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Le grand invité Afrique

Simone Gbagbo amnistiée: «Cette libération va contribuer à la décrispation»

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Un geste d’apaisement, un discours d’ouverture : lundi, le chef de l’État ivoirien Alassane Ouattara a annoncé, à la veille du 58e anniversaire de l’indépendance du pays, l’amnistie de 800 prisonniers en lien avec la crise postélectorale. Parmi ces personnalités figure l’ancienne première dame Simone Gbagbo, incarcérée depuis 2015, et qui purgeait une peine de 20 ans pour atteinte à la sureté de l’État. Félix Bony, rédacteur en chef de linfodrome.ci, répond aux questions de Bineta Diagne.

Simone Gbagbo à son procès le 30 juin 2016.
Simone Gbagbo à son procès le 30 juin 2016. ISSOUF SANOGO / AFP
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RFI: Félix Bony, Simone Gbagbo libre. C’est une mesure de décrispation en vue d’une réconciliation, selon plusieurs observateurs. Ce geste suffit-il à répondre à toutes ces voix sceptiques qui jusqu’ici avaient l’impression d’observer une justice des vainqueurs ?

Félix Bony : Cette libération effectivement contribue à la décrispation. Là, elle est interprétée diversement.  Pour les uns, cela veut dire que la justice est un instrument au service du pouvoir qui sera en définitive comme il l’entend. Pour d’autres, c’est la bienvenue. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Le président de la République vient de libérer 800 prisonniers de la crise postélectorale à deux ans de la fin de son mandat. Je pense que ce geste va effectivement contribuer au retour de certains exilés et à une décrispation au niveau du clan des pro Gbagbo.

Quand vous parlez de certains exilés, vous pensez à qui ?

Je pense à ceux qui sont à Accra, au Togo, au Bénin, probablement d’autres encore qui sont en France. Ils ont l’occasion de rentrer dans leur pays et de reprendre la vie politique là où ils l’avaient laissée.

De reprendre la politique sans arrière-pensée, sans esprit de revanche ?

Ils n’ont pas du tout intérêt à avoir des arrière-pensées et un esprit de revanche parce que nous sommes à deux ans des élections présidentielles. Je crois que c’est l’occasion pour eux de tenter de rebondir.

Quel avenir peut-on imaginer pour Simone Gbagbo aujourd’hui sur le plan politique ?

Simone Gbagbo, sortie de prison, je pense que ce sera la personne « lige » pour le Front populaire ivoirien. Si Laurent Gbagbo ne sort pas de prison et qu’il n’y a pas éventuellement de personnalité forte pour diriger ce Front populaire ivoirien et pouvoir le conduire aux élections présidentielles de 2020, je ne serais pas surpris que Simone Gbagbo puisse éventuellement être la thérapie pour le FPI présentement.

Est-ce que sa personnalité est de nature à rassembler de nouveau les militants du Front populaire ivoirien, FPI ?

Au sein des pro Gbagbo du FPI, oui sa personnalité est de nature à pouvoir les rassembler. Mais est-ce qu’au niveau national, sa personnalité pourra éventuellement s’imposer parce que certaines personnes ne la trouveront pas un peu plus revancharde, et un peu plus dure pour pouvoir éventuellement rassembler les Ivoiriens. Quelle va être l’approche qu’elle aura avec Pascal Affi N'Guessan ?  Et là, c’est ça la question parce que Affi N’Guessan a quand même la partie légale du Front populaire ivoirien, il va falloir que Simone Gbagbo engage véritablement les négociations de façon plus diplomatiques pour amener Affi N’Guessan à réunir ce parti avant les échéances de 2020.

Pour quelle raison, le président a-t-il amnistié l’ex-première dame, sachant qu’étant libre, le FPI pourrait bien la désigner finalement comme potentielle candidate pour la présidentielle de 2020. Est-ce une manière de couper l’herbe sous le pied des déçus du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) ?

D’abord, le président est un peu affaibli aujourd’hui avec ce rapport de l’Union européenne, avec le PDCI-RDA qui s’est coupé de lui. En libérant Simone Gbagbo, c’est une façon effectivement de réduire cette montée fulgurante du PDCI-RDA. Mais il y a d’autres raisons également, comme la pression internationale par rapport à Simone Gbagbo qui était la seule femme jusque-là sur le continent africain à être détenue en prison.

Quand le président dit : « Nous devons travailler pour transférer le pouvoir à une nouvelle génération de manière démocratique en 2020 ». Il ne résout en rien la crise ouverte entre son parti et le PDCI ?

C’est une façon de dire qu’il ne remplira pas un troisième mandat, qu’il n’est pas candidat à sa succession. C’est aussi clair. Donc également tous ceux qui sont de sa génération, le président Bédié notamment, ne devraient pas également éventuellement se présenter. C’est une façon de s’auto exclure, mais également d’exclure éventuellement tous ceux qui sont de sa génération.

Mais alors cette nouvelle génération, pour le parti unifié, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, (RHDP) qui peine aujourd’hui à se former, ce serait qui concrètement ?

C’est la question qu’on se pose. Guillaume Soro pour l’instant est dans les rangs du RHDP. Le même Guillaume Soro a également une relation très forte avec le président Konan Bédié. Si les deux personnalités, Ouattara et Bédié, arrivent à s’entendre, éventuellement ils verront la personne idéale. Mais pour l’instant, quand on regarde le tableau tel qu’il se profile, il n’y a pas véritablement de noms au RHDP plus jeunes. Faut-il parler du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Au PDCI, on parle de Jean-Louis Billon. Mais voilà, il n’y a pas véritablement de noms qui sortent, qui puissent faire l’unanimité pour l’instant au RHDP. N’oublions pas que le président de l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d'Ivoire (UDP-CI), Albert Mabri Toikeusse, a également annoncé sa volonté de se porter candidat en 2020.

Opposition et société civile saluent en cœur la révision de la composition de la Commission électorale indépendante. Nous sommes à deux mois d’élections locales, à deux ans de l’élection présidentielle. A-t-on le temps et surtout les moyens de reconstituer une commission électorale qui soit parfaitement indépendante ?

Dans un contexte où les partis politiques sont pratiquement divisés, où il n’y a pas tellement d’harmonie, parce que plusieurs formations politiques sur la place sont divisées, à deux mois des élections municipales, je crois que c’est véritablement juste. Mais une CEI [Commission électorale indépendante] avec qui ? Quels acteurs ? Quels FPI ? Quels MFA [mouvement des forces d'avenir] ? Quels UDP-CI ? Ce sera vraiment difficile parce que la classe politique aujourd’hui est suffisamment divisée et la configuration actuelle ne permet pas de mettre une CEI véritablement unanime en place pour l’instant.

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