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Éco d'ici éco d'ailleurs

Pour vaincre la pauvreté et les inégalités, une révolution?

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Aujourd'hui, Eco d’ici Eco d’ailleurs se penche sur l'impact de la pauvreté et des inégalités sur le fonctionnement du capitalisme. Deux livres nous y invitent. Les pauvres vont-ils révolutionner le XXIe siècle ? - Transcender le capitalisme, publié aux Éditions Atlande, écrit par Gilles Dufrénot, professeur d'économie à l'Université Aix Marseille et chercheur associé au CEPII. Gilles Dufrénot appelle de ses vœux l’émergence d’un nouveau contrat social qui serait favorisé par le recours dans les pays pauvres à des innovations technologiques qualifiées de « frugales ».(Rediffusion du 26 mai 2018).

Les pauvres vont-ils révolutionner le XXIe siècle par Gilles Dufrénot.
Les pauvres vont-ils révolutionner le XXIe siècle par Gilles Dufrénot. Éditions Atlande
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L'autre livre dont il est question dans cette émission est le Rapport sur les inégalités mondiales, publié aux Éditions du Seuil, en partenariat avec le World Inequality Lab. Un travail collectif qui a réuni une centaine de chercheurs. En studio, l'un des coordonnateurs de ce travail de longue haleine. Lucas Chancel enseigne à l'Ecole d'Economie de Paris et il mène des recherches au sein de l'IDDRI, l'institut du Développement durable et des relations internationales.

1/ Angus Deaton : le vieux monde de la compétition monopolitisque est de retour
Beaucoup d'économistes américains réfléchissent à la question de la montée des inégalités. L'un des livres les plus célèbres du prix Nobel d'économie 2015, Angus Deaton s'intitule La grande évasion - Santé, Richesse et origine des inégalités. Angus Deaton était récemment à Paris pour une série de conférences, l'une consacrée à la pauvreté, l'autre à la mortalité et à la morbidité, la faculté d'être « malade » des travailleurs blancs américains. RFI l'a rencontré à l'issue de cette conférence, une rencontre très impressionnante parce qu'Angus Deaton a une taille imposante, une canne et un nœud papillon. Surtout, il a un sens de l'humour corrosif qui se déclenche à la moindre question qu'il juge un peu imprécise. Angus Deaton évoque le sort des travailleurs blancs américains au cours des dernières décennies.

Angus Deaton : Ce n’est pas une bonne période pour être un travailleur blanc aux États-Unis. Leurs conditions de vie se sont beaucoup détériorées. Mais on ne peut pas vraiment dire qu’ils soient pauvres parce que les Afro-Américains sont beaucoup plus pauvres que les Blancs. Ce que je pense, c’est qu’il y a des gens aux États-Unis qui n’ont presque rien et que ces gens-là sont plus nombreux que ce qui est habituellement reconnu. Il faudrait qu’on s’intéresse à eux de près et bien plus que ce qu’on fait actuellement. Concernant les hommes blancs avec un faible niveau d’éducation, je ne pense pas qu’en tant que groupe, ils s’appauvrissent. Cela dit, leur situation a très peu progressé.

Jean-Pierre Boris : Mais ces hommes blancs peu éduqués qui travaillent, dans quelle catégorie socio-économique les classeriez-vous ? Est-ce qu’ils appartiennent à la classe moyenne ?

A. D. : Il n’y a pas réellement de définition de la classe moyenne. Mais la plupart de ces gens, si l’on s’en tient aux critères américains officiels, n’entrent pas dans la catégorie des gens pauvres. Je suppose que vous pourriez les ranger dans la catégorie de classe moyenne. Vous savez, aux États-Unis, nous n’avons pas de classe ouvrière. C’est un terme qui nous pose problème.

J-P B. : Pourquoi ?

A. D. : Je ne sais pas. Mais aux États-Unis, contrairement à l’Europe, il y a toujours eu cette conviction qu’il n’y avait pas de classe ouvrière. Tout le monde est réputé appartenir à la classe moyenne. Vous comprenez, on est soit de la classe moyenne, soit on est des pauvres, mais pas de la classe ouvrière.

J-P B. : Les inégalités ont beaucoup augmenté aux États-Unis ?

A. D. : Pas tellement au cours des dernières années, mais avant oui. Ce qui se passe, pour les hommes blancs qui n’ont pas une bonne formation, ce que mes recherches démontrent c’est que leurs revenus baissent régulièrement. Et donc leur situation est moins bonne que celle de leurs parents au même âge.

J-P B. : Avez-vous l’impression que les politiques publiques aux États-Unis traitent ce genre de question ?

A. D. : Non, c’est le contraire. Le Congrès vient de voter une loi fiscale qui donne des sommes d’argent énormes aux gens très riches et rien du tout aux pauvres. Après un siècle de progrès, les Américains blancs de la classe moyenne ont vu augmenter leur taux de mortalité et de morbidité. Il est plausible que cela ait à voir avec la destruction de la vie des travailleurs dont la cause est la baisse depuis longtemps de leurs salaires. Derrière cela, il y a le pouvoir croissant des entreprises. On a l’impression que le vieux monde de la compétition monopolistique est de retour et maintient les payes très basses et les prix de vente très hauts.

J-P B. : Ce qui est frappant dans vos travaux, c’est le contraste entre la dégradation de la situation de ces catégories aux États-Unis et l’amélioration en Europe. Comment l’expliquez-vous ?

A. D. : C’est la grande question. Personne n’a vraiment la réponse. Mais je pense que le capitalisme américain est beaucoup plus violent que le capitalisme européen et qu’il a été beaucoup plus efficace dans la confiscation des intérêts des gens qui travaillent au bénéfice des grandes compagnies. Jusqu’à présent, cela n’a pas été le cas en Europe, mais c’est peut-être en train d’arriver.

J-P B. : Pensez-vous que l’élection de Trump soit la conséquence de la férocité de ce capitalisme américain ?

A. D. : C’est trop fort comme formulation. Mais oui. Beaucoup de gens ont pensé que la précédente alliance entre Clinton et Obama avait fait très peu pour eux, et ils ont donc estimé qu’il valait mieux casser ça. Je ne crois pas qu’ils aient eu beaucoup d’illusion sur le fait que Trump allait leur faire beaucoup de bien. Mais ils étaient assez contents d’avoir tout cassé.

► Autres éléments

2/ San Francisco : Cours de codage pour SDF
Paradoxe apparent, dans la première puissance économique mondiale, les États-Unis, les écarts de richesse entre les plus pauvres et les plus riches se creusent et la grande pauvreté augmente. Selon les chiffres du ministère du Logement, cette année pour la première fois depuis la Grande Dépression de 1929, le nombre de SDF a augmenté au niveau fédéral de près de 0,7 %. En 2017, plus de 500 000 personnes ont passé au moins une nuit à la rue. Très peu de services publics existent pour les SDF aux États-Unis, alors le secteur privé se mobilise avec de petits moyens. À San Francisco dans le centre-ville des milliers de SDF survivent au pied des immeubles des géants de la tech comme Spotify ou Twitter. Une ONG a donc eu l’idée de donner des cours de codage informatique aux SDF pour les faire embaucher par ces grandes entreprises. C’est un reportage Eco d’ici Eco d’ailleurs signé Eric de Salve à San Francisco.

02:20

REP / USA : Pauvreté

3/ Kenya : l'Internet pour tous
Au Kenya, mettre l’Internet à la portée de tous est un souci. L’entreprise Poa Internet, partenaire de l’opérateur Liquid Telecom, veut relier au web ceux qui ne le sont pas. Grâce à une technologie sans fil bien moins chère que la fibre optique, POA Internet apporte le web à Kibera et Kawangware, deux bidonvilles de Nairobi. Les kenyans les plus pauvres ont ainsi accès à Internet. C’est un reportage Eco d’ici Eco d’ailleurs signé Laure Broulard à Nairobi. 

02:36

REP / Kenya POA

4/ Bolivie : L’apprentissage de la vente
Des cireurs de chaussures qui écrivent et vendent un journal ou qui deviennent guides touristiques, c’est le pari un peu fou de l’association « Hormigon armado », béton armé, à La Paz. Cette organisation existe depuis 2005, et édite une revue bimestrielle, vendue par des cireurs de chaussures, et, en partie écrite par eux, où ils racontent leurs histoires de vie. L’idée vient d’une revue anglaise, « The big issue » et poursuit le même but : lutter contre la pauvreté de ceux qui la vendent. Reportage d’Alice Campaignolle.

02:37

REP / Bolivie : cireurs de chaussures

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