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Le monde en questions

Que nous dit l'affaire Khashoggi sur la gouvernance actuelle de l’Arabie saoudite?

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Comme chaque vendredi, nous retrouvons la chronique de Bruno Daroux, Le Monde en Questions, consacrée cette semaine sur l’affaire Khashoggi, du nom de ce journaliste saoudien entré au consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre dernier, et dont on est sans nouvelles depuis. Le prince héritier saoudien Mohamed ben Salman est fortement soupçonné de l’avoir fait assassiner en Turquie, mais il n’y a toujours pas de preuves formelles en ce sens – beaucoup d’indices concordants néanmoins. Et la question posée est : « que nous dit cette affaire plus que trouble sur la gouvernance actuelle de l’Arabie saoudite et sur les relations de Riyad avec les Etats-Unis ? »

Un homme tient une pancarte indiquant « Où est Jamal Khashoggi ? » lors d'une manifestation de soutien au journaliste et critique du pouvoir de Riyad, Jamal Khashoggi, porté disparu, devant le consulat d'Arabie Saoudite le 9 octobre 2018 à Istanbul.
Un homme tient une pancarte indiquant « Où est Jamal Khashoggi ? » lors d'une manifestation de soutien au journaliste et critique du pouvoir de Riyad, Jamal Khashoggi, porté disparu, devant le consulat d'Arabie Saoudite le 9 octobre 2018 à Istanbul. OZAN KOSE / AFP
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Il faut, bien sûr, attendre que les faits soient avérés. Même s’ils sont déjà plus que concordants en direction de Riyad...

S’ils le sont, il faudra alors poser la question : comment se fait-il qu’un ressortissant saoudien, certes exilé depuis un an aux États-Unis par crainte, déjà, de représailles de la part des services saoudiens, certes journaliste très critique de Mohamed ben Salman, comment se fait-il que cet homme puisse être tué alors qu’il se rend dans la représentation diplomatique de son pays – sans que les plus hautes autorités de ce pays soient, pour le moins au courant, pour le pire à l’initiative d’un tel meurtre ?

Cette disparition plus que bizarre en dit long en tout cas sur le sentiment d’impunité qui semble caractériser Mohammed ben Salman depuis qu’il s’est emparé des rênes du pouvoir. En le nommant prince héritier en juin 2017, le roi Salman a rompu la tradition successorale dans le royaume wahhabite, qui était «  adelphique », c’est-à-dire transmise de frère en frère. Et très vite, ce jeune homme pressé a annoncé qu’il voulait moderniser l’économie, ouvrir la société – un peu, aux femmes. Ce qu’il n’a pas dit, mais qu’il a fait, fut de réduire au silence les opposants, les dissidents où qu’ils se trouvent, y compris au sein de la famille des Saoud. D’où la rafle du Carlton où il a embastillé des politiques, des hommes d’affaires, les a humiliés et les a forcés à payer pour ressortir libres.

Le ton était donné. Un pouvoir fort – sans compromis et hyper personnalisé.

Du coup, MBS a aujourd’hui beaucoup d’ennemis en interne qui aimeraient bien le voir chuter. Et dans l’immédiat, son image a été sérieusement écornée, son grand projet Horizon 2030, qui devait être la promesse de contrats juteux lors du « Davos du désert » dans quelques jours, est en train de se transformer en Davos désertique. Tant les défections se multiplient.

Pour autant, MBS n’est pas encore destitué – loin s’en faut. D’abord parce qu’il a donc verrouillé toutes les instances de pouvoir en interne – ensuite parce qu’il sait que la puissance économique de son pays devrait le protéger encore un peu. Et puis, MBS a en Donald Trump un allié compréhensif et qui le ménage – jusqu’ici.

Parce qu’il apprécie son côté transgressif – et parce qu’il a besoin de lui. Pas question de se passer des dizaines de milliards de dollars saoudiens dépensés dans l’achat d’armes américaines. Pas question de se passer d’un allié précieux dans la région, l’ennemi juré de Téhéran, le seul pays arabe qui tente de vendre aux Palestiniens un plan de paix qui les priverait de toute présence à Jérusalem – sans succès pour l’instant.

L’affaire Khashoggi s’éternisant, Donald Trump a fini par durcir le ton, au cas où les preuves seraient établies sur l’implication directe de MBS dans le meurtre du journaliste. Tout en s’évertuant à faire accepter l’idée que ce sont des exécutants qui ont dérapé – et pas les autorités politiques.

Une affaire en tout cas qui contrarie fortement les plans américains. Le Président Trump veut imposer dans deux semaines de nouvelles sanctions à l’Iran, notamment sur ses exportations de pétrole. Et comptait beaucoup sur Riyad pour empêcher une déstabilisation du marché pétrolier. Là, tout se complique. Et ça énerve Donald Trump. Plus, sans doute, que le sort d’un journaliste saoudien.

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