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Le grand invité Afrique

François-Xavier Fauvelle (CNRS): «L’Afrique a bien une histoire millénaire»

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Que s'est-il passé en Afrique pendant la Préhistoire ? Et pendant le Moyen-Age ? Une publication propose de découvrir la très grande richesse de l'histoire du continent, pendant des millénaires, et jusqu'au XVIIe siècle. En réponse à ceux qui en doutent, le livre L'Afrique ancienne : de l'Acacus au Zimbabwe, publié aux éditions Belin, montre que le continent a bien une histoire millénaire, qu'il est possible de l'étudier, et qu'elle s'insère dans le flux de l'histoire mondiale, à travers de nombreux échanges. L'ouvrage a été dirigé par François-Xavier Fauvelle, directeur de recherche au CNRS. Il répond aux questions de Magali Lagrange.

Couverture du livre «L'Afrique ancienne: de l'Acacus au Zimbabwe», de François-Xavier Fauvelle, chercheur au CNRS.
Couverture du livre «L'Afrique ancienne: de l'Acacus au Zimbabwe», de François-Xavier Fauvelle, chercheur au CNRS. belin-editeur.com
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François-Xavier Fauvelle, directeur de recherche au CNRS.
François-Xavier Fauvelle, directeur de recherche au CNRS. G.Garitan /wikimedia.org

Rfi: Dans votre livre, vous déconstruisez un certain nombre d’idées reçues sur l’histoire de l’Afrique, à commencer par celle qui voudrait que l’Afrique n’ait pas d’histoire. Alors je vais vous poser cette question – je connais, je crois, votre réponse – l’Afrique est-elle assez entrée dans l’histoire ?

François-Xavier Fauvelle: Bien entendu. L’Afrique est non seulement entrée dans l’histoire mais elle a toujours été dans l’histoire, cest-à-dire que l’Afrique a toujours été présente au monde en même temps que les autres sociétés. C’est cela que révèle aux historiens et historiennes de l’Afrique le métier que nous faisons. C’est cette coprésence des sociétés africaines avec le reste du monde, à toutes les époques du passé.

L’Afrique a une histoire. On pourrait même dire qu’elle a plusieurs histoires ?

Oui. C’est un continent géographique mais ce sont plusieurs continents d’histoire. C’est l’une des leçons de l’histoire africaine. L’histoire de l’Afrique c’est, en réalité, plusieurs trajectoires qui se sont arrimées les unes aux autres et qui se sont parfois entrechoquées les unes aux autres. En d’autres termes, l’histoire de l’Afrique n’a pas produit de la standardisation culturelle mais, bien au contraire, de la diversité, de la cohabitation.

Et il faut dire que c’est grand, comme territoire. Alors, pouvez-vous nous citer ces continents, ces grands ensembles dont vous nous parlez ?

Il est difficile, évidemment, de tracer des frontières à chacun de ces continents car ils n’ont pas été les mêmes aux différentes époques. Néanmoins, pensons en particulier à ce qu’est le continent du Sahara à lui seul durant le néolithique, à l’époque où le Sahara était vert.

Pensons aussi à ce qu’était l’Afrique des chasseurs-cueilleurs, au cours des millénaires et ce qu’elle est encore aujourd’hui puisqu’il y a encore toute une série de régions qui sont habitées par des sociétés de chasseurs-cueilleurs. En Europe, par exemple, ce n’est plus le cas. Ce qui fait aussi l’un des intérêts de l’histoire de l’Afrique, c’est cette cohabitation entre des chasseurs-cueilleurs et de grands royaumes.

Pensons à ce qu’est, par exemple, le royaume du Congo, dans le grand bassin de la forêt équatoriale. Pensons aussi à ce que sont les grands royaumes du Sahel médiéval, le Ghana ou le Mali, par exemple.

Pensons à l'Abyssinie chrétienne et musulmane, les Hautes terres d’Ethiopie où il existe, depuis l’Antiquité, un royaume chrétien mais aussi avec des voisins musulmans au cours du Moyen-Age et des voisins païens également.

Nous avons donc là autant de continents ou autant d’archipels d’histoire qui voisinent au cours du temps et qui sont arrimés, à tour de rôle, aux autres mondes extra-africains.

Autant de continents, autant d’archipels d’histoire et autant, finalement, de périodes qui cohabitent aussi. C’est ce que vous montrez. Il n’y a pas une ligne d’histoire, en Afrique ?

Absolument. Et pour bien faire comprendre la singularité de l’histoire africaine à vos auditrices et à vos auditeurs, rappelons par exemple que l’histoire de l’Eurasie est un grand laminoir qui efface, en fait, devant lui, les sociétés du paléolithique. A un moment donné, elles deviennent toutes des sociétés néolithiques et puis, quelques millénaires plus tard, les sociétés des âges des métaux laminent devant elles les sociétés du néolithique, les grands empires ainsi que l’homogénéisation culturelle et religieuse qui va avec.

En Afrique, rien de semblable. On ne peut pas se fier à cet évolutionnisme-là. Bien au contraire, les sociétés s’avèrent résilientes et continuent de cohabiter et c’est cela qui fait sa très, très grande richesse. Une richesse à raconter mais aussi une richesse documentaire qui pose évidemment un défi. En effet, on ne peut pas se contenter de l’écrit produit par des clercs du royaume ; nous sommes obligés de regarder également ce qui se passe du côté des tessons de céramique, de l’art rupestre, etc.

C’est une autre idée reçue que vous démontez dans votre livre, celle selon laquelle l’Afrique n’aurait pas d’écrits.

Oui. Il y a toute une série d’idées reçues autour de l’Afrique qui serait perçue du côté du manque. Il manque de l’histoire, il manque de l’historicité, il manque du temps, il manque de l’écrit, il manque du document… En fait, il ne manque rien de tout cela. Il y a de l’écrit. En Afrique, nous sommes même frappés de la très, très grande diversité des systèmes d’écriture qui ont été utilisés, depuis 4 000 ans, dans différentes régions d’Afrique.

Ce qui est vrai, néanmoins, c’est que ces systèmes d’écriture n’ont pas généré pléthore de sources écrites d’archives. Pourquoi ? C’est plutôt ça la bonne question. Pourquoi ? Parce que les sociétés africaines ont utilisé d’autres choses pour asseoir leurs prétentions territoriales, pour transmettre leur mémoire, etc. et donc, c’est plutôt cela qui nous oblige, historiens, à regarder ailleurs et à nous intéresser à d’autres documents.

Et de regarder aussi les traces matérielles.

Absolument. Cela peut être des choses très, très spectaculaires comme de grands sites archéologiques. Cela peut être de simples tessons de céramique qui nous disent beaucoup de choses sur les mains qui les ont faites, sur les intentions qui étaient derrière… Cela peut être des choses beaucoup plus frustres ou bien encore cela peut être une simple graine carbonisée, un pollen, un paysage...

Vous nous avez parlé de tout ce que l’on sait de l’histoire africaine. Il y a, évidemment, encore des choses à découvrir. Vous, personnellement, en tant que chercheur, quels mystères vous souhaiteriez percer, avant la fin de votre carrière ?

Il y a plein de mystères. Il y a des sites d’archéologie connus mais qui n’ont pas encore été fouillés ou qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets.

 Il y a des sites archéologiques qui n’ont pas encore été trouvés. Je pense en particulier à la capitale du Mali, au Moyen-Age, qui personnellement m’attire. Je soupçonne que c’est quelque part au Mali, en aval de Bamako, quelque part sur la rive gauche du fleuve Niger… cela reste à trouver.

Une chose est certaine en tout cas, c’est que l’histoire de l’Afrique a un très, très gros potentiel et en particulier du point de vue archéologique. Il est tout particulièrement important de le dire au moment où l’Afrique commence à décoller économiquement. Il est important d’accompagner cela - comme cela s’est fait dans les autres régions du monde - d’un véritable programme très ambitieux pour aller tout simplement chercher, dans les endroits où on ne connaît à peu près rien, l’épaisseur du passé ou encore l’épaisseur des matérialités de l’histoire des sociétés africaines.

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