il était adolescent en 1944, et a patiemment attendu ce débarquement : le nonagénaire explique aujourd’hui qu’il s’y était même préparé : « Mon père était communiste, mes parents étaient franchement contre le Maréchal Pétain, et en douce, nous écoutions la radio de Londres. On savait donc toutes les vérités qui se passaient et surtout les mensonges que propageaient les médias de propagande de Vichy. Et Radio Londres avait aussi ceci de particulier qu’elle donnait des conseils, notamment sur ce qu’il fallait faire le jour où éventuellement les alliés débarqueraient sur nos côtes. Et le conseil important était de dire, surtout ne quittez pas votre maison, car il y aura sûrement des pillages. Ensuite, si vous avez un jardin, construisez un abri. Et voilà que moi, avec mes quatorze ans, je prends ça extrêmement au sérieux. Mon père se fichait de moi, mais j’ai pris ma pelle et ma pioche et au bout du jardin, dans la roche dure, j’ai construit un abri profond. »

Une nuit d'attente

C’est dans cette casemate de fortune que la nuit du 14 au 15 août, la famille Defendente se réfugie pendant ces longues heures où les obus pleuvent sur Cavalaire. « On était envahi de fumées de poussières, on a cru à un moment qu’on allait y rester », assure aujourd’hui l’ancien petit garçon.

Mais après huit heures, la famille sort de la terre pour retrouver leur village familier empreint d’une forte odeur de poudre, et en grande partie détruit par les obus. Avec son père, Raymond Defendente monte alors sur la colline qui surplombe le village de Cavalaire pour espérer apercevoir les opérations militaires, et le panorama qu’il aperçoit est une image irréelle : « La baie de Cavalaire, était totalement recouverte de bateaux, de toute sorte, et sur la plage il y avait des milliers d’engins qu’on ne connaissait pas, des Jeeps, des GMC, qui font des va-et-vient incessants, sans parler des chars d’assaut. On a découvert ça, et l’on est restés stupéfaits. »

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Mais rapidement, les réflexes d’un quotidien faits de privations de nourritures reviennent : « Mon papa était un braconnier, et pendant cette période-là, sur la colline, il installait des pièges à lapins. La veille de ce débarquement, il en avait installé six. Et après avoir regardé, ce spectacle extraordinaire, il me dit : “viens, on est là, on va en profiter pour voir les pièges”. Et chose extraordinaire, y’avait six pièges et six lapins dedans ! Habituellement, on en capturait un ou deux, mais ce jour-là, avec la panique des obus, les lapins ont dû courir de tous les côtés, et ce sont pris aux six pièges ! »   

Le débarquement de Mohammed Benkhedda

Ce jour-là, Raymond Defendente a peut-être croisé Mohammed Benkhedda, un Algérien de 23 ans à bord d’un des bateaux Liberty Ship qui s’apprête à débarquer, en plein ramadan, qu’il décide avec d’autres soldats de repousser.

Cette arrivée sur les côtes françaises qu’il ne connait pas est un moment qu’il a souvent racontée à son fils Rali, qui refait aujourd’hui le récit : « Il disait que, à l’intérieur de ce grand bateau avec des cordages pour descendre, ils stressaient quand même. Ils ne savaient pas où ils allaient, ni exactement ce qui les attendait. »

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À la fin de sa vie, l’ancien combattant a écrit cette histoire dans un texte au titre éloquent, Un parmi tant d’autres, où il rappelle l’importance des forces africaines présentes ce jour-là : « L’armée française était composée d’hommes et de femmes provenant de toutes les catégories sociales, sans distinction de race, ni de religion. Les soldats étaient originaires d’Algérie, Maroc, Tunisie et Sénégal. Il y avait également des pieds noirs et des Français venus de France. Ces braves soldats ont connu des pertes énormes lors des batailles. Que Dieu reçoive leurs âmes et rendons leur hommage en ne les oubliant pas. »

Marié avec une Allemande

Après avoir débarqué à Cavalaire, le régiment du soldat Benkhedda est remonté vers le Nord, jusqu’à l’Allemagne, où il rencontrera sa future femme, mais aussi des difficultés explique leur fils aujourd’hui : « Après la guerre, c’était très difficile, il y avait encore ce côté, tu vas te marier avec une Boche. Il a fait partie des cinq premiers soldats de l’armée française à pouvoir épouser une Allemande. Il a fallu faire toute une démarche avec des autorisations de tous les grades jusqu’au Général. »

Devenu ensuite père de famille trilingue, arabe-français-allemand, Mohammed Benkhedda est mort en 2018. À son enterrement, ces nombreuses médailles militaires étaient regroupées sur un coussin de velours rouge, et sur sa tombe au cimetière de Cavalaire, à côté de la croix catholique de sa femme, a été rajouté le croissant de l’islam.

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