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Aujourd'hui l'économie, le portrait

Ghosn, l’année de la chute

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L’année 2019 commence en prison pour Carlos Ghosn. Le patron de l’alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi est détenu au Japon pour des accusations de fraudes financières. Né au Brésil, élevé au Liban puis devenu français, ce puissant industriel tombe de son piédestal.

Carlos Ghosn va passer les fêtes de fin d'année en prison.
Carlos Ghosn va passer les fêtes de fin d'année en prison. REUTERS/Regis Duvignau/File Photo
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2018 avait pourtant très bien commencé pour Carlos Ghosn. Lors de son audition à l’Assemblée Nationale, il annonçait fièrement les bons chiffres de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi devenue en 2017 le premier groupe automobile mondial avec plus de 10,6 millions de véhicules vendus : « ce n’est pas un objectif, mais une satisfaction. Si nous jouons intelligemment, cette échelle du groupe va permettre de renforcer encore la compétitivité de l’ensemble des composants de l’Alliance. »

Doubler le géant allemand Volkswagen est en réalité un aboutissement pour le patron de cet attelage inédit. Carlos Ghosn, aux commandes de Nissan depuis l’an 2002 et de Renault depuis 2005, partage sa vie entre Paris et Tokyo. Il est devenu un interlocuteur incontournable pour les dirigeants politiques. Avec Emmanuel Macron par exemple, il s’est rendu le 8 novembre à l’usine de Maubeuge, où Renault va investir 450 millions d’euros et embaucher 200 personnes. Le président français y a salué ce jour-là « l’engagement d’un grand industriel français ».

Pas intouchable

Malgré les nouvelles contraintes environnementales et les tensions géopolitiques qui l’obligent à se retirer du marché iranien, Carlos Ghosn, âgé de 64 ans, est bel et bien lancé vers l’avenir. Le groupe qu’il dirige d’une main de fer mise délibérément sur les véhicules « du futur » : la voiture électrique et autonome.

Mais alors qu’on le croyait intouchable, un événement imprévu bouleverse le cours de sa vie. Le 19 novembre, il est arrêté dans un jet privé qui venait d’atterrir à l’aéroport de Tokyo. Les fonctionnaires du bureau du procureur décident de le placer en garde à vue. Son bras droit Greg Kelly est lui aussi interpellé. Les deux hommes sont incarcérés dans une prison du nord de la capitale japonaise. Il est reproché à Carlos Ghosn d’avoir caché au fisc une grande partie de ses revenus de 2010 à 2015.

Quelques heures plus tard, le président exécutif de Nissan évoque de « nombreuses autres malversations, telles que l’utilisation de biens de l’entreprise à des fins personnelles ». Lors de cette conférence de presse d’une impensable violence, Hiroto Saïkawa, pourtant placé à ce poste par Carlos Ghosn, voit un « problème » dans le fait que « tant d’autorité ait été accordée à une seule personne », dénonçant « le côté obscur de l’ère Ghosn ». S’appuyant sur une enquête menée au sein du constructeur japonais, celui que la presse surnomme désormais « Brutus » réclame la révocation de son ex-mentor. Le conseil d’administration de Nissan s’exécute deux jours plus tard et fait tomber le Samouraï, l’un des surnoms flatteurs que les Japonais avaient attribué à Carlos Ghosn.

« Trop autoritaire »

L’affaire fait la Une des médias du monde entier, abasourdis par la chute d’un empereur de l’industrie qui jusque-là avait pourtant surmonté tous les obstacles. « C’est sûr que Carlos Ghosn pouvait paraître inoxydable », explique Julien Dupont Calbot, spécialiste de l’automobile au journal Les Echos. « Il a réussi sa première mission : redresser Nissan qui était en très mauvaise posture alors que personne n’y croyait vraiment. Ensuite, arrivé à la tête de Renault, il a survécu à toutes les crises, tous les conflits qu’il a pu avoir avec les différents ministres et Présidents de la République. A chaque fois, il a sauvé sa peau. » Mais cette fois, « le cost-killer » n’a pas les moyens de réagir. Les révélations s’enchaînent sur son train de vie astronomique de Carlos Ghosn. En France, certains salariés de Renault s’indignent. Carlos Ghosn, bourreau de travail assumé, en demande presque autant à ses employés. « C’est un management assez efficace, mais probablement trop autoritaire », affirme Loïc Dessaint, directeur général du cabinet de conseil Proxinvest. « Trop de contrôle, trop de pouvoir. Il en a abusé. Il s’est cru probablement au-dessus des lois et des bonnes pratiques en matière d’éthique des affaires. »

Déchu au Japon, Carlos Ghosn peut-il rester à la tête de Renault ? La marque au losange et l’Etat actionnaire réfléchissent à la transition. Des semaines d’un feuilleton judiciaire haletant auront eu quoi qu’il en soit raison d’une icône de la mondialisation.

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