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Le grand invité Afrique

Insécurité alimentaire en RDC: «La situation s'est grandement dégradée»

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Treize millions de personnes vivent dans une insécurité alimentaire extrême en République démocratique du Congo (RDC) et parmi eux, cinq millions sont des enfants, selon les Nations unies. À la faveur de la crise politique ces dernières années, avec la résurgence de conflits, les déplacements de population, les conditions de vie des Congolais se sont largement dégradées, avertit le Programme alimentaire mondial (PAM). Alors que le pays devrait pouvoir produire plus qu’il ne consomme, il se classe aujourd’hui deuxième, juste derrière le Yémen, dans le triste palmarès des plus graves crises alimentaires au monde. Claude Jibidar est le représentant du programme alimentaire mondiale, il tire la sonnette d’alarme et est l’invité de Sonia Rolley.

Le continent sud-africain de la Monusco offre des vivres à une école pour les enfants démunis à Ngangi, en RDC.
Le continent sud-africain de la Monusco offre des vivres à une école pour les enfants démunis à Ngangi, en RDC. MONUSCO/Alain Wandimoyi
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RFI : Quelque 13 millions de Congolais vivent dans une insécurité alimentaire extrême. Quelles sont les conséquences sur la société congolaise aujourd’hui ?

Claude Jibidar : Alors, c’est 13 millions qui sont effectivement dans une situation extrême, mais c’est aussi 27 autres millions qui ne mangent pas nécessairement à leur faim, en quantité et en qualité. Ce qu’on a aujourd’hui en RDC, c’est la conséquence d’abord d’une situation qui s’est détériorée grandement au cours des deux, trois dernières années, avec une intensification des conflits, une intensification des déplacements de population. Et j’insiste vraiment sur ces problématiques de déplacements des populations parce que les gens ici vivent de l’agriculture. Cela veut dire que ces gens quand ils sont déplacés, quand ils sont éloignés de leurs terres, ce sont des gens qui ne peuvent pas produire. Donc effectivement, c’est une situation qui est grave.

La RDC se retrouve au second rang, derrière le Yémen, en termes de gravité de crise alimentaire. Comment se fait-il qu’on n’en entende pas plus parler ?

Il faut qu’on en parle encore plus, c’est vrai. C’est aussi peut-être le fait qu’il y a ce phénomène de fatigue qui s’est installé parce qu’on en a beaucoup parlé de la RDC. Et ce qui est grave, c’est que la RDC ne devrait même pas être parmi les pays où la problématique alimentaire se représente. Parce que ce pays a un tel potentiel que c’est presque une performance à l’envers. Ce pays, en quelque sorte, est béni des dieux pour ce qui est de l’espace, de la productivité agricole, de la présence d’eau. Et surtout au Congo, les gens peuvent planter deux fois, trois fois par an. Il faut qu’on arrive à ce que les populations vivent en paix et qu’elles puissent cultiver. C’est ça la solution.

En fait, ce qui est vraiment inquiétant, c’est que cela touche particulièrement les enfants. On est quand même à 5 millions d’enfants qui souffrent de malnutrition aiguë…

Exactement. Ce qu’il y a, c’est que ces enfants non seulement sont « malnutris », mais ces enfants coûtent encore plus cher à leurs parents parce que ce sont des enfants qu’il faut amener à l’hôpital plus souvent, qui tombent malades plus souvent, et que les parents vont tout faire pour essayer de soigner. Ce sont des enfants qui ne vont pas réussir à l’école, simplement parce que leurs capacités cognitives ne sont pas développées comme elles devaient l’être. Et ce sont des enfants, quand ils survivent, qui ne deviennent pas des adultes aussi productifs qu’ils le pourraient pour leur pays. Donc ces 5 millions, c’est vraiment un investissement qui est perdu. Et ce sont des enfants qui sont presque déjà condamnés avant même d’avoir grandi. Et c’est ça le drame. Et le drame, c’est que derrière ces 5 millions, si on n’arrive pas à changer cette situation, ce sont beaucoup d’autres enfants qui vont suivre.

Dans la zone Ebola, il y a une superposition de problèmes, dans cette partie du Nord-Kivu, à Beni-Butembo. C’est qu’il y a eu des massacres depuis plus de 4 ans et des déplacements de population. En plus de cette maladie d’Ebola, quel impact cela a sur la sécurité alimentaire ?

C’est vrai que la région de Beni n’était pas jusqu’à présent pour des organisations comme le Programme alimentaire mondial des zones de priorité maximale, parce qu’il y avait une situation de sécurité alimentaire, je ne dirais pas qui était bonne, mais qui n’était pas la pire du pays. Et quand vous savez que pour la réponse humanitaire, nous arrivons à assister moins de la moitié des gens qui sont dans le besoin, donc vous vous doutez bien qu’il y a certains endroits où l’assistance ne va pas. Mais ce qu’on voit à Beni, c’est que ce problème d’Ebola bien sûr ajoute à la problématique de ces populations rurales. Il y a beaucoup de gens qui se déplacent parce que ce sont des marchands, ce sont des gens qui vont acheter, qui vont vendre. La problématique d’Ebola pose des problèmes de déplacement, pose des problèmes aux gens qui font du commerce. Les gens qui cultivent, c’est vrai que ça crée aussi des problèmes, ne serait-ce que l’intensification de certains des conflits contre Ebola ou pour quelque raison que ce soit. Donc tout cela amène à une situation de sécurité alimentaire qui ne s’améliore pas. Nous avons un souci aujourd’hui et on essaie de travailler conjointement avec la FAO [Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture], presque partout en RDC, pour non seulement assister ces gens avec de la nourriture quand ils en ont besoin, mais dès que les gens peuvent augmenter leur production, augmenter la qualité de leur production avec ce que la FAO peut faire, nous essayons de le faire systématiquement. Et ça, c’est un peu notre objectif aujourd’hui, c’est non seulement d’assister les gens maintenant, mais d’essayer de mettre en place l’après-Ebola dans le cadre de la réponse Ebola même, c’est d’apporter de la nourriture pour les personnes qui sont identifiées comme des contacts, parce que ces contacts-là, pendant 21 jours, peuvent développer la maladie. Et ce que nous voulons, c’est éviter que, pour des raisons de sécurité alimentaire, de devoir se nourrir, de devoir aller dans les marchés, que ces gens se déplacent et qu’ils contribuent malgré eux à l’expansion du virus de la maladie. C’est autour de ces contacts qu’une grosse partie du travail se fait, parce que c’est le succès à faire en sorte que ces contacts ne développent pas et ne transmettent pas le virus que ce combat va être gagné. Et depuis août 2018, nous avons assisté 600 000 personnes dans cette zone. Ce ne sont pas nécessairement des gens qui étaient touchés directement par Ebola, mais des gens qui étaient en situation d’insécurité alimentaire.

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