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Le grand invité Afrique

Libye: «Un migrant n'est pas un criminel»

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Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a intensifié ses opérations en Libye, qui est plongée dans le chaos économique, l’anarchie généralisée et les luttes de pouvoir entre groupes armés depuis le soulèvement de 2011. Mais la situation humanitaire ne fait que se détériorer depuis. La population est confrontée en permanence à la violence, l’insécurité et l’absence de l’Etat. Le conflit dans ce pays entre dans sa neuvième année. Patricia Danzi, la directrice régionale du CICR pour l’Afrique, est de retour de ce pays. Elle répond aux questions de Houda Ibrahim.

Un migrant sauvé d'un navire au large de la côte de Zuwara, à environ 130 kilomètres à l'ouest de Tripoli.
Un migrant sauvé d'un navire au large de la côte de Zuwara, à environ 130 kilomètres à l'ouest de Tripoli. AFP/Mahmud Turkia
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RFI: Vous êtes de retour de Libye. Le Comité international de la Croix-Rouge a intensifié ses activités dans ce pays. Quelle est la situation humanitaire en Libye aujourd’hui ?

Patricia Danzi: On regarde souvent la Libye sous l’aspect sécuritaire et militaire avec notamment la lutte contre l’Etat islamique. L’autre aspect concerne les migrations et, je dirais que ce qui manque, c’est le prisme sur les populations.

La Libye est un pays où l’on peut faire l’humanitaire différemment car, localement, on y trouve beaucoup de capacités qui font que nous sommes moins longtemps dans la phase de substitution. Nous pouvons nous appuyer, plus rapidement, sur des institutions qui sont quand même là, sur des gens qui ont des connaissances et beaucoup de compétences. Nous avons donc ce privilège-là de pouvoir travailler avec des gens qui ont connu un Etat et des institutions qui fonctionnaient bien.

La question des déplacés en Libye, depuis 2011, est une question qui n’est toujours pas résolue ?

Non. Il y a aussi beaucoup de réfugiés qui sont partis dans les pays avoisinants, notamment ceux qui avaient, soit les moyens, soit des familles, soit les opportunités. Par ailleurs, il y a des centaines de milliers de déplacés internes. Actuellement, la Libye compte avec un peu moins de 7 millions d’habitants et entre 8 à 10 % de la population qui, à un moment, s’est déplacée à l’intérieur du pays, ce qui est toujours un traumatisme pour les déplacés.

Vous trouvez qu’on parle beaucoup du terrorisme, des groupes armés et des migrants clandestins mais on parle très peu de la souffrance de la population libyenne.

C’est un pays où on oublie souvent les Libyens. Or, la population libyenne est la première affectée. Ce sont les acteurs, les victimes, les déplacés. Ce sont aussi les gens qui répondent, en premier, aux besoins humanitaires de leurs concitoyens comme par exemple le Croissant-Rouge libyen qui est une organisation nationale, présente sur tout le territoire, et qui a répondu dès les premières heures à des urgences humanitaires, comme cela a été le cas pour les nombreux déplacés.

On oublie aussi, très souvent, la souffrance des populations qui voient, depuis très longtemps maintenant, se dégrader leur situation économique. La Libye était quand même un pays privilégié. Il y avait aussi beaucoup de migrants qui avaient pu venir travailler en Libye et qui nourrissaient leurs familles restées au pays. Pour tous, la situation a changé.

La migration clandestine, un problème qui occupe beaucoup l’Europe. Est-ce que la situation s’améliore à ce niveau-là, en Libye ?

C’est bien que l’on parle des migrants parce qu’il y a beaucoup de souffrance. Il se trouve qu’il y a moins de migrants qui arrivent depuis la Libye en Europe mais cela ne veut pas du tout dire que le problème s’améliore ou que les raisons pour lesquelles ces migrants et ces réfugiés partent de leur pays d’origine se sont améliorées. Ce n’est pas parce qu’on les a perdus de vue, en Europe, que les drames ne vont pas se passer ailleurs.

Le Comité international de la Croix-Rouge s’occupe beaucoup des détenus. La détention, pour nous, est un thème où on s’implique. Il y a les centres de détention pour les migrants mais il y a aussi les prisons.

En ce qui concerne la détention des migrants, notre position est que cela devrait uniquement se faire vraiment en dernier recours. En effet, un migrant n’est pas un criminel en tant que tel. Il est peut-être illégalement dans un pays mais pour justifier une détention, cela devrait se faire en dernier recours et si cela se fait, les conditions doivent être respectées.

Nous visitons certains centres de migrants, pas tous, pour être sûrs que les migrants peuvent être en contact avec leurs familles - souvent, ils perdent leurs moyens y compris leur téléphone, pour entrer en contact avec leurs familles - et pour nous assurer qu’ils ont les conditions de base assurées. C’est très compliqué. Aujourd’hui, il y a beaucoup de migrants qui restent dans ces centres pendant très longtemps, dans des conditions compliquées.

Il y a aussi les centres clandestins pour les détentions de migrants ?

Il y a des centres de migrants que l’on peut visiter en Libye, mais il y a aussi des centres clandestins. Les histoires qui sortent de ces centres où les visites n’ont pas lieu et que personne ne peut voir, sont celles des gens qui en sortent et qui ont les histoires les plus incroyables et les plus tristes. Il s’y passe des choses qui ne devraient jamais se passer.

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