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Chronique des droits de l'homme

Philippines: «il faut continuer à résister» pour C. Palabay de l’ONG Karapatan

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Aux Philippines, les défenseurs des droits de l’Homme sont une cible particulière pour le gouvernement du président Rodrigo Duterte. Depuis son arrivée au pouvoir en 2016, les organisations qui travaillent sur ces questions ne cessent de dénoncer les exécutions extra judiciaires qu’il couvre au nom de la lutte contre les trafiquants de drogue. Malgré les menaces, les défenseurs continuent à dénoncer ces exactions, comme le fait Cristina Palabay que Véronique Gaymard a rencontrée.

Le président philippin, Rodrigo Duterte, tient un fusil de tireur d'élite Galil avec le chef sortant de la Police nationale philippine (PNP), Ronald dela Rosa, lors de la cérémonie de passation du commandement au camp Crame à Manille le 19 avril 2018.
Le président philippin, Rodrigo Duterte, tient un fusil de tireur d'élite Galil avec le chef sortant de la Police nationale philippine (PNP), Ronald dela Rosa, lors de la cérémonie de passation du commandement au camp Crame à Manille le 19 avril 2018. NOEL CELIS / AFP
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«Je pense qu’on est dans une spirale négative, et nous craignons que la situation ne fasse qu’empirer si les politiques du président Duterte ne changent pas. »

Cristina Palabay est la secrétaire générale de Karapatan, une coalition d’ONG qui travaille sur les questions de droits de l’Homme depuis 1995 et en particulier sur les cas d’exécutions extra-judiciaires, les disparitions forcées, et la militarisation du pays.

Une situation qui s’est dégradée depuis l’arrivé au pouvoir de Rodrigo Duterte et sa campagne antidrogue en prônant les exécutions extra judiciaires qui auraient déjà fait plus de 5000 morts.

La journaliste philippine Maria Ressa, élue personnalité de l’année par le magazine Time et qui dénonce ces exactions et la corruption de la classe politique, a été de nouveau arrêtée il y a 10 jours, puis libérée sous caution le lendemain. Cristina Palabay elle aussi est régulièrement menacée par les autorités.

« Au cours des 26 dernières années, j’ai été traitée de tous les noms par des membres des gouvernements successifs. On m’a accusée d'être une briseuse de mariage. Par exemple quand nous faisions campagne pour qu’il y ait une loi sur le divorce, nous étions une cible directe des fondamentalistes religieux. C’est un exemple, mais constamment on reçoit en ligne ou directement des menaces surtout de la part d’acteurs de l’Etat.

L’an dernier, on m’a placée sous protection mobile, c’est-à-dire que je devais changer de lieu de résidence toutes les deux ou trois semaines à cause des menaces. C’est un petit prix à payer comparé à ce que certains de mes collègues ont enduré, ceux qui ont été tués, ceux qui ont disparu… Mais j’utilise toujours la plateforme de notre ONG pour dénoncer ce que les acteurs étatiques font contre des défenseurs des droits de l’Homme comme mes collègues et moi. »

Cristina Palabay estime que le fait d’être menacée lui permet de développer des programmes de protection pour les défenseurs des droits humains. Elle rend aussi visite en prison aux prisonniers politiques pour défendre leurs droits.

Cristina Palabay s’est engagée très jeune dans la défense des droits de l’Homme, alors que sa famille était très divisée politiquement. « Je suis le fruit d’un paradoxe : au moins trois ou cinq de mes oncles ont été tués pendant la loi martiale sous l’ancien président Marcos. Alors que mon père et mes autres oncles étaient eux-mêmes des militaires de l’ancien dictateur !

Cette trajectoire personnelle m’a forgée, je venais d’un milieu de la classe moyenne, et lorsque j’ai terminé l’université j’ai pris conscience des inégalités criantes de la société philippine, entre les riches et les pauvres. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de me consacrer à la défense des droits humains. Ça fait 26 ans que je fais ce métier et malgré les nombreux défis, les embûches, les difficultés et la peur, c’est un métier gratifiant, car on sait qu’en l’exerçant, un autre monde est possible. »

Mais la seule façon de continuer à faire son travail, et de lutter contre l’impunité et la peur, c’est la résistance explique Cristina Palabay. « Quand on doit faire face à une crise des droits humains aussi intense qu’aux Philippines avec un président comme Rodrigo Duterte, ce qui caractérise notre travail au quotidien, c’est la résistance: si vous ne faites rien, vous êtes mort ! si vous vous battez, vous êtes mort! donc c’est une nécessité de survivre et de résister. »

Lundi 25 février s’ouvre à Genève une session du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu. Dans son rapport sur les Philippines, le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits humains, Michel Forst, demande aux davantage de soutien et de protection pour les femmes qui sont engagées dans la défense des droits de l’Homme dans ce pays.

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