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Le grand invité Afrique

Soudan: «Le conflit au Darfour n'est toujours pas réglé aujourd'hui»

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Le président soudanais Omar el-Béchir est donc tombé à 75 ans, après 30 années passées au pouvoir. Omar el-Béchir a grandi dans une famille modeste. Il a embrassé la carrière militaire très jeune, à l’âge de 16 ans et a pris le pouvoir en 1989 après avoir renversé le gouvernement de Sadeq al-Mahdi. Il est visé par deux mandats d’arrêt internationaux émis par la CPI en 2009 et 2010 pour génocide, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour, province de l’ouest du Soudan en proie à une guerre civile depuis 2003. Retour sur son bilan, sa personnalité, sa longévité aussi, avec Roland Marchal, chercheur au CNRS basé à Sciences-Po Paris, spécialiste du Soudan ; il répond à Carine Frenk.

L'ex-président soudanais Omar el-Béchir, ici le 5 avril 2019 à Khartoum.
L'ex-président soudanais Omar el-Béchir, ici le 5 avril 2019 à Khartoum. REUTERS/Mohamed Nureldin Abdallah
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RFI: Comment expliquez-vous la longévité d’Omar el-Béchir ?

Roland Marchal: D’abord, il arrive à une période où il est surtout un porte-parole et ne fait donc d’ombre à personne. Ensuite, il est devenu un peu décisif parce qu’il est à la fois quelqu’un qui incarne la continuité du régime islamiste (Il est un islamiste, il a milité dans les rangs d’organisations islamistes avant de devenir militaire, ensuite en étant militaire et c’est pour cela qu’il accède au pouvoir en juin 1998) puis, en même temps, il est un militaire.

Par conséquent, le pouvoir au Soudan ne peut pas s’analyser sans considérer cette imposante fonction de l’armée dans le régime, à la fois en termes de répression, mais aussi d’organisation économique et de prébendes qui permettent d’irriguer un certain nombre de notables dans les régions et qui a permis au régime de durer jusqu’à aujourd’hui.

Béchir paraît donc un homme humble, quelque fois les gens se moquent de lui mais en fait, le système qui a été mis en place, et qu’il finit par représenter, à partir de 2003, est un système relativement sophistiqué qui lui a garanti une survie politique jusqu’à aujourd’hui.

Que faut-il retenir de ces trente années passées au pouvoir ?

On ne peut pas oublier… Les gens parlent beaucoup de la guerre au Darfour mais la guerre au Darfour, c’est la reproduction, sur une courte durée, de ce que ce régime a fait au Sud-Soudan. Le SPLA qui voulait arriver au pouvoir a mis tout ça sur le compte des boissons mais ce sont quand même des centaines de milliers de personnes qui ont été tuées dans les années 1990 et au début des années 2 000. On ne peut pas oublier ça. Alors évidemment si vous prenez la photo, ce sont des Sud-Soudanais qui tuent des Sud-Soudanais mais qui les a armés ? Qui les a organisés ? C’était quand même Khartoum. C’était quand même lui.

Est-ce à dire qu’il y a un lien entre la guerre au Soudan du Sud et la guerre au Darfour ?

Si vous voulez, quand Omar el-Béchir arrive au pouvoir, il prononce un discours célèbre qui rassure d’ailleurs initialement la population à Khartoum, en disant : je suis un militaire, je serai capable de faire la paix avec John Garang - donc la rébellion au Sud-Soudan – et, d’une certaine façon, l’ordre et la paix vont revenir dans le pays.

La paix au Sud-Soudan viendra plus de 15 ans après, sous de très fortes pressions américaines et internationales. Des dizaines de milliers de Sud-Soudanais vont périr pendant cette période, à cause du conflit. Et d’une certaine façon, lorsque le conflit au Darfour éclate, l’analyse que fait Omar el-Béchir, ça a été de dire : ce conflit au Darfour est créé par les internationaux, les Occidentaux et les Sud-Soudanais pour m’obliger à faire une paix au rabais avec des Sud-Soudanais et donc, je me battrai, comme je me suis battu au Sud-Soudan, au Darfour. De là, les plus de 300 000 morts de ce conflit au Darfour. Ce conflit n’est toujours pas réglé aujourd’hui malgré la fameuse inculpation de la Cour pénale internationale et malgré les cris d'orfraie de certaines personnalités occidentales.

Le mandat d’arrêt de la CPI, est-ce que c’est un tournant ?

Le mandat d’arrêt de la CPI a obligé Béchir, d’une certaine façon, à rester au pouvoir puisqu’il n’avait pas d’autres alternatives. Cela explique, d’une certaine façon, la dynamique politique que l’on voit dans les années 2010 qui est très défavorable pour l’ensemble de la population et surtout le fait qu’Omar el-Béchir était prêt à aller jusqu’au bout parce que l’idée de se retrouver à La Haye lui est complètement insupportable.

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