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Le grand invité Afrique

Cameroun: le ministre de la Communication exclut une rencontre Biya-Kamto

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Au Cameroun, le numéro un de l'opposition, qui est en prison depuis le 26 janvier, se dit prêt à discuter avec le président Biya. Aujourd'hui, le ministre camerounais de la Communication, René Sadi, répond à Me Dupont-Moretti, l'avocat français de Maurice Kamto : c'est non.

Le ministre camerounais de la Communication René Sadi.
Le ministre camerounais de la Communication René Sadi. ©archive privée/gvt
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Maître Dupond-Moretti, l’un des avocats français de Maurice Kamto, appelle à la sagesse du pouvoir pour que l’on trouve rapidement une solution pour son client. Qu’en pensez-vous ?

René Sadi : Maître Dupont-Moretti est sans aucun doute un avocat de renom. Mais la haute idée que j’ai du barreau camerounais m’incline à penser que nous avons au Cameroun suffisamment d’avocats, tout aussi talentueux que monsieur Moretti, en mesure de défendre monsieur Kamto et ses partisans, sans un recours à l’extérieur. Il y a donc lieu de déplorer cet état de chose. Mais nous déplorons davantage la condescendance. Et les propos désobligeants tenus par monsieur Moretti, dans la lecture des faits, ou alors dans la version qu’il en a reçue, qui sont complètement fausses. Toutes choses qui l’amènent à s’éloigner du terrain juridique pour embrayer sur des considérations politiques, car, devrais-je le redire, les chefs d’accusation qui ont motivé l’arrestation de monsieur Kamto et ses partisans, ainsi que leur mise en détention provisoire, sont clairs et conformes aux lois et règlements du Cameroun. On ne saurait donc les qualifier d’ « arbitraires » ou d’ « ubuesques », comme l’a affirmé péremptoirement monsieur Moretti.

Dans son interview sur RFI ce lundi matin, maître Dupond-Moretti prête à son client Maurice Kamto les mots suivant « Je souhaite dire un certain nombre de choses au président Biya. Je ne veux pas mettre de l’huile sur le feu, mais je veux aussi qu’on respecte mes droits » 

Nous demandons à monsieur Moretti, qui n’est pas venu au Cameroun comme médiateur, et qui au demeurant se défend d’être un donneur de leçons ou un incendiaire, de s’en tenir strictement à la mission qui est la sienne, c’est-à-dire assurer la défense de ses clients devant la justice camerounaise et non pas se faire l’écho d’arguments ineptes ou de revendications surréalistes à propos d’une prétendue victoire donnée à monsieur Kamto. Alors qu’il est clair pour tout le monde, y compris pour monsieur Kamto lui-même, qu’il n’a pas gagné, qu’il n’aurait jamais pu gagner l’élection présidentielle au Cameroun, du fait notamment d’une assise politique encore limitée.

Mais la demande faite par monsieur Kamto d’une rencontre avec son ex-adversaire Paul Biya, n’est-ce pas un geste d’ouverture ?

Le président Biya ne peut pas être considéré comme étant à mettre sur un même pied d’égalité que monsieur Kamto. Monsieur Kamto est un citoyen comme tout le monde. Je crois qu’il doit aujourd’hui cesser de se considérer comme un alter ego.

Mais n’est-il pas un prisonnier politique, comme disent tous les membres de son parti et lui-même ?

Non. Il n’existe pas d’infraction politique au Cameroun. Personne n’a été privé de sa liberté pour des opinions ou des actes politiques. Je tiens à préciser que monsieur Kamto et ses partisans sont devant la justice camerounaise pour des faits n’ayant aucun rapport avec leur engagement politique. Ce qu’il convient de rappeler, c’est que monsieur Kamto et ses partisans ont planifié une série d’activités répréhensibles pour lesquelles ils ont à répondre aujourd’hui, devant la justice camerounaise.

Les accusés risquent la peine de mort alors qu’ils n’ont tué personne. Est-ce que cela ne peut pas paraître choquant ?

Les lois sont les lois, et la justice appréciera. J’imagine qu’il appartient aux juges camerounais d’apprécier la validité des faits des uns et des autres, et de prendre les sentences que les uns et les autres méritent.

Maurice Kamto (c), alors candidat du parti MRC à la présidentielle avec son équipe après une conférence de presse au siège du parti à Yaoundé, le 8 octobre 2018.
Maurice Kamto (c), alors candidat du parti MRC à la présidentielle avec son équipe après une conférence de presse au siège du parti à Yaoundé, le 8 octobre 2018. REUTERS/Zohra Bensemra

Sur le fond du dossier, Maurice Kamto est un civil. Alors pourquoi doit-il comparaître devant un tribunal militaire ?

Au Cameroun, le tribunal militaire n’est pas un tribunal d’exception. C’est un tribunal à compétence spéciale. Donc je crois qu’il est tout à fait compétent, pour connaître des cas comme celui de Maurice Kamto, qui sont considérés comme des faits de droit commun.

L’Union européenne, par la voix de Federica Mogherini, dénonce « l’ouverture de procédures disproportionnées » à l’encontre de Maurice Kamto et de ses quelque 160 compagnons de détention. Est-ce que tout cela ne nuit pas à l’image de votre pays ?

Non. Maurice Kamto et ses partisans ont été interpellés. Ils ont été incarcérés, non pas pour des faits d’ordre politique, mais pour des faits de droit commun. Ils ont appelé à l’insurrection, ils ont appelé à des manifestations interdites. Vous vous souvenez de la mise à sac des ambassades du Cameroun à Paris, à Berlin, qui sont le fait de partisans de monsieur Maurice Kamto. Et nul ne peut nier que tous ces actes ont été commis à l’appel de monsieur Maurice Kamto et de ses partisans. Donc les manifestations publiques ont été contenues. Il n’y a pas eu usage de balles réelles contre les manifestants, et toutes ces personnes ont été traduites devant les juridictions camerounaises conformément aux lois et aux règlements de la République.

A plusieurs reprises, Maurice Kamto a dénoncé les attaques des ambassades du Cameroun à l’étranger. Côté américain, le secrétaire d'État adjoint aux États-Unis pour les affaires africaines, Tibor Nagy, déclare « qu’il serait sage de libérer Maurice Kamto ». N’est-ce pas un avis qui pèse quand même, celui de votre allié américain ?

Ces affirmations sont des affirmations non fondées. Nous devons tous attendre des décisions qui seront prises par notre justice, qui est une justice indépendante, composée de magistrats expérimentés, qui ne subissent aucune influence de la part des pouvoirs publics, et qui sauront rendre justice.

Est-ce que l’audience que le président Paul Biya a accordée ce lundi au sous-secrétaire d’Etat américain, Tibor Nagy, à Yaoundé peut faire avancer le dossier Maurice Kamto ?

De ce que je sais de l’audience, ces questions n’ont pas été évoquées. Cette audience s’est déroulée dans de très bonnes conditions. Le chef de l’Etat et son hôte ont passé en revue les relations entre le Cameroun et les Etats-Unis. Ces relations sont excellentes. Les propos de circonstance qu’on a pu entendre ces derniers temps n’ont en aucune façon porté atteinte aux excellentes relations entre les Etats-Unis et le Cameroun. Monsieur Tibor Nagy l’a lui-même déclaré à la sortie de l’audience, où il a réitéré que les relations entre Yaoundé et Washington sont parfaites. De même, a-t-il ajouté, que les perspectives d’avenir entre les deux pays iront en se renforçant sur tous les plans, notamment au plan commercial, et que nos deux gouvernements vont œuvrer dans ce sens. Enfin après avoir affirmé l’attachement des Etats-Unis à la stabilité, et à l’indivisibilité du Cameroun, il a rendu un vibrant hommage au président Paul Biya dont il a apprécié la sagesse et l’intelligence.

Parmi les propos de circonstances de Tibor Nagy, il y a notamment cette déclaration, c’était sur RFI il y a quelques jours, sur la crise anglophone. Le sous-secrétaire d’Etat américain a déclaré que la crise pourrait être surmontée si par exemple, les gouverneurs des provinces du nord-ouest et du sud-ouest étaient élus par les populations de ces deux provinces

Le processus de décentralisation est en cours. Dans les mois qui viennent certainement, des élections régionales seront organisées, et des conseillers régionaux seront élus. Les personnalités locales, les différentes régions auront naturellement des pouvoirs accrus pour elles-mêmes assumer leurs responsabilités locales. Mais monsieur Nagy a saisi l’occasion pour suggérer au gouvernement camerounais d’organiser des rencontres, des concertations. Nous accédons à ce genre de propositions. De toute façon, le président Biya n’a fait que justement essayer de tendre la main à ses compatriotes. Des initiatives ont été prises pour sensibiliser les populations de la région, pour essayer de faire en sorte que les uns et les autres entendent raison. Et aujourd’hui, comme vous le savez, une commission pour faire appel à nos compatriotes égarés a été mise en place. Et la main leur est tendue. Le processus est en cours. Nous pensons que toutes ces initiatives permettront au Cameroun, dans les délais assez brefs, de rétablir la stabilité, l’ordre et la paix dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest.

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