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Le grand invité Afrique

Sadek al-Mahdi: «Le peuple soudanais est prêt à vivre un nouveau printemps»

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Nida'a al-Sudan, la coalition la plus large de l'opposition soudanaise, a organisé en région parisienne quatre jours de dialogue entre les partis qui forment cette coalition. Des représentants des partis politiques, des groupes armés et des organisations de la société civile ont discuté des possibilité de contrer une nouveau mandat d'Omar el-Béchir pour la présidentielle de 2020. Un mandat qui va à l'encontre de la Constitution. l'Imam Sadek al-Mahdi, le président de Nida' al-Sudan et du parti Oumma, est notre invité. Il explique les choix de cette opposition.

Sadek al-Mahdi en interview avec Houda Ibrahim pour RFI le mardi 21 août 2018 à Paris.
Sadek al-Mahdi en interview avec Houda Ibrahim pour RFI le mardi 21 août 2018 à Paris. RFI/Houda Ibrahim
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RFI : Où va le Soudan après la décision du Congrès national, parti présidé par le président Omar el-Béchir, de nommer une nouvelle fois le président sortant comme candidat à la prochaine présidentielle ?

Sadek al-Mahdi : Le Soudan traverse actuellement une grande épreuve. Après 29 années d’échec dans tous les domaines, le régime présente un président poursuivi par la CPI (Cour pénale internationale), pour un septième mandat présidentiel. C’est en contradiction avec la Constitution et avec nos principes politiques. Pour ces raisons, cette candidature va générer, je crois, une très large protestation, de la part de l’opposition traditionnelle au Soudan, mais aussi de la part de ceux qui s’opposent à la falsification de la Constitution.

Il y aura une opposition plus large même parmi ceux qui ont été pour le pouvoir d'el-Béchir dans le passé. Le maintien du frère el-Béchir à son poste à la tête du pouvoir ne servira pas les intérêts du Soudan et portera atteinte à la politique extérieure du pays. Son maintien au pouvoir empêchera, entre autres, l’annulation de la dette extérieure du Soudan. Il rendra le pouvoir soudanais illégal au regard des 140 pays membres de la CPI. Nous sommes contre l’idée de nommer el-Béchir une nouvelle fois à la présidence.

Quelles sont les solutions qui s’offrent à l’opposition soudanaise, en particulier à la coalition de l’opposition Nida'a al-Sudan, face à cette nouvelle candidature d’Omar el-Béchir ?

Le peuple soudanais s’est soulevé dans le passé à plusieurs reprises : nous avons connu deux printemps. L’intifada de 1964 et celle de 1985. Il est très probable que nous pourrons avoir un troisième printemps soudanais. Nous cherchons aussi des solutions politiques en suivant un mécanisme qui ressemble à celui qui a été réalisé en Afrique du Sud.

C’est une possibilité qui a été reproduite dans plusieurs autres pays : en Espagne, au Chili et ailleurs. Dans ces pays, le gouvernement avait reconnu son échec tout en prenant en compte la nécessité de réformer. Au Soudan, les forces armées ne peuvent abandonner les armes qu’en échange d’une vraie solution politique. C’est ce que nous cherchons à avoir. Le peuple soudanais veut une paix juste, globale et une transformation démocratique entière.

Si aucun vrai dialogue national n’est initié, allez-vous appeler à une intifada dans la rue soudanaise ?

Je pense que si l’on ne s’achemine pas vers un autre pouvoir, si l’on n’arrive pas à instaurer le dialogue, le peuple soudanais est prêt à vivre un nouveau printemps.

Vous appelez toujours à un dialogue différent de celui qui a eu lieu ces dernières années, un dialogue qui fera émerger un président d’entente nationale ?

Je pense que le Soudan est capable de réaliser ça, de passer de la zone obscure à la zone lumineuse en se dotant d’un régime qui installera une paix juste et globale et qui réalisera la transformation démocratique.

Si vous étiez choisi, comme président d’entente nationale, seriez-vous prêt à jouer ce rôle ?

Non, je suis appelé à d’autres missions, de l’ordre de la pensée, au niveau arabe, africain et islamique. On me désigne souvent comme étant le « sage de la nation », et je suis heureux de jouer ce rôle basé sur la sagesse. Mais je vais aussi œuvrer pour que le Soudan ait sa Constitution démocratique et une paix juste et globale.

Vos missions actuelles résultent de cette réunion parisienne de Nida'a al-Sudan ?

Durant notre réunion, nous avons étudié la manière dont Nida'a al-Soudan pourrait réaliser les revendications légitimes du peuple soudanais. Quant à ma mission actuelle, je mène une campagne pour mobiliser intellectuellement et politiquement les Soudanais de la diaspora. Je suis également en contact avec les pays africains, européens et arabes pour soutenir les aspirations légales du peuple soudanais.

Qu’allez-vous demander à la communauté internationale face à la nouvelle candidature d’Omar el-Béchir ?

Nous sommes en train de mener une large campagne, dans les milieux internationaux, pour qu’ils agissent contre cette candidature comme ils l’ont fait en République démocratique du Congo avec Joseph Kabila. Il faut qu’ils se mobilisent contre les envies de contrer la Constitution dans les différents pays africains.

Elargir le dialogue interne à Nida'a al-Sudan à d’autres partis de l’opposition vous parait-il nécessaire aujourd’hui ?

L’un des principes les plus importants que l’on a discutés ici à Paris, durant notre réunion, est la nécessité d’élargir ce dialogue à tous ceux qui cherchent à avoir un nouveau pouvoir. Nous voudrons que nos discussions regroupent les forces de la société civile comme les forces politiques et toutes les forces revendicatrices dans les pays.

Vous appelez à une présence de l’Union européenne et de l’Union africaine au dialogue nationale que vous souhaitez voir au Soudan ?

Nous réclamons un rôle africain et international pour observer les développements politiques en Afrique en général et au Soudan particulièrement. Nous sommes persuadés que la communauté internationale peut jouer un rôle important pour garantir la paix et les transitions démocratiques.

Vous avez appelé l’Union africaine à mettre une loi continentale concernant les élections en Afrique, quel est votre objectif ?

Nous croyons que beaucoup de problèmes en Afrique ont à voir avec l’alternance. Ces problèmes sont générés par la volonté des présidents de s’éterniser au pouvoir tout en ignorant la Constitution. Ils n’hésitent pas non plus à falsifier les résultats des élections, ou alors ils organisent les élections dans un climat qui manque de liberté et sans qu’une loi honnête ne garantisse l’intégrité des élections. Ces agissements sont devenus une épidémie en Afrique. C’est pour ces raisons que nous avons demandé à l’Union africaine d’œuvrer pour éradiquer cette épidémie et pour adopter une loi continentale qui permettra l’organisation d’élections honnêtes et libres.

Vous accusez le président Omar el-Béchir de vous avoir « tué juridiquement » comme vous l’exprimez...

Le régime a déposé dix plaintes contre moi. Il cherche à m’assassiner juridiquement.

Maintenant, vous ne pouvez plus rentrer au Soudan ni en Egypte d’ailleurs.

Ce sont des choses qui changent. Mais je retournerai au Soudan quoi qu’il arrive. Je le ferai dans une prochaine période, une fois que j’aurais accompli mes missions actuelles.

Après 50 ans d’activité dans l’opposition politique, d’écriture, de pensée, comment évaluez-vous votre expérience ?

C’est une expérience qui a apporté une valeur ajoutée au travail politique, à la pensée, à la culture, à la politique engagée par la morale, à l’éthique et l’honnêteté. Je pense que c’est une image qui sera, je l’espère, utile pour les générations à venir.

Mais parfois, vous êtes critiqué justement à cause de cela, on dit que vous n’êtes pas vraiment actif sur le terrain ?

Je pense que si l’on me compare à ma génération dans les pays arabes, islamiques et africains, ce que j’ai réalisé pourrait être considéré comme un modèle d’opposition réussi.

Et le parti Oumma, qu’est-ce qu’il devient aujourd’hui ?

Malgré tous les combats qui ont eu lieu, malgré la volonté du régime de viser le parti Oumma, notre parti demeure le plus grand, le plus fort, le plus franc et le plus efficace au Soudan et même dans la région.

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