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La semaine de

Si tu ne peux être impartial, cède le trône aux hommes justes

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Et si l’église catholique congolaise était moins contre Joseph Kabila et ses partisans, que contre les injustices, et ce qui perpétuerait, aux commandes du pays potentiellement le plus riche d’Afrique, un dénuement sans nom pour ce peuple ?…

Jean-Baptiste Placca.
Jean-Baptiste Placca. (Photo : Claudia Mimifir)
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►Magali Lagrange : Nous voilà donc en 2019 ! Dans votre chronique, la dernière, toute en nuances, de 2018, vous insistiez sur le fait qu’en dépit de tout, l’Afrique avance. Et que pour avancer plus harmonieusement, les nations devraient avoir les mêmes valeurs, obéir aux mêmes règles. Quelles peuvent être, par exemple, les règles et les valeurs communes, qui font que les électeurs acceptent les résultats électoraux en toute confiance, au Cap-Vert ou au Botswana, alors que la méfiance semble si grande, en RDC ?

Il n’est point indispensable que les règles soient rigoureusement les mêmes, d’un bout à l’autre du continent. Mais si les valeurs sur lesquelles se fondent ces règles sont semblables, les résultats des élections ne seraient pas source d’une telle suspicion, en RDC. Au Botswana, au Cap-Vert, au Ghana, comme dans une quinzaine d’autres pays du continent, la foi en les résultats repose sur la confiance des peuples, sinon en la probité des dirigeants, du moins en leur droiture. L’idée que ceux qui sont au pouvoir s’y accrochent si désespérément qu’ils peuvent être prêts à tout pour ne jamais le perdre donne aux populations la désagréable impression qu’elles doivent se méfier en permanence. Peut-être que la Commission électorale congolaise annoncera, en fin de compte, la victoire d’un opposant, si tel est effectivement le choix des Congolais. Mais, jusqu’à ce que cela survienne, ce peuple se méfiera. Il se méfiera d’autant plus que tout ce qui se passe dans ce pays depuis la clôture des bureaux de vote laisse perplexe, et pas que les Congolais. Aussi, les dirigeants actuels de la RDC devraient juste s’interroger sur ce qui, dans leur pratique du pouvoir, pourrait justifier une telle défiance. D’autant que ce n’est pas le seul clergé qui les suspecte de ne pas vouloir la transparence. Même l’Union Africaine, d’ordinaire si prudente, s’est départie des fioritures diplomatiques pour, à mots à peine couverts, sommer les dirigeants congolais de respecter le choix de leurs concitoyens.

Les Nations unies aussi semblent tenir le même discours…

Et même les Etats-Unis, le Canada, et quelques autres Etats, sans compter la société civile congolaise et continentale. Les Botswanais, les Cap-Verdiens ou les Ghanéens ne reçoivent, par exemple, jamais ce type d’injonction, parce que rien dans leur pratique du pouvoir ne justifierait une telle méfiance. Les dirigeants congolais ont beau jeu de prendre la Cenco comme bouc émissaire. Il serait tellement plus simple, pour eux, de se pencher sur les raisons qui font que tant de gens, tant de pays et d’institutions les suspectent de ne pas vouloir la transparence dans l’issue de ces élections.

Vous ne pouvez pas vous évertuer à tenir votre peuple dans les ténèbres et vous étonner que l’opinion s’interroge sur les motivations d’un tel acharnement à vouloir couper les citoyens de leurs concitoyens, le pays des sources d’information et du reste du monde. Un pouvoir qui n’a rien à cacher ne prive pas son peuple des moyens d’information et de communication à un moment aussi crucial de son histoire, alors que se joue son destin.

Mais comment la Cenco peut-elle connaître le nom du vainqueur ?

Si elle le connaît, jusqu’alors, elle ne l’a pas donné. Et même pas un indice qui nous mette sur la piste du nom du vainqueur. Mais cette Cenco a fait, sur le terrain, un travail rigoureux et c’est sans doute à dessin qu’elle met en garde contre tout résultat qui serait différent du choix effectif du peuple congolais. Au-delà du fait qu’ils sont citoyens au même titre que tous les Congolais, les membres de la Cenco font partie de la frange la plus éclairée de l’opinion congolaise. Un prêtre, faut-il le rappeler, se forme en sept années, après le bac. Ils ont donc une grande capacité d’analyse, et peuvent effectivement savoir qui est le vainqueur.

En 2012, rien qu’en regardant la télévision nationale et deux autres chaînes du paysage médiatique sénégalais, une calculette à la main, plus un bloc-note et un stylo, un observateur averti pouvait affirmer, deux heures après le début de la soirée électorale, que Macky Sall l’avait emporté. Et d’ailleurs, moins d’une demi-heure plus tard, Abdoulaye Wade lui-même téléphonait au vainqueur, pour concéder sa défaite.

En décembre 2015, à Ouagadougou, j'ai osé un exercice similaire en direct, dans une émission organisée par un regroupement de radios du Burkina, sous l’égide, je crois, de CFI. Un acteur de la société civile, présent, a trouvé bien prétentieux de ma part d’estimer, au bout d’une heure et demi, que Roch Marc Christian Kaboré allait probablement l’emporter dès le premier tour. C'est ce qui arriva. Il suffisait juste de prendre des notes, un œil sur la carte du Burkina, avec la pondération relative aux régions considérées comme le fief de tel ou tel candidat, et l'on y arrivait. En RDC, la Cenco a fait un travail encore plus méticuleux sur un quart ou un tiers du corps électoral, ce qui lui donne largement de quoi se faire… une religion !

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